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Revue des marques : numéro 25 - Janvier 1999
 

Saga Poulain

Poulain
Poulain, 150 ans sous le signe de l'innovation et de l'audace publicitaire
Poulain célèbre, cette année, ses cent cinquante ans. Marque familiale et populaire qui a tout inventé - ou presque - en matière de communication, elle entreprend, à l'aube du troisième millénaire, un retour à ses origines. Avec, pour ambition, d'incarner la tradition chocolatière française.
par Jean Watin-Augouard

Un vieil artisan, passé maître dans l'art des feuilles d'or, en produisait de si fines qu'il connût ainsi une grande célébrité. A tel point que le roi lui-même ordonna d'en faire envelopper son chocolat le plus noir. De sorte que chacune de ses tablettes, ressemblant à un trésor, fît accourir les grands de ce monde. " 1848 " de Poulain, rappellez-vous comme vous aimez le chocolat. A la manière d'un conte de Perrault, cette publicité, réalisée par l'agence Alice en 1995, annonce une révolution. Produit familial et populaire, Poulain et sa marque " 1848 " renoue avec la tradition de son fondateur, celle de grand chocolatier. Preuve que l'histoire, c'est aussi demain !

1848 : la démocratie par le chocolat



Loin des convulsions révolutionnaires - les fameuses journées de février 1848 qui renversent Louis Philippe, le dernier monarque français - , Victor Auguste Poulain, confiseur a Blois depuis le 23 juin 1847, crée sa marque. 1848 reste dans les livres d'histoire comme étant l'année du suffrage universel et de l'élection du premier président de la République, Louis Napoléon Bonaparte. Mais nulle évocation. d'une nouvelle marque de chocolat dont le mérite fût de démocratiser le goût! C'est, dit-on, sur les conseils de son épouse, Louise-Pauline Bagoulard, que Victor Auguste Poulain signe ses chocolats de son propre nom.
Il est vrai que Poulain sonne mieux que les initiales du couple (PB) ou celles du fondateur (VAP) quand d'autres lanceront LU (1887) ou BN (1993). Au reste, ce choix n'est pas en soi, révolutionnaire comme en témoignent les autres marques de chocolat patronymiques créées au XIXème siècle : Philippe Suchard (1826), Jean-Antoine Brutus Menier (1836) et Johan Jacob Tobler (1868). Révolutionnaire, en revanche, sera l'intuition de Victor Auguste Poulain, également partagée par Emile Justin Menier : faire du chocolat un produit consommé par le plus grand nombre. " Son histoire est d'une modernité fantastique. Sans avoir fait la moindre " business school ", il a tout inventé sur le plan marketing et ses successeurs ont su pendant longtemps conserver l'âme de la marque ", résume Marc Baraban, directeur du marketing Cadbury France (1). Poulain ou quand un homme d'exception comprend les changements de son temps - la révolution industrielle avec, pour conséquence sociale, l'entrée dans l'ère des masses - et sait les traduire sur le plan industriel et commercial. L'homme est encore un enfant quand, jugé trop malingre pour devenir cultivateur, et après une brève scolarité à l'école primaire de Pontlevoy, il quitte à 9 ans la ferme familiale, avec pour tout viatique, dix sous en poche. Commis d'épicier à Bléré puis à Blois, sa vocation mûrit à Paris.
C'est au " Mortier d'Argent ", épicerie de luxe rue Monsieur le Prince que, de 1837 à 1847, il s'initie à la fabrication encore artisanale du chocolat, alors vendu sous la forme de boudins.
Après l'apprentissage, l'indépendance. 1847 : Victor Auguste Poulain a 22 ans lorsqu'il décide de se mettre à son compte comme confiseurs à Blois. Débuts difficiles quand la ville compte cinq confiseurs et les dépôts de certaines maisons parisiennes. Comment se singulariser ? "En passant du statut de confiseur-chocolatier à celui d'industriel du chocolat explique Marc Baraban. "

