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Revue des marques : numéro 92 - octobre 2015
 

Lego joue… bien

Inventer en permanence en collaborant avec les enfants, tout en demeurant dans le sillon ouvert par le fondateur, une règle d’or sur laquelle Lego ne transige pas.

Entretien avec Stéphane Knapp
propos recueillis par Jean Watin-Augouard



Stéphane Knapp
Directeur du marketing de Lego France

Lego a été classé « jouet du siècle » par le magazine Fortune au moment du passage à l’an 2000 et « marque la plus puissante au monde 2015 » par le cabinet Brand Finance, malgré la traversée d’une zone de turbulence entre 2000 et 2004. Quelles sont les clés de la pérennité de la marque ?

Stéphane Knapp : Les clés de la pérennité sont celles que nous avons utilisées en 2004 pour sortir Lego de la crise, à savoir le retour à la brique. Nous avons recentré la stratégie de la société sur l’expérience de jeu, l’obsession des fondateurs, apportée grâce à la brique et aux mini-figurines. Exemple du renouveau de la marque, le camion de pompier a alors illustré la volonté de revenir à ce qui a fait la force de Lego : donner aux enfants la possibilité de réinventer le monde qui les entoure ; nous l’avons bien sûr remis au goût Francedu jour. Nous sommes revenus à nos classiques, aux fondamentaux de la marque et à ce que nous savons faire.
 

La marque avait eu tendance à papillonner, au risque de se perdre ?

S. K. : De fait, elle s’était diversifiée pour devenir une marque « style de vie » en réalisant ses propres jeux vidéo, en gérant ses parcs en direct, en commercialisant des vêtements. Nous étions très loin de nos métiers de base. Aujourd’hui, la gestion des jeux vidéo, parcs et vêtements est confiée à des sociétés extérieures.
 

Comment assurer une cohérence de marque ?

S. K. : C’est une question très importante, car nous sommes mono-produit. Des équipes travaillent sur la marque, qui vient de recevoir une nouvelle brand identity. Ces équipes nous donnent des guidelines, mais nous demeurons libres d’avoir nos campagnes locales.

Comment rester dans l’air du temps et séduire les enfants ? Sont-ils, pour certains produits, des co-créateurs ?

S. K. : Avec la brique, nous avons la chance d’avoir un matériau qui répond à deux besoins fondamentaux des êtres humains, à savoir créer et construire ; la brique est un des plus beaux matériaux pour développer la créativité. L’expérience de jeu est fondamentale, et l’on travaille donc constamment avec les enfants. Une idée peut partir d’un thème, « les ninjas » par exemple, validé par les enfants. Aussitôt obtenu leur accord, le thème part en création chez nos designers. Lego organise ensuite constamment des allers-retours à destination des petits testeurs pour leur présenter les modèles. Ces enfants viennent de plusieurs pays, dont les États-Unis et l’Allemagne – les deux plus gros marchés, avec des comportements d’enfants différents. Dans tous les cas, on leur met les modèles en main, pour observer leurs premières réactions. Ils sont donc des co-créateurs, mais ne sont pas seuls décisionnaires, car, à chaque fois, nous les plaçons dans une expérience de construction pour les pousser dans leur retranchement et les stimuler un peu plus. Chaque boîte offre à la fois un jeu de construction et une histoire. L’expérience doit aussi être pensée par nos experts en termes de qualité de construction. Nous respectons, depuis toujours, la règle d’or du fondateur : « même le meilleur n’est pas suffisant ». La deuxième voie pour rester dans l’air du temps est l’innovation permanente. 60 % des 540 produits commercialisés dans l’année sont nouveaux tous les ans. Enfin, il faut bien connaître les enfants, aujourd’hui multitâches, multimédias, multipoints de contact. Ainsi, quand on lance l’univers Ninjago, des séries télé sont diffusées par France Télévisions, les héros se retrouvent dans les magazines, les applications, le site de Lego. Nous multiplions les points de contact pour suivre les enfants partout où ils sont.
 

L’exposition l’« Art du Lego » à la porte de Versailles est-elle au nombre des points de contact de la marque ?

S. K. : Oui, même si nous n’en avons pas été à l’origine, puisqu’elle a été imaginée par Nathan Sawaya, qui expose plus de 100 sculptures de brique. Nous soutenons sa démarche et l’aidons à communiquer. Il est au nombre des professionnels certifiés par Lego, une quinzaine dans le monde, devenus experts dans la construction et partenaires de la marque.


Par la réflexion qu’elle engage, la fondation Lego apporte-t-elle des idées de nouveaux produits ?

S. K. : Pas directement puisque la fondation travaille davantage sur la recherche, réfléchit sur le mode de vie des enfants, leur fonctionnement… ce qui n’aboutit pas immédiatement à un nouveau produit mais nourrit beaucoup les projets à venir, comme ceux qui mixent le digital et le virtuel. C’est ainsi que nous lançons en partenariat avec Warner un jeu dans lequel le joueur place les figurines sur un socle pour qu’elles prennent vie sur l’écran : Lego Dimensions.
 

À quels enfants Lego s’adresse-t-il ?

S. K. : Nous commençons à 18 mois, avec Duplo, et le coeur de cible s’arrête à 14 ans. Avec certains produits, comme Lego Technic ou Star Wars, on va au-delà de 14 ans. La gamme Lego Architecture, conçue avec un architecte américain qui en avait besoin pour expliquer l’architecture, s’adresse plus à des adultes.
 

Votre portefeuille de produits a-t-il des incontournables ?

S. K. : On peut mentionner City, la gamme classique de la ville, qui donne aux enfants la possibilité de s’imaginer policier ou pompier. C’est notre première gamme. C’est d’ailleurs le premier système de jeu créé par la marque qui fait revenir le client pour compléter son jeu.


Quelle est la singularité du Club Lego ?

S. K. : C’est un point de contact privilégié pour les fans de la marque. Il représente, avec ses quatre millions d’enfants, un des clubs les plus importants au monde. En France, il compte quelque 320 000 membres. C’est un club gratuit, les enfants reçoivent cinq magazines par an, ils ont accès à un site qui leur délivre des informations en avant-première.
 

Joue-t-on aux Lego de la même manière dans le monde ? Des jeux se vendent-ils mieux selon les pays ?

S. K. : Oui, quand on a compris ce que l’on peut faire avec une brique, on joue tous de la même façon. On observe des différences avec Lego Duplo : en Allemagne, par exemple, les mères consacrent plus de temps à leurs enfants et donc à les initier au jeu. Les enfants du monde entier ont une culture commune. On peut néanmoins signaler qu’au Japon le château-fort est un des produits incontournables et fortement attendus.
 

Les nouvelles gammes Lego Friends et Lego Elves sont-elles les premières de l’univers Lego destinées aux filles ?

S. K. : De fait, si l’ensemble de nos gammes s’adresse aussi bien aux garçons qu’aux filles, c’est davantage vers les garçons que la marque s’est progressivement orientée, en développant des univers masculins comme Star Wars, Ninjago… Suite aux demandes de parents, nous avons donc lancé à destination des filles Lego Friends, un jeu mettant en scène cinq filles, chacune ayant un centre d’intérêt différent : les sciences, la chanson… Nous avons développé un partenariat avec Disney pour la gamme Disney Princesse et nous lançons cette année Lego Elves, qui propose un univers plus fantaisiste.

Quels types de partenariats la marque noue-t-elle avec d’autres marques ?

S. K. : Nous avons des partenariats pérennes et historiques avec Star Wars Disney, Warner (vidéos, film The Lego movie…) pour nous accompagner dans nos univers produits. On s’est interdit tout partenariat alimentaire, car nous ne voulons pas prendre position sur la « bonne » ou la « mauvaise » nourriture. Nous sommes partenaires avec Petit Bateau depuis deux ans, car nous avons les mêmes affinités sur le plan des valeurs de marque. Les partenariats avec des marques présentes sur nos jouets ne sont pas nombreux.
 

Quels sont les produits que la marque ne signera jamais ?

S. K. : Tous les produits qui ont un rapport avec la violence, même si tous les enfants, au-delà de sept ans, ont besoin de conflit, avec toujours un méchant et un gentil. Nous n’avons aucune thématique guerrière dans nos jeux. Nos six valeurs clés – qualité, fun, learning, caring, créativité et imagination – doivent se retrouver dans tous nos produits.
 

Lego est-il en quête de nouveaux matériaux autres que le plastique ? (via le Lego Sustainable Materials Centre, le Centre Lego pour des matériaux durables)

S. K. : Nous réfléchissons sur le type de nouveau matériau que l’on pourrait utiliser à compter de 2030. Il devra offrir une expérience de jeu identique.
 

Repères

1948 - Godtfried Kirk Christiansen fabrique une briquette aux tenons aplatis.
1954 - La marque, déposée en 1954, porte bien son nom : Lego est la contraction du danois leg godt, qui signifie « joue bien » et renvoie au latin (« j’étudie » ou « j’assemble »).
1955 - Les boîtes de jeux deviennent complémentaires.
1958 - Des cylindres dans la cavité des briques permettent de multiplier les possibilités d’assemblage.
1995 - Le père de Lego décède. La société, toujours détenue par la famille, est dirigée par son petit-fils, Kjeld Kirk Kristiansen.
 

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