Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 92
Top
Revue des marques : numéro 92 - octobre 2015
 

La fin des silos par le collaboratif

Fluidifier les échanges avec tous les acteurs internes et externes à l’entreprise, autour de l’information produit délivrée sur une plateforme collaborative permet de mieux valoriser le BtoB to… C.

Entretien Antoine Durieux
propos recueillis par Jean Watin-Augouard



Antoine Durieux
CEO d’Alkemics
(contraction d’ « alchimie »
et de « mathématiques »).

Peut-on dire que, grâce à Alkemics, le dialogue entre industriels et distributeurs connaît, avec la plateforme Product stream, un «avant» et un « après », ou n’est-ce qu’une plateforme de plus ?

Antoine Durieux : Alkemics se positionne comme un véritable pont entre les industriels et les consommateurs. Au-delà des débats médiatisés sur les tensions entre industriels et distributeurs, il y a un vrai souhait des équipes opérationnelles de collaborer. Jusqu’à présent, les échanges étaient « silotés » (logistique, marketing, digital…), utilisant des outils ( catalogues électroniques, courriels) et formats (Excel, images, PDF…) propres à chaque service, à chaque canal (magasin, logistique, e-commerce…). Nous proposons aujourd’hui aux utilisateurs métiers (marketing, vente, qualité, logistique) une plateforme collaborative unique et intuitive pour gérer tous leurs échanges et ce, quel que soit le canal.

Comment se manifeste cette collaboration ?

A. D. : Alkemics Product Stream se concentre sur la collaboration autour de l’information et des contenus sur les produits. Avec la mise en place des nouveaux règlements comme INCO, CLP,..., la quantité et la diversité des informations à échanger ont donné naissance à un enjeu de taille : réunir l’information côté industriel, la collecter et la vérifier côté distributeur. Faute de solution simple et standardisée dans le secteur, les industriels et distributeurs échangent de nombreux fichiers Excel et sont confrontés aux erreurs liées à la copie de l’information et à l’incapacité d’échanger un grand volume d’informations. Compatible avec la plupart des outils existants (catalogues électroniques, ERP, DAM, CMS…), le service en ligne Alkemics Product Stream simplifie la gestion, l’accès et le partage de l’information produit, et masque la complexité technique des échanges. Chaque équipe collabore à la constitution de l’information, puis ceux qui en ont besoin peuvent accéder à ces contenus et les partager avec leurs contacts (internes, partenaires ou distributeurs). Cette collaboration induit la fin des silos dans et entre les entreprises grâce à davantage de transversalité entre la logistique, la qualité, le marketing, le merchandising…
 

Quel fut le contexte de création de votre plateforme en ligne ?

A. D. : Nous travaillions initialement sur des moteurs de recherche et de recommandation. Sans données produits propres à notre disposition, nous nous sommes rapidement intéressés à la problématique des échanges de ces données entre industriels et distributeurs. Nous avons mené avec Auchan et Nestlé un premier pilote. L’arrivée du règlement INCO a précipité la montée en charge de ces échanges, notamment au niveau des sites de drive, pour lesquels les consommateurs n’ont pas un accès physique au produit. Le service collaboratif que nous avions mis en place s’est révélé apte à aborder tant les données réglementaires que de nouvelles opportunités marketing, en communiquant sur les atouts des produits (labels, avantages, conseils) et les valeurs de la marque (développement durable, commerce équitable…). Avec un parcours consommateur de plus en plus cross-canal, notre service et sa capacité à communiquer à tout moment avec tous les canaux est devenu très pertinent pour répondre aux besoins d’information et d’orientation des consommateurs.
 

Cela induit-il un nouveau métier dans l’entreprise ?

A. D. : Non, l’ergonomie et la simplicité du service ont été pensées pour servir les utilisateurs métiers dans leur quotidien. Le master data manager en reste toutefois le principal chef d’orchestre.
 

Quel est le modèle économique de votre plateforme ?
Qui – industriels, distributeurs – l’a adoptée ?

A. D. : Nous avons actuellement comme clientes 1 300 marques – soit 800 industriels – et les enseignes de deux distributeurs, Auchan et Casino. Nous proposons trois offres : la première, gratuite, répond à tous les enjeux réglementaires ; la deuxième, baptisée « premium », est facturée cinq euros par an et par produit envoyé à un distributeur ; et la troisième, appelée « entreprise » est destinée aux grands groupes.
 

Quels bénéfices escomptés pour les industriels, les distributeurs, et les consommateurs ?

