Étude
La rhétorique catastrophiste liée au développement durable et au réchauffement climatique a peut-être fait son temps. D’abord parce qu’elle échoue à rendre désirables les modes de vie qu’elle veut promouvoir. A la catastrophe annoncée et rabâchée, elle n’oppose aucune image positive de ce que serait un avenir durable. En d’autres termes, elle propose des moyens sans les justifier par une fin heureuse. Ensuite, parce qu’une rhétorique qui s’appuie sur la peur de la catastrophe écologique fonctionne particulièrement mal dans un contexte de crise où les lendemains semblent déjà économiquement incertains. Enfin, les procédés sur lesquels s’appuient cette rhétorique – informations inquiétantes, chiffres alarmants – induisent un stress qui, nous apprennent les neurosciences, « débranche » le cortex préfrontal et rend d’autant plus incapable de faire face à des problèmes complexes.
A l’inverse, s’appuyer sur le positif sollicite le cortex préfrontal et favorise ainsi l’adaptation, la résilience, la créativité, la gestion de la complexité, l’intelligence et l’empathie. Les interviews menées dans le cadre de l’étude initiée par Utopies montrent clairement qu’une telle approche est non seulement souhaitable, mais surtout possible : le changement n’est pas à initier, mais à accompagner, puisqu’il a déjà commencé. Ce changement concerne la responsabilisation des individus. Surtout, il se traduit d’ores et déjà par des initiatives collectives : AMAP, circuits courts, autopartage, consommation collaborative, etc. Celles-ci jouent un rôle capital puisqu’elles donnent une dimension concrète aux aspirations à vivre autrement. Surtout, en inscrivant ces aspirations dans des dynamiques de groupe, elles les socialisent : le désir de vivre mieux se renforce ainsi à la fois par la puissance émotionnelle des relations au groupe et par son inscription dans des formes sociales partagées, c’est-à-dire dans une sorte de « norme sociale ».
Prendre en compte la vitalité de telles initiatives engage à sortir des approches top-down fondées sur la culpabilisation. L’idée qui prédomine encore chez les décideurs politiques et économiques est en effet que ce sont les consommateurs qu’il faudrait changer d’en haut. En désignant ainsi un unique responsable, cette approche lui fait porter par avance le poids d’une culpabilité paralysante. Elle élude également la responsabilisation des autres acteurs : ce n’est certainement que par l’engagement conjoint des pouvoirs publics, des entreprises, des médias et des consommateurs que pourra s’opérer efficacement une transition vers des modes de vie durables.
Lire l’article complet d’Elisabeth Laville, Fondatrice d’Utopies
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