Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 87
Top
Revue des marques : numéro 87 - juillet 2014
 

Marque et étiquetage : indépendance ou confusion ?

Les marques sont-elles exclusivement régies par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle et échappent-elles à l’application des règles édictées par le Code de la consommation, en particulier celles relatives à l’étiquetage des produits ?

par Marc Susini


Marc Susini
Marc Susini
Avocat associé, cabinet Reinhart Marville Torre
Dans un arrêt de rejet en date du 21 janvier 2014, la chambre commerciale de la Cour de cassation semble répondre à cette question par l’affirmative (Cass. Com., 21 janvier 2014, n° 12-24.959, n° 97 FS – P+B). Le litige soumis à la Cour de cassation opposait deux producteurs de confiture, la société suisse Hero AG et la société française Andros. La société Hero AG avait adopté pour désigner ses produits la marque Confi’Pure, néologisme associant une abréviation du mot « confiture » à l’adjectif « pure ». La société Andros a contesté la légalité et la validité de cette marque au motif qu’elle présentait un caractère trompeur. La société Andros invoquait également un comportement déloyal de son concurrent à ses dépens. Pour soutenir son action devant les juridictions, la société Andros a, non seulement, évoqué l’article L.711-3 c) du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel ne peut être adopté comme marque un signe de nature à tromper le public sur la nature ou la qualité d’un produit, mais aussi l’article R.112-7 du Code de la consommation, qui dispose que « l’étiquetage d’un produit ne doit comporter aucune mention tendant à faire croire que la denrée alimentaire possède des caractéristiques particulières alors que toutes les denrées alimentaires similaires possèdent ces mêmes caractéristiques ». Pour la société Andros, l’utilisation de l’adjectif « pure » avait pour objet de mettre en exergue le caractère naturel des produits de la société Hero AG et, a contrario, de laisser entendre que les produits concurrents ne présentaient pas la même qualité. Or, la société Andros soulignait que toutes les confitures sont nécessairement, au regard de leur composition, pures. Pour écarter cette argumentation, la Cour de cassation énonce, dans son arrêt du 21 janvier 2014, le principe selon lequel « la marque a pour fonction de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit de ceux qui ont une autre provenance, tandis que l’étiquetage a pour objet de fournir à l’acheteur et au consommateur des informations sur les caractéristiques du produit concerné ». Elle en déduit que le caractère déceptif d’une marque s’apprécie au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle et non de celles des articles R.112-1 et R.112-7 du Code de la consommation. La Cour de cassation confirme ainsi l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait retenu que la marque Confi’Pure, notamment au regard de ses éléments figuratifs, ne présentait aucun caractère trompeur, au motif « que le consommateur d’attention moyenne ne perçoit pas le vocable “ pure ” comme désignant une qualité particulière que les produits concurrents ne posséderaient pas mais comme constituant avec le terme “ confi ” et l’élément figuratif, un terme de fantaisie ne présentant aucun caractère trompeur ».

Marque et étiquetage, indépendance

hero
En définissant ainsi la marque par son objet, l’identification de l’origine du produit – en l’occurrence de son fabricant –, la Cour de cassation la distingue nettement de l’étiquetage qui, lui, sert à fournir des informations aux consommateurs sur les caractéristiques du produit. Cette décision a été saluée comme accordant une salutaire liberté aux fabricants pour nommer leurs produits, encadrée seulement par les dispositions de l’article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle définissant la déceptivité, et par les dispositions de l’article L.711-2 du même code, subordonnant la validité d’une marque à son caractère distinctif. Cependant, la distinction opérée par la Cour de cassation entre marque et étiquetage, et plus encore l’exclusion, clairement affirmée, de l’application des règles édictées par le Code de la consommation, peuvent surprendre. En effet, l’article R.112-1 paragraphe 3 du Code de la consommation définit l’étiquetage comme « les mentions, indications, marques de fabrique ou de commerce, images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, étiquette, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire ». Il ressort de ce texte que l’apposition d’une marque sur un produit constitue bien un étiquetage. À ce titre, la marque apparaît donc bien soumise à la réglementation spécifique édictée par le Code de la consommation. Il ne semblait pas impossible dès lors, pour les juges, d’apprécier le caractère trompeur de la marque Confi’Pure au regard des dispositions de l’article R.112-7 du Code de la consommation. Toutefois, cet examen ne pouvait intervenir, selon nous, que dans le cadre d’une discussion sur une éventuelle concurrence déloyale. L’article L.121-1 du Code de la consommation, relatif aux pratiques commerciales trompeuses est, par exemple, souvent invoqué devant les juridictions, au soutien d’une action en concurrence déloyale. En revanche, la discussion sur le caractère déceptif de la marque ne pouvait avoir pour seul cadre que l’article L.711-3 c) du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel ne peut être adopté comme marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit. Autrement dit, la déceptivité doit, à l’évidence, être examinée au regard de sa définition légale. Sur ce point, l’arrêt du 21 janvier 2014 ne peut être qu’approuvé.
 

Caractère semi-figuratif

andros
Il sera utilement rappelé ici que l’appréciation du caractère déceptif d’une marque, en application de l’article L.711-3 du Code de la propriété intellectuelle, relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. Com., 3 mai 1983, Bull. civ. IV, n° 130), qui doivent caractériser un risque suffisamment grave de tromperie pour un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif (CA Paris, 19 janvier 2005, PIBD 2005.III.238). Pour les juges du fond, tel n’était pas le cas en l’espèce. Il convient toutefois, pour bien comprendre l’arrêt du 21 janvier 2014 et sans doute en limiter la portée, de préciser que le caractère semi-figuratif de la marque Confi’Pure semble avoir été déterminant. La Cour de cassation approuve en effet les juges du fond d’avoir retenu que si le signe « Confi’Pure » – résultant de la réunion du terme « confi » et de l’adjectif « pure » – pris dans son ensemble est évocateur des gelées, confitures et marmelades à base de fruits, associé à un élément figuratif constitué d’une feuille stylisée ou de la représentation en trois dimensions du conditionnement du produit, il ne tend pas à en souligner la pureté mais présente un caractère arbitraire. Dans le prolongement de l’arrêt du 21 janvier 2014, il peut être avancé que les dispositions de cet article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle établissent, elles aussi, la frontière entre marque et étiquetage. En effet, elles prohibent pour défaut de caractère distinctif les marques constituées par des signes ou dénominations qui, dans le langage commun ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit, ou par des signes servant à désigner une caractéristique du produit ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. La marque, pour être distinctive, doit présenter un caractère arbitraire et ne peut donc avoir pour vocation, au contraire de l’étiquetage, de fournir au consommateur une information objective sur le produit qu’elle désigne. À ce titre, la marque ne se confond aucunement avec la dénomination de vente telle que définie par l’article R.112-14 du Code de la consommation. Les dispositions de cet article confortent d’ailleurs à leur tour l’analyse, puisqu’elles édictent ce qui suit : « La dénomination de vente d’une denrée alimentaire est celle fixée par la réglementation en vigueur en matière de répression des fraudes ou, à défaut, par d’autres réglementations ou par les usages commerciaux. En l’absence de réglementations ou d’usages, cette dénomination doit consister en une description de la denrée alimentaire et, si nécessaire, de son utilisation. La description doit être suffisamment précise pour permettre à l’acheteur d’en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue. Dans tous les cas, la dénomination de vente doit être indépendante de la marque de commerce ou de fabrique ou de la dénomination de fantaisie ».
 

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot