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Revue des marques : numéro 84 - octobre 2013
 

La transparence par le " storytelling "

Des denrées saines et sûres ! Voilà ce que veulent les consommateurs. Mais savent-ils que les entreprises agroalimentaires sont, pour beaucoup d'entre elles, plus sûres que certains hôpitaux ! L'Ania entend désormais porter la bonne et vraie parole.

entretien avec Bérénice Mazoyer*, Camille Helmer** et Elsa Chantereau***


Que font les industries agro-alimentaires françaises (IAA) en matière de sécurité sanitaire et se singularisent-elles par rapport aux IAA étrangères ? Y-a-t-il un modèle français en termes de sécurité ?

Bérénice Mazoyer
Bérénice Mazoyer
Bérénice Mazoyer : Sur le plan de la sécurité sanitaire, la majeure partie de la réglementation est d'origine européenne et ce depuis longtemps. Cette réglementation s'est construite progressivement et s'inscrit dans un processus évolutif.
Néanmoins, on peut citer un élément central, le paquet hygiène de 2002, qui réglemente la sécurité des denrées alimentaires sur le plan européen. Il regroupe plusieurs règlements dont le n° 178/2002, qui établit les principes de la législation alimentaire et notamment la traçabilité, et les 852/2004 et 853/2004, qui concernent l'hygiène des denrées alimentaires. Ces textes concernent non seulement les industries mais aussi la chaîne alimentaire.
La spécificité européenne est de partir de la fourche pour aller à la fourchette. La sécurité des aliments se fait depuis l'amont jusqu'au consommateur final. Ce n'est pas le cas dans tous les autres pays hors Europe. De nombreux textes viennent ensuite compléter la réglementation relative à la sécurité sanitaire. Par exemple, le règlement (CE) n° 2073/2005 a pour sujet les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires.
La réglementation européenne peut également être complétée par des dispositions françaises, par exemple dans des cas où elle serait encore inaboutie.
 

Observez-vous une multiplication des politiques de filières ? Est-ce une tendance dans l'alimentaire en France ?

Bérénice Mazoyer : Ces démarches sont sectorielles et nous n'avons pas d'éléments chiffrés pour mesurer leur ampleur.

Certaines entreprises françaises font-elles encore mieux que ce qui leur est imposé, sont-elles plus exigeantes ?

Bérénice Mazoyer : La réglementation européenne est un socle commun obligatoire, mais liberté est donnée aux entreprises d'être encore plus exigeantes si elles le souhaitent. N'oublions pas de rappeler que la règlementation européenne est la plus exigeante au monde, particulièrement sur le plan de la sécurité des denrées.

Quels sont les progrès à réaliser demain en termes de sécurité ? dans certaines entreprises alimentaires, on semble plus en sécurité que dans les hôpitaux !

Ania
Bérénice Mazoyer : Nous sommes dans la logique fixée par l'HACCP (Hazard analysis critical control point) de progression et d'amélioration continue. Dans l'état actuel des connaissances, nous sommes déjà très performants. Mais il ne faut pas oublier que les avancées de la science nous permettent de détecter aujourd'hui certains contaminants dans les denrées alimentaires, qui ne l'étaient pas hier. De ce fait, leurs teneurs maximales sont très régulièrement révisées au regard de l'évolution des connaissances scientifiques.
Camille Helmer : C'est la même chose pour les additifs autorisés qui sont très régulièrement réévalués, comme en ce moment au niveau européen grâce aux nouvelles connaissances scientifiques. Nous sommes donc dans un processus perpétuel d'amélioration de la sécurité.
 

Quelle est la position de l'Ania sur la question des ingrédients dits " sensibles " ?

Camille Helmer
Camille Helmer
Bérénice Mazoyer : De manière générale, les ingrédients dits " sensibles " le sont essentiellement au niveau médiatique : c'est l'actualité qui les qualifie de " sensibles ". Le rôle de l'Ania n'est pas de prendre position " pour ou contre ", mais de relayer à ses adhérents et aux parties prenantes les informations objectives et factuelles dont nous disposons.
Par exemple, ces dernières années, l'aspartame ou l'huile de palme ont été particulièrement médiatisés. Dans le cas de l'aspartame, nous avons pris acte des études scientifiques danoise et italienne et nous avons noté que ces deux études, notamment l'étude italienne, avaient fait l'objet de critiques de la part de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) et de l'Aesa (Autorité européenne de sécurité des aliments). Aujourd'hui, l'aspartame est l'un des additifs alimentaires les plus évalués au monde et son utilisation est strictement encadrée, comme celle de tous les additifs alimentaires. Aujourd'hui, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de le remettre en cause. Il fait actuellement l'objet d'une réévaluation au niveau européen et nous attendons l'avis final de l'Aesa.
Même chose pour l'huile de palme, ingrédient sur lequel tout et n'importe quoi a été dit. Vis-à-vis de nos adhérents, il est là aussi de notre rôle de remettre en perspective les choses. Nous avons donc mis à leur disposition différents éléments factuels, tant sur les aspects nutritionnels qu'environnementaux.
Aujourd'hui, il n'y a pas lieu de diaboliser cet ingrédient, notamment d'un point de vue nutritionnel. Quant à la question environnementale, nous travaillons avec nos adhérents intéressés sur un engagement collectif pour une huile de palme durable.
 
Préserver leur santé

En matière d'étiquetage, le consommateur s'y retrouve-t-il ?

Bérénice Mazoyer : Tout dépend de quelles informations on parle et de la manière dont elles sont présentées. En termes de contenu réglementaire, l'Ania considère que le consommateur devrait pouvoir s'y retrouver, car la liste des mentions obligatoires est longue et la tendance est au renforcement de l'information, toujours accessible au consommateur.

Un jour viendra où la marque risque de disparaître de l'emballage pour faire encore plus de place à l'information ?

Bérénice Mazoyer : Il est vrai que la place sur le packaging laissée à la créativité tend à se réduire. Par exemple, un nouveau règlement européen sur l'étiquetage, qui vient d'être adopté, fixe une taille minimale des caractères de 1,2 mm. Il est possible que pour certains produits, la communication autour de la marque ou les autres informations délivrées à titre volontaire en souffrent, car on ne peut pas augmenter le volume de l'emballage !

À l'ère d'Internet, ne peut-on pas placer sur l'espace virtuel, le site de la marque, ce qui l'est encore sur le réel ?

Bérénice Mazoyer : De manière générale, nous sommes plutôt favorables à une dématérialisation de l'information, mais il ne faut pas oublier d'une part que tous les consommateurs ne sont pas forcément équipés et d'autre part que le tissu industriel agroalimentaire est fait de beaucoup de PME qui ne sont pas toujours acclimatées au virtuel. Ce sujet a d'ailleurs été discuté au Conseil national de la consommation et la Commission européenne étudie sa pertinence.

Jamais le niveau d'exigence réglementaire n'a été aussi élevé et pourtant, un déficit de confiance frappe l'industrie alimentaire ? Comment s'exprime-t-il ? Est-il à mettre seulement au compte de la crise de la viande de cheval ?

Elsa Chantereau
Elsa Chantereau
Elsa Chantereau : Nous observons, depuis plusieurs années, une défiance des consommateurs, dont les couvertures de magazine se sont fait l'écho : " manger tue ", " notre poison quotidien "… On compte beaucoup d'émissions à charge contre les industries agroalimentaires, qui les opposent au " fait maison ", à l'artisanat, à l'agriculture… mais surtout qui font de l'audience. La crise de la viande de cheval n'a fait qu'exacerber cette crise médiatique qui préexistait.

Quelles sont, aujourd'hui, les interrogations des consommateurs que votre baromètre, conçu avec TNS Sofrès, soulignent ?