Un industriel conscient que le chocolat ne peut avoir un avenir commercial que s'il devient un produit de consommation quotidien et de masse et non plus seulement réservé à l'aristocratie et à la bourgeoisie". A ce nouveau marché doit correspondre un changement quant à l'utilisation du chocolat : produit de " santé ", il doit devenir un produit gourmand.
Or, seule, la machine peut garantir une qualité constante et optimale. " Enfant d'une famille pauvre, longtemps astreint à la frugalité, Victor Auguste Poulain souhaitait que tous les enfants puissent consommer du chocolat. C'est cela l'âme de la marque ", explique Marc Baraban. Ses cibles seront donc la famille et les enfants. Et c'est dans la maison Natale du célèbre prestidigitateur, Jean Eugène Robert-Houdin, le père de la magie moderne que Victor Auguste Poulain, autre magicien, fabrique ses premiers chocolats.
Tryptique qui fonde la réussite de la marque : industrialiser pour réduire les coûts et donc les prix, fabriquer des produits de qualité et les faire connaître par la réclame. Alors que ses concurrents limitent leur offre à un chocolat à cuire et à fondre, parfois aromatisé de vanille, Poulain propose une gamme très large fondée sur une qualité constante.
Un premier brevet pour une préparation au chocolat est déposé en 1852.
" Dès lors, la marque Chocolat Poulain allait être à l'abri de la contrefaçon, quand à sa formule de fabrication et à sa qualité sans rivale " (2). Mais son ambition a un coût qu'il finance grâce à la dot de sa femme et la vente de ses propres biens acquis par héritage.

Il peut ainsi acheter, en 1855 et bâtir une broyeuse mécanique puis bâtir une usine à Blois dont la construction s'étendra de 1862 à 1879. Signe du succès : elle compte 30 ouvriers en 1870, 700 au début du XXème siècle. Baptisée usine de la Vilette, elle figure aujourd'hui sur le packaging de la marque " 1848 ".

Comparaison est raison

Le savoir-faire n'est rien sans le faire-savoir. Victor Auguste Poulain entend donc se singulariser par la réclame pour vanter son " bon chocolat loyal ". Il est ainsi le premier à mentionner l'origine de ses fèves et ce, dès 1850 à la dernière page du journal local, le Journal de Loir-et-Cher. On peut lire dans ce même journal, en 1857 : " Avis aux Consommateurs. Contrefaçon. La Maison Poulain, dont les chocolats ont acquis une si juste réputation, a récemment créé, sous le nom de Bouchées Impériales, un délicieux bonbon qui n' a pas tardé à exciter la concurrence d'un confiseur de Blois qui, ne pouvant en égaler la qualité, s'est borné à en imiter la forme " Et la maison Poulain d'engager " instamment sa nombreuse clientèle à faire la comparaison des deux produits " (3). La publicité comparative vient de naître ! Son talent est couronné, en 1858, avec une première médaille d'or l'Exposition Industrielle de Blois. C'est, en 1865, trois ans après l'ouverture de l'usine, l'invention du cacao en feuille, l'ancêtre de la tablette actuelle, saluée en 1867 par une médaille de bronze à l'Exposition Universelle de Paris.
Sur l'emballage de Poulain Papier Orange figure le premier "logo" de la marque: un caducée - le chocolat n'est-il pas encore considéré comme un médicament ? -entouré de rinceaux qui rappellent les décorations du comptoir-caisse du Mortier d'Argent. Ce même logo est apposé sur" Déjeuner Universel ", produit destiné à prouver que le chocolat à croquer n'est pas seulement un produit à cuire mais à déguster et lancé en 1864, année de l'ouverture du premier magasin parisien. Autre facette du génie publicitaire de Victor-Auguste Poulain : la technique de la " vente retardée " qui annonce à grand renfort de publicité que les nouveaux produits ne sont disponibles que huit jours avant Noël. Il crée la demande et neutralise les copieurs. " La maison Poulain tient en réserve pour la fin de l'année un joli assortiment de Bonbons Nouveaux, de son invention, que, pour éviter toute contrefaçon ultérieure, elle mettra en vente huit jours seulement avant le Jour de l'An ", peut-on lire dans le Journal de Loir-et-Cher du 10 décembre 1857. Et, pour inciter les épiciers à passer des commandes importantes, Victor AugustePoulain leur offre douze couteaux à manche d'ébène dans un écrin ! Mais rien de tel qu'un bon slogan pour créer un réflexe que l'on qualifiera plus tard de " pavlovien ".
Avec "Goûtez et Comparez", mot d'ordre lancé le 22 février 1863 (4) sur des affiches tricolores apposées dans toute la France, Victor Auguste Poulain inaugure à grande échelle la publicité comparative et fait du client le juge arbitre (aujourd'hui, on parle de client expert). On ne peut rêver meilleur contrat de confiance pour une marque encore provinciale qui entend rivaliser avec les maisons parisiennes et fidéliser ses clients !

Au nombre desquels, les enfants pour qui Victor Auguste Poulain glisse, dès 1866, des images dans ses bâtons en chocolat. " Mais elles ne mentionnent pas encore le nom de la société ", précise Nina Favart, conservateur du musée municipal de Pontlevoy. Et d'ajouter : " Il faut attendre le Bon Marché qui appose en 1867 le nom de l'enseigne sur les images et surtout les nouveaux procédés techniques de chromolithographie pour que Victor Auguste Poulain offre en 1879 dans son Déjeuner Universel des petites vignettes à son nom ", ajoute-t-elle.
    

L'enfant, déjà



Personnage incontournable de la saga Poulain, Albert, fils du fondateur, est son associé depuis 1874. Il partage le même souci que son père: vendre "bon et à bon marché" .Il le fait savoir dans une réclame parue en 1878 : la Maison Poulain qui a déjà des entrepôts à Paris, Bordeaux., Marseille, Lyon, Alexandrie, Alger et Londres, fustige" le charlatanisme" des fabricants qui "à grand renfort d'insinuations et de réclames, habilement rédigées et chèrement payées dans la plupart des journaux, déclarent que pour avoir du bon chocolat, il faut payer cher ". Quand Victor Auguste Poulain se retire des affaires en 1880, la marque n'a pas encore écrit les plus belles pages de son histoire ! Dans la lignée des Henri Nestlé, inventeur de la farine lactée en 1867 et de Julius Maggi à qui on doit la première soupe rapide à préparer en 1883, tous deux préoccupés de la santé des enfants et de leur nutrition, Albert Poulain invente en 1884 le " petit-déjeuner à la crème vanillée ". Dans le paquet, une " surprise " destinée à fidéliser les enfants : des petits soldats en tôle lithographiée fabriqués dans l'usine à raison de dix nouveaux sujets, tous les mois ! "
L'opération ne durera qu'un an, en raison de son coût trop élevé. Les petits soldats seront remplacés par des petits livrets de contes ", précise Nina Favart. Preuve que l'enfant est plus que jamais la cible prioritaire, Albert Poulain lance en 1885 la publicité " Bébé Poulain " représentant un bébé jouant avec une tablette de chocolat.