A. D. : Aujourd’hui, le consommateur veut trouver, comparer et choisir ses produits simplement, à travers un moteur de recherche, un assistant shopping, des filtres, des rayons thématiques… Par exemple : être allergique au gluten et avoir accès aux produits garantis sans gluten, être sûr que tel produit est bien fabriqué en France… Dans cette démarche, c’est le distributeur qui se fait le relais de l’information donnée par l’industriel. Il est donc important que ces échanges soient les plus riches et précis possible. Avec Alkemics, l’industriel n’a plus à supporter la tâche chronophage de l’échange de données, qui n’apporte aucune valeur ajoutée. Il peut se concentrer sur son vrai travail, à savoir inventer des produits et bien les marketer, revenir à son coeur de métier en donnant plus de valeur à ses produits. Pour sa part, le distributeur ne reçoit plus qu’un seul format et peut se concentrer sur son métier de distributeur, en référençant mieux les produits, en développant l’expérience client sur le site. Nativement orienté vers l’omni-canal, Alkemics permet également aux industriels de diffuser les informations sur leurs différents canaux et avec leurs partenaires (agences marketing, agence de design, prestataire de veille réglementaire).
 

Ce type de plateforme existe-t-il à l’étranger ? Souhaitez-vous, vous-même, sortir de l’Hexagone ?

A. D. : À ma connaissance, il n’en existe pas de similaire à l’international. Les industriels nous demandent de dupliquer dans le monde entier ce que l’on fait en France. Notre enjeu, aujourd’hui, est notre développement à l’international.
 

La plateforme Product Stream

Témoignage
Hors fiabilité,point de salut

Entretien avec Érik Angot


Erik Angot
Communication & corporate affairs,
brand assets governance director,
Nestlé France

Quelles sont les raisons qui ont conduit Nestlé à mener avec Alkemics un premier pilote ?
Érik Angot : C’est à travers l’un de nos clients distributeurs, le groupe Auchan, que Nestlé France est entré en contact avec Alkemics. Auchan avait choisi de travailler avec cette société pour servir de « passerelle » avec les industriels.

Nestlé était-il demandeur d’une nouvelle solution technique ?
E. A. : Notre premier souci est d’être capable, avant de véhiculer de l’information, de la structurer, de la rassembler et de la fiabiliser. Créer d’abord une information de confiance pour pouvoir ensuite la transmettre aux distributeurs et aux consommateurs. Lorsqu’on lit dans certains articles que distributeurs et industriels doivent apprendre à travailler ensemble, il ne faut pas oublier qu’ils le font déjà au travers des travaux qu’ils mènent ensemble sous l’égide de GS1, association paritaire locale et internationale en charge de standardiser la communication entre eux. L’échange d’informations dématérialisées ne date donc pas d’aujourd’hui.

Quelles nouveautés apporte Alkemics ?
E. A. : Jusqu’alors les échanges d’informations ne sortaient pas du cercle « entre professionnels », le plus souvent de « machine à machine » (gestion de données synchronisées ou GDS), dont les standards sont conçus chez GS1. L’entrée dans l’ère du digital et de l’e-commerce implique un élargissement du cercle passant du BtoB au BtoBtoC : l’information doit désormais être véhiculée vers les consommateurs. La nature de cette information change. Pour résumer, il ne s’agit plus d’échanger l’information du poids des palettes mais, par exemple, d’informer de la valeur nutritionnelle des produits, de la présence d’allergènes, du discours de la marque, des bénéfices apportés par le produit… tout ce qui intéresse le consommateur.

En quoi cette plateforme est-elle collaborative ?
E. A : Les catalogues électroniques dédiés à l’information BtoB sont des interfaces destinées à synchroniser de l’information, et sont donc des plateformes collaboratives. Celle d’Alkemics dédiée au BtoC est également collaborative, puisqu’elle est interface entre deux métiers : le marketeur et le distributeur, pour délivrer l’information au consommateur. Elle l’est également par l’état d’esprit qui préside au fonctionnement entre les parties. Il s’agit d’être efficace ensemble grâce à cette interface pour que, finalement, le consommateur puisse enrichir son expérience produit.