Elsa Chantereau : Afin d'objectiver ce ressenti des consommateurs, nous avons créé un baromètre d'image annuel avec TNS Sofrès. Côté positif, l'alimentation demeure un enjeu central pour les Français ; elle reste la principale condition d'une bonne santé ; les consommateurs n'entendent pas transiger pour réduire leurs dépenses. Ils sont très satisfaits de l'alimentation française, la variété des produits, leur facilité de préparation et de conservation. Pour autant, ils expriment des inquiétudes fortes quant à la sécurité des produits et à l'étiquetage. Cela nous donne un indicateur à temps zéro à partir duquel nous allons pouvoir, annuellement, mesurer avec TNS Sofrès les ressentis des Français, mais surtout reconstruire les conditions d'un dialogue mutuel entre les consommateurs et les fabricants de produits alimentaires en France.
 

Que propose l'Ania pour sortir de cette crise de confiance et pour communiquer auprès des consommateurs qui, dans leur grande majorité, ignorent le niveau très élevé des contrôles sanitaires dans les entreprises ?

Alimévolution
Elsa Chantereau : Nous avons notre part de responsabilité, car nous n'avons pas toujours bien communiqué ou même communiqué tout court, en tant que secteur. Notre profession reste très " secrète ", et cela s'explique notamment par le fait qu'elle entend protéger ses recettes, qui ne peuvent pas bénéficier de la protection de brevets. Par nature, nos entreprises ont donc du mal à ouvrir leurs portes, à raconter leur histoire et à valoriser leurs savoir-faire. C'est donc dans cette direction que nous travaillons : la seule voie de sortie de crise, c'est la transparence, la proximité et le " storytelling  ". À titre d'exemple, nous avons noué un partenariat avec le site www.entrepriseetdecouverte.fr, qui permet à l'internaute, consommateur, de géolocaliser les entreprises qui ouvrent leurs portes pour les visiter. À ce jour, quelque huit cents entreprises agroalimentaires sont partenaires du site et jouent la carte du tourisme industriel. Nous avons également conçu " Alimévolution ", une fresque historique et interactive qui raconte l'histoire de l'alimentation, de la préhistoire à nos jours, à travers les grands progrès liés aux modes de vie, à la réglementation et aux innovations. Plutôt que d'opposer industriels, pouvoirs publics et consommateurs, l'objectif est de montrer que les trois parties partagent le même souci de toujours progresser pour la sécurité des aliments.
Et de démontrer qu'il s'agit d'un défi quotidien pour que seuls demeurent le plaisir et l'équilibre alimentaire. Le premier outil, Alimévolution, a été bâti notamment avec le concours de professionnels, d'historiens et de sociologues de l'alimentation.
Le deuxième outil, " Alimexpert ", a été conçu avec pour objectif d'adopter un discours de vérité sur les sujets alimentaires qui constituent une inquiétude croissante chez les consommateurs. Cette plateforme web explicative de questions/réponses sur la sécurité des aliments offre la possibilité aux internautes de déposer des questions et d'obtenir des réponses claires et compréhensibles par tous. Les réponses s'appuient sur l'expertise des professionnels et spécialistes des fédérations et des entreprises, et sur la base des derniers rapports ou décisions des autorités sanitaires concernées. Une navigation simple en fonction de catégories de produits (eau, pain, conserves, sucre…) et de thématiques en lien avec les préoccupations des consommateurs ( sécurité des aliments, étiquetage, traçabilité…). Notre engagement est d'apporter information et clés de compréhension au consommateur afin de dissiper les craintes et les inquiétudes là où elles n'ont pas lieu d'être. Nous vous donnons rendez-vous dans un an, à l'occasion de la deuxième édition de notre baromètre d'image, afin de voir si nous sommes parvenus à faire bouger les lignes !
 

Notes

* Responsable qualité Ania (Association Nationale des Industries Alimentaires)
** Responsable affaires réglementaires Ania
*** Directrice de la communication et des relations institutionnelles Ania
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