Ce bébé figure également sur les découpis, ancêtres des publicités sur le lieu de vente (PLV), images dont les bords et l'intérieur sont découpés selon les contours du dessin. Assemblées en plusieurs plans, elles deviennent des images à système, c'est-à-dire mobiles. Leur fabrication cesse vers 1895.
L'usine accueille également une imprimerie d'où sortent les séries d'images à collectionner. Les chromos publicitaires sont un véritable miroir de la société et de ses temps forts. Les scènes de la vie quotidienne, appelées " scènes de genre " prédominent entre 1880 et 1890, où l'on voit des enfants costumés jouant des rôles d'adultes. Après l'Exposition Universelle de 1889, les thèmes illustrent l'ouverture sur le monde comme la série " Les Sciences " en 1895 ou "le voyage du président Félix Faure en Russie " (1897). Et quand la société Poulain entend accompagner la scolarisation des enfants (les lois sur l'enseignement primaire gratuit ont été promulguées en 1881) avec des images " instructives " (Le Tour du Monde en 80 jours, le progrès, les insectes, les ponts pittoresques , etc.) elle a changé de mains depuis trois ans ! Preuve que les successeurs respectent l'esprit de la marque. De fait, en 1893, une société anonyme est créée, composée de MM. Albert Poulain, Léon Renard et Georges Bénard, ces deux derniers étant beaux-frères. Trois ans plus tard, Victor-Auguste Poulain, toujours actionnaire majoritaire, vend sa société, son fils ayant décidé de se consacrer à l'industrie biscuitière. Il décèdera en juillet 1918 quelques jours après l'incendie de son usine.

Quand un poulain se fait logo

350 000 chromos par jour, soit 127 750000 images par an pour la seule année 1900 ! Un exploit qui mériterait de figurer dans le livre des records. Reste que l'image a trouvé de nouveaux supports: l'affiche vers 1890, et surtout, au début du siècle, la photographie, les plaques émaillées et le cinéma qui vont rendre les chromos caduques. Au nombre des célèbres affichistes, l'incontournable Firmin Bouisset qui dessine pour Poulain un petit écolier assis sur un tabouret en 1896 et Pierrot en 1898. Ces deux enfants ne sont qu'une seule et même personne : Jacques, le fils de l'affichiste (5). Avec Léonetto Cappiello, le célèbre " petit poulain " apparaît pour la première fois sur une affiche en 1911. " S'il figure depuis 1905, précise Nina Favart, sur les emballages et sur les carnets donnés aux représentants de la marque" " il devient véritablement le symbole de la marque que dans les années 1910. " Une idée de génie, explique Marc Baraban. Les nouveaux propriétaires de la société, ne souhaitant pas faire la promotion de celui, encore vivant, à qui ils avaient racheté l'entreprise, ont contourné l'obstacle en choisissant comme symbole l'animal ayant le même nom et, de surcroît, l'animal préféré des enfant. Un médiateur fantastique pour populariser le chocolat auprè de sa cible principale ". Et devenir, comme cela est mentionné dans une affiche de Cappiello, " la première marque française vendue dans le monde entier". Question à ce jour sans réponse: si Poulain s'était toujours écrit" Poulin " comme ce fut le cas jusqu'au début du XIXème siècle ? La question ne se pose pas quand un concours d'écriture est lancé en 1904 : 12 000 candidats doivent alors écrire en anglaise, en ronde et en bâtarde la phrase "Le meilleur chocolat, c'est le chocolat Poulain. Goûtez et comparez", et de répéter cette phrase trois fois sur une feuille de papier spéciale insérée dans une tablette de chocolat.
Le premier prix, 50 000 francs, fut remis par Pigier, président du jury et fondateur de l'école du même nom à Paris. "Les successeurs de Victor Auguste Poulain furent également des précurseurs en inventant ce qu'on appelle aujourd'hui le marketing de situation et le géomarketing" , ajoute Marc Baraban. Ainsi des " musées scolaires ", ancêtres des kit pédagogiques, introduits à l'école en 1906 : des boîtes contenant tous les ingrédients qui entrent dans la composition du chocolat servaient à l'instituteur pour une " leçon de choses ".
Ce dernier pouvait en 1909 s'aider d'une affiche ou tableau mural Poulain pour expliquer la cueillette du chocolat et sa fabrication. Et les élèves protégeaient leur cahier avec des protèges-cahiers Poulain.

Autre outil de promotion dont l'utilisation témoigne, pour l'époque d'une audace certaine de la part de Georges Bénard : le cinéma. Des " billets de faveur ", distribués dans les tablettes de Chocolat Poulain Orange donnaient droit à une entrée à moitié prix. Avec l'acquisition du premier cinéma en 1907 à Marseille, la société Poulain devient, comme Pathé, un propagandiste du 7ème art ! En 1914, la société comptera 110 salles de cinéma dont un certain nombre dans les pays où elle exporte, comme l'Egypte ou l'Angleterre où l'on peut lire sur les emballages Poulain "Taste and compare" ou "Taste an be convinced".

Des bâtons aux carrés



Autant d'innovations commerciales au service d'une politique de créations remarquables sur le plan des produits. " Les successeurs de Victor Auguste Poulain vont révolutionner le marché avec le Pulvérisé et la tablette familiale Noir Extra. Ces deux produits sont, en 1998, toujours les produits piliers de Poulain. Le Pulvérisé, baptisé Grand Arôme en 1986, est en 1998 le numéro deux du marché et la tablette Noir Extra, premier chocolat noir consommé en France et troisième référence toute catégorie confondue après Milka et Kinder et devant Nestlé dessert ", résume Marc Baraban. Retour en 1894, quand l 'acquisition d'un brevet pour fabriquer du cacao soluble permet de lancer, en 1896, un " chocolat granulé naturel " pour " déjeuners à la minute, soluble instantanément dans tout liquide bouillant " (6). L'offre s'enrichit en 1903 avec le Nectar cacao, poudre compacté présentée sous forme de " briquette " - un paquet de cinq étuis pour une consommation individualisée, déjà ! - et en juin 1908 avec le Pulvérisé Poulain Orange (7). Deuxième grande révolution du marché avant la Seconde Guerre mondiale : avec Noir Extra, la tablette de chocolat abandonne la forme des bâtons pour celle des carrés. Aujourd'hui, Poulain est la seule marque à être présente sur le marché du pulvérisé et celui des tablettes.
Après la Seconde Guerre mondiale, la famille Bénard continue d'innover sur .le plan commercial. Partenaire du Tour de France pendant 35 ans pour lequel il est à l'origine de la caravane, Poulain crée aussi le grand prix de la montagne. La marque est une des premières à réaliser des animations (gagner son poids en chocolat) dans les hypermarchés. " Alors que beaucoup de ses concurrents étaient distribués par des grossistes-confiseurs, Poulain a fait le choix des grossistes-épiciers puis des grandes surfaces: les volumes ont explosé. La marque reste toujours dans l'esprit de son fondateur : toucher le plus grand nombre ", rappelle Marc Baraban.