Quelles informations le groupe donne-t-il sur cette plateforme ?
E. A. : Les informations sont de deux natures. Celles figurant sur l’étiquette du produit, qu’elles soient réglementaires ou non. Sur son site, le distributeur doit satisfaire aux obligations réglementaires mises en place par le règlement INCO entré en vigueur en décembre 2014 : celui qui met en marché le produit doit communiquer au consommateur toutes les informations figurant sur l’étiquette ; le consommateur, qu’il soit en face du rayon ou chez lui, doit, avant d’acheter le produit, être informé comme il le serait en lisant l’information sur l’étiquette. Il faut donc restituer de façon fiable au système d’information du distributeur l’information transmise à la plateforme, afin que ce même distributeur puisse alimenter les sites marchands de son enseigne. L’information est donc tronçonnée en plusieurs étapes : l’industriel livre sur la plateforme des informations que celle-ci ne doit pas dénaturer ; Alkemics doit livrer au distributeur l’information intégrale, et il revient à ce dernier, quand il la charge sur son système de vente en ligne, de vérifier qu’elle demeure identique. La responsabilité de l’industriel s’arrête au moment où il délivre l’information à l’interface. Il doit s’être assuré qu’elle est cohérente, de confiance, complète. Le transport de l’information est la deuxième étape du processus. Ainsi, l’obligation de la plateforme collaborative est de respecter l’intégrité de l’information qu’elle véhicule, d’éviter de créer toute pollution, de respecter la propriété intellectuelle de la marque et le droit d’exploitation des images qui lui sont confiées. C’est un point essentiel.

Quels sont les autres types d’informations délivrées ?
E. A. : Les informations peuvent être de nature commerciale et porter sur le discours de la marque. La plateforme doit être capable techniquement d’accueillir des informations sous forme, par exemple, de vidéos, de conseils, etc. Cette information doit être restituée dans son intégralité au distributeur auquel la marque a prévu qu’elle soit acheminée. Si industriels et distributeurs doivent apprendre à continuer à travailler ensemble, il est nécessaire que les entreprises qui les interfacent soient techniquement capables de respecter les objectifs business de leurs partenaires.

Quelles valeurs ajoutées la plateforme apporte-t-elle à Nestlé ?

E. A. : La première valeur ajoutée est le lien qu’elle crée entre les enseignes et Nestlé, ce qui lui permet de répondre positivement à ses clients distributeurs qui ont fait le choix d’utiliser cette plateforme. Pour autant, des distributeurs ont fait le choix de recourir à d’autres techniques de machine à machine. GS1 travaille avec le processus de GDS. Techniquement, le système machine à machine doit évoluer pour être capable de porter toute la richesse d’information consommateur, infiniment plus large et plus riche que celle du BtoB. Il y a donc un vrai défi pour Alkemics, qui consiste à rester compétitif par rapport à d’autres modes de collaboration en devenir entre industriels et distributeurs.

A-t-elle conduit Nestlé à modifier le processus d’échange d’informations entre ses différents services ?

E. A. : Ce n’est pas le transport qui supprime les silos, ce n’est pas la plateforme qui crée le besoin, mais c’est l’amont – le fabricant, la marque –, qui doit se doter d’une base réunissant les informations issues de ses différents métiers et services. Cette base existe chez Nestlé, mais fait l’objet d’élargissements en lien avec les besoins de l’e-commerce et la satisfaction du consommateur. Il est « génétique » chez nous de chercher à servir la qualité, celle des produits, celle de l’information qui les touche. Cette information de qualité passe par le management des datas. Construire une information de confiance, transparente permet de répondre aux attentes des consommateurs, alertés par de nombreuses crises alimentaires. Cela doit permettre de créer la confiance et la préférence commerciale. L’e-commerce ne fait qu’accélérer cette nécessité. C’est une opportunité pour organiser l’information différemment et l’élargir. La cause première est donc le nouveau modèle de commercialisation, qui demande une large information digitalisée. Ce n’est pas la plateforme en elle-même qui crée le besoin.

Le digital change-t-il le management dans l’entreprise ?

E. A. : Oui, mais ce n’est pas tant la plateforme que le besoin qui amène le changement. Ce nouveau canal de commercialisation est une véritable opportunité pour la marque de parler au consommateur, soit en direct via des sites institutionnels et non marchands (croquons la vie, Nestlé bébé…), soit via les sites marchands des enseignes. Cela doit créer en interne une capacité à vendre dans un nouveau modèle qu’est celui de l’e-commerce. Cela crée un état d’esprit plus collaboratif, plus réactif.

Vous est-il possible de mesurer la satisfaction des consommateurs au regard des offres de cette nouvelle plateforme ?