"1848", une nouvelle révolution

Les linéaires des grandes surfaces accueilleront ainsi les innovations de la marque. Stim, "le super instantané" que l'on peut voir sur les écrans de la télévision en 1969, Lacta noisettes en 1974, Super Rocher en 1979, le chocolat au riz Crocmy en 1981, le chocolat blanc Crocmoi en 1982, Poulain Patissier en 1981, la crème à tartiner Poulina en 1984 (devenue Poulain éclats noisettes en 1997). Avec Super Poulain, la société lance en 1986 la première poudre vitaminée (vitamines C, B6, B2, B1). Autant d'innovations qui attestent que la cible prioritaire de la marque reste celle des enfants. Mais elle laisse la concurrence (Lindt, Côte d'Or, Milka, Nestlé et ses chocolats dégustation en 1986, Kinder) occuper progressivement un territoire qui fut le sien à ses origines : le statut de chocolatier. Parallèlement, les marques distributeurs envahissent le segment traditionnel de Poulain: le chocolat noir. "Durant les années 80, il n'y a plus de réelle vision de la marque Poulain qui bénéficie pourtant de la première notoriété du marché et un très bon positionnement prix, Poulain reste associé à son image de petit cheval, à la tablette jaune " , explique Marc Baraban.
Il est vrai que les changements de mains peuvent, en partie, expliquer le manque de vigilance face à l'évolution du marché: vendu au groupe Midial (8) en 1987, Poulain tombe dans l'escarcelle de Cadbury-Schweppes en 1988.
Preuve que les hommes comptent autant que les marques dans la pérennité de ces dernières, la nomination, en 1994, de Marc Baraban au poste de directeur du marketing, apporte l'électrochoc salutaire. La marque entend dorénavant illustrer, par ses innovations, la tradition chocolatière française.
" Notre objectif est de passer du statut de marque populaire à celui de marque chocolatière et offrir dans chaque segment du marché les produits les meilleurs ", explique Marc Baraban.
Quand le département recherche de Poulain s'active, dans l'usine ultra-moderne conçue en 1990 par l'architecte Jean Nouvel, sur de nouveaux goûts (un chocolat noir dégustation, un noir café, un noir menthe, les blocs gourmands), l'agence Dragon Rouge planche sur une nouvelle identité visuelle et sur une nouvelle marque.
" Notre challenge était de donner de Poulain l'image d'une marque non plus pour l'enfant mais pour adulte et conférer à la marque une nouvelle légitimité ", explique Pierre Charrier, directeur de clientèle Dragon Rouge. " Pari relevé grâce à l'implication totale de la marque et la relation exemplaire avec l'agence de design ", ajoute Patrick Veyssière co-président de l'agence. Comment sortir la marque de son territoire classique ? Réponse donnée par Dragon Rouge: remonter aux origines de la marque. D'où le choix de "1848" comme nouvelle marque et la signature "Poulain Chocolatier 1848" .Preuve que l'histoire n'est pas toujours entachée d'une image passéiste: la part de marché de" 1848" bondit de 0% en 1995 à 15% aujourd'hui
Et les consommateurs plébiscitent les innovations : la gamme "1848" fut élue produit de l'année en 1996, les "Blocs Gourmands" , en 1997. Autre changement majeur de cette revitalisation : le petit poulain ne figure " plus que sur deux produits, le pulvérisé Grand Arôme et, de manière stylisée façon Muppet, sur le Super Poulain.
Et la série des images a été stoppée en 1995. " Si l'année 1984 fut une année record avec un million d'enfants collectionneurs sur une cible de 8 millions, on n'en comptait plus que 25 000 en 1994. Les images ont été victimes de la modification du paysage audiovisuel avec, à partir de 1985, le lancement de nouvelles chaînes et la création de programmes TV spécifiques aux enfants ", explique Marc Baraban.
Consommé aujourd'hui par un tiers des foyers français, c'est pour trois millions d'entre eux que Poulain a lancé le 15 février 1998 le magazine " Tentation Chocolats ". Avec beaucoup... d'images !

Notes

(1) La société est rachetée par Cadbury-Schweppes.

(2) La belle histoire du chocolat Poulain par Jean Chavigny, livre du centenaire, 1948. Page 40.

(3) Op.cit page 46

(4) Dès 1861, la Chocolaterie Poulain conseillait dans une réclame : " Un des meilleurs chocolats, c'est le Chocolat Poulain. Goûtez et comparez avec les meilleures fabriques de France ".

(5) Jacques servira également de modèle pour le " petit écolier " de LU. Il est également le frère d'Yvonne, autre modèle de la " petite fille Menier " (1892) et de la petite fille Maggi (1900).

(6) La magie du chocolat, par Marie-Christine et Didier Clément, Albin Michel, 1998

(7) Autres innovations durant l'entre-deux-guerres : le bâton de chocolat à la marque " Emir " en 1910 et le chocolat au lait Lacta en 1911, vanté par un film publicitaire signé H. Champeaux, intitulé, " L'arche de Noé " sur l'air de " viens Poupoule, viens ".

(8) Midial, société détenue par Philippe Midy, avait également les marques Benco et Banania.
- Serge Nénard, quatrième génération, est en 1998 au conseil d'administration de la société Poulain.

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