E. A. : Non, pas au regard de la nouvelle plateforme en elle-même. Une des étapes actuelles est de comparer l’information que nous livrons à notre distributeur ou à son intermédiaire, ici Alkemics, avec celle que nous retrouvons sur les sites de vente en ligne, et de mesurer les écarts. Notre rôle est d’en prendre acte et d’aider à résoudre les difficultés entre les différents tronçons techniques qui séparent la source du destinataire final. Des informations que nous délivrons peuvent ainsi parfois être mal retranscrites : par exemple, les allergènes doivent figurer sur les sites de manière « remarquable », pour alerter le consommateur. Or, tous les sites, aujourd’hui, ne restituent pas de façon « remarquable » cette information cruciale. Il y a donc des progrès à faire pour que l’information exhaustive, conforme, tenue à jour en temps réel soit véhiculée par des flux fiabilisés.

Ces échanges de nouvelles informations en direction des consommateurs placent-elles la France en position de leader ?

E. A. : La France est au nombre des trois ou quatre pays où l’e-commerce est particulièrement en pointe. Le besoin d’information crée donc la fonction de « transport » de cette information. En France, l’e-commerce, dont le drive, a contribué de manière très importante au développement des ventes et les consommateurs ont donc besoin d’informations sur les marques pour acheter en ligne.
La collaboration industriel-distributeur, attachée à ce business model, singularise certainement la France, mais aussi la Grande-Bretagne, où des plateformes similaires à Alkemics existent.

Quels sont les chantiers de demain ?

E. A. : Être capable de donner au consommateur davantage d’informations, celles qu’il attend et qui ne portent pas uniquement sur les aspects réglementaires : une information plus large pour pouvoir faire ses choix entre une marque et une autre. Il faut impérativement fiabiliser le système, car la vision des évolutions à rechercher passe aussi par la fiabilisation de l’existant, si basique soit-il. Il ne faut pas construire sur du sable, la crédibilité de travaux collaboratifs passe par la satisfaction des industriels et des distributeurs à l’égard de l’efficacité des interfaces dont ils se dotent ou de tous les autres moyens d’échange qu’ils mettent en place entre eux.


Témoignage
Du « pont de singe » au « viaduc de Millau »

Entretien avec Romain David



Romain David
e-commerce channel leader
chez Unilever France.

Quelles sont les raisons qui vous ont guidé vers Alkemics ?
Romain David :
En tant que responsable e-commerce, j’ai pour habitude de recevoir les start-up qui me sollicitent. Suite à l’adoption du règlement INCO, Alkemics a décroché un partenariat avec le groupe Auchan. C’est la première raison qui m’a fait envisager de travailler avec Alkemics : ce partenariat me permet de diffuser l’information répondant à ces dispositions réglementaires directement sur les plateformes de vente en ligne du groupe Auchan. Nous avons ensuite rapidement compris que nous pouvions, ensemble, aller plus loin que le simple envoi d’informations répondant à une problématique légale. Aujourd’hui, je continue de travailler avec Alkemics, car je peux envoyer du contenu enrichi sur les plateformes des distributeurs avec lesquels ils ont un partenariat. Je considère Alkemics, non pas comme un prestataire mais comme un partenaire.

Pour quelles raisons ?
R. D. :
Alkemics a pris la problématique d’échange de l’information du bon côté. Ils ont d’abord convaincu les distributeurs avant de solliciter les industriels. Alkemics a une solution qui permet d’absorber les multiples informations composant ce qu’on appelle le contenu enrichi, et de les ressortir ensuite sur les sites e-commerce. Enfin, ils sont apporteurs de solutions originales, qui permettent de répondre aux attentes de la profession et surtout à celles des e-shoppers.

Que vous apporte de nouveau la plateforme Alkemics en termes de collaboration interne entre les différents départements, au sein du groupe Unilever ?
R. D. :
Nous avions, avant Alkemics, commencé à constituer une base de données interne. Le partenariat a permis de la justifier encore plus. Alkemics est le hub d’échanges qui n’existait pas avant.

Et avec les distributeurs ?
R. D. :
Du point de vue du flux, cela apporte un enrichissement. Avant, les données portaient essentiellement sur la logistique, aujourd’hui nous allons beaucoup plus loin. Nous passons de l’ère du « pont de singe » à celle du « viaduc de Millau ».

Quelles sont les perspectives qui peuvent s’ouvrir demain ?
R. D. :
Au même titre que nous maîtrisons notre marketing sur nos propres campagnes de marques ou en magasin, nous allons maîtriser les informations relatives à nos marques et à nos produits sur les plateformes de vente en ligne des distributeurs. Ce qui est fondamental pour un fabricant tel qu’Unilever.

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot