Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 81
Top
Revue des marques : numéro 81 - janvier 2013
 

Du bon usage de la sollicitation de tiers

En matière de marques et de noms de domaine, la confiance passe par une vérification de la crédibilité de l'information reçue de tiers. Quelle confiance leur accorder ?

Delphine Boy


Delphine BoyDelphine Boy
Conseil en Propriété Industrielle,
membre de la CNCPI
En France, dans l'Union Européenne et dans une majorité de pays, le droit sur une marque s'acquiert par l'enregistrement et non par l'usage. Cela suppose donc que le déposant divulgue un certain nombre d'informations personnelles auprès du Registre lors du dépôt, notamment son nom et son adresse. Ces informations sont ensuite rendues publiques par des mesures de publication au Bulletin officiel et sur les registres, aujourd'hui majoritairement disponibles en ligne et consultables par tous.
Tout acteur économique se doit d'assurer sa visibilité sur Internet et, à cet effet, de disposer de site(s) Internet institutionnel et/ou marchand. Or, la création d'un site Internet nécessite de réserver le nom de domaine qui correspondra à son adresse Internet. Le dépôt d'une marque s'accompagne donc généralement de la réservation de noms de domaine.
Il est recommandé, au moment de la création d'une nouvelle marque, de vérifier, parmi les noms de domaine, sa disponibilité juridique : un concurrent a-t-il enregistré un nom de domaine identique ou similaire ? Et technique : existe-t-il un nom de domaine disponible correspondant à la marque et permettant d'assurer la visibilité de cette marque sur Internet ? Ensuite, il sera procédé simultanément au dépôt de la marque et à la réservation des noms de domaine reprenant cette marque.
Tout comme en matière de marques, la réservation d'un nom de domaine requiert des données personnelles, notamment les noms et prénoms d'un contact, une adresse électronique, un numéro de téléphone et un numéro de télécopie. Ces informations seront, le plus souvent, consultables en ligne par tous. Ici, les mesures d'anonymat et de restriction de l'accès aux données personnelles sont en effet l'exception.
 

Tiers mal intentionnés

Si cette mise à disposition des données relatives aux titulaires de marques et de noms de domaine favorise les recherches de disponibilité, les vérifications sur les données relatives à un droit et les prises de contact directes avec le titulaire du droit, lorsque cela se justifie, elle a également un lourd travers : celui de communiquer à des tiers mal intentionnés, les coordonnées directes des titulaires de marques ou de noms de domaine. Certaines pratiques frauduleuses sont ainsi facilitées et le titulaire d'une marque, le détenteur d'un nom de domaine et l'exploitant d'un site Internet doivent user de méfiance à l'égard des sollicitations émanant d'inconnus. La rapidité de circulation des informations sur Internet, au plan mondial, oblige à une plus grande réactivité des acteurs économiques dans la prise de droits sur l'ensemble des territoires qui les intéressent à moyen et long terme. Dans ce contexte, il devient urgent de rendre indisponibles les noms de domaine dans l'ensemble des extensions intéressant l'entreprise avant que des tiers informés des bons échos que l'entreprise recevra dans les media ne se les approprient.

La même logique s'applique pour l'extension d'une marque à l'étranger qui devra être entreprise rapidement après le lancement, et préférablement dans un délai de six mois suivant le dépôt dans le pays d'origine. En effet, dans ce délai, le déposant bénéficiera d'un droit de priorité qui lui permettra d'évincer les dépôts frauduleux que des tiers auraient réalisés à l'étranger. Si la coexistence de marques est parfois fortuite, les dépôts frauduleux à l'étranger sont courants : certaines personnes mal intentionnées se sont effectivement spécialisées dans la surveillance des marques nouvellement déposées à l'étranger, dans l'espoir de les revendre à leur titulaire légitime lorsque ce dernier souhaitera s'implanter sur leur territoire. Pour le titulaire légitime d'une marque ou d'un nom de domaine, qui se verra offrir par un tiers la possibilité de racheter une marque ou un nom de domaine correspondant à ses droits, la vérification de la bonne foi de son interlocuteur et l'étude des moyens d'action sera un préalable à toute démarche. Le rachat des droits déposés en fraude des siens devra être de dernier recours.
L'origine et la crédibilité des informations reçues de tiers doivent donc être systématiquement vérifiées avant toutes prises de décisions. Notamment, aucune décision hâtive ne doit être prise lorsqu'il s'agit de contracter avec un nouveau prestataire de services.

Slamming et marque

Pratique frauduleuse très courante, le slamming est une technique de démarchage qui repose sur la tromperie : un prestataire de services invoque un prétexte auprès de prospects pour vendre des services non sollicités. En matière de marques, la tromperie repose sur le prétexte de finaliser un dépôt ou de renouveler une marque en vigueur. Des sociétés se sont spécialisées depuis des années dans une offre de service qui consiste à proposer spontanément, aux titulaires de marques, de publier, d'enregistrer, d'inscrire ou de renouveler leurs titres, moyennant des sommes importantes. Cette offre de service se matérialise sous la forme d'une facture qui est adressée au titulaire de la marque et qui l'invite à acquitter les frais de publication ou de renouvellement. Parfois, cette facture usurpe l'identité d'un registre pour paraître plus crédible : par exemple, des factures comportent l'entête "OHMI" qui correspond à l'abréviation de l'Office pour l'Harmonisation dans le Marché Intérieur, qui reçoit les demandes de marques communautaires. La publication du dépôt d'une marque française, communautaire ou internationale est réalisée automatiquement par l'Office qui reçoit la demande et sans frais additionnels au dépôt. Les publications proposées par ces sociétés privées reproduisent seulement les publications officielles et n'ont aucun effet juridique. Ces publications ne revêtent qu'un caractère publicitaire dont l'utilité est contestable au regard de leur faible impact. Les titulaires de marque doivent être vigilants quant à l'identité des sociétés qui se proposent de procéder au renouvellement de leurs marques et préférer collaborer avec un professionnel connu qui appliquera des tarifs raisonnables et surtout offrira des conditions d'assurance pour couvrir les risques liés aux procédures.
Ainsi, l'origine de toute facture qui serait reçue d'une société tierce, a fortiori si cette société est inconnue du titulaire, relative à la publication ou au renouvellement d'une marque, doit toujours être attentivement vérifiée par son destinataire, au besoin sous le contrôle de son prestataire professionnel habituel, afin d'éviter des dépenses inutiles.

Slamming et nom de domaine

En matière de noms de domaine, le slamming s'opère le plus souvent sous trois formes : la menace d'un enregistrement que s'apprête à réaliser un tiers ; la fausse facture de renouvellement ; le faux registre offrant une prestation de publication.
Dans le premier cas, le titulaire d'une marque ou d'un nom de domaine est contacté par une entreprise qui lui est étrangère et qui se présente comme un prestataire spécialisé dans l'enregistrement de noms de domaine. Cette prise de contact est prétendument justifiée par le fait que l'un de ses clients s'apprête à enregistrer un ou plusieurs noms de domaine, dans des extensions disponibles, correspondant à la marque ou au nom de domaine de l'entreprise contactée. L'éthique de ce prestataire encouragerait à la confiance à son égard puisqu'il manifeste une volonté de sauvegarde des intérêts de la société sollicitée et qu'il s'interdit d'être complice du dépôt frauduleux envisagé par son client. Cette démarche ne serait pas répréhensible, si elle ne reposait pas sur la tromperie : en effet, le prestataire n'a aucun client tentant d'enregistrer les noms de domaine proposés, et s'il avait un tel client, la confidentialité lui interdirait de contacter le titulaire légitime du nom.

Cet agissement trompeur, dont sont victimes de nombreux acteurs économiques, est une technique de démarchage par pression psychologique sur des entrepreneurs qui se sentent menacés dans leurs droits. Le meilleur conseil à donner à l'entreprise contactée est de s'adresser à son prestataire habituel en matière de noms de domaine ou de se choisir un prestataire avec lequel elle construira sa stratégie de nommage, en adéquation avec la réalité de ses besoins et de ses moyens. En complément, l'entreprise pourra mettre en place des procédures de veille parmi les noms de domaine afin de surveiller les enregistrements de tiers reprenant ses signes distinctifs et réagir rapidement par des procédures appropriées.

Dans le deuxième cas, l'approche consiste à attirer l'attention d'un titulaire de noms de domaine sur le fait que leur date d'expiration est proche. L'objectif est alors de détourner la clientèle d'un concurrent pour transférer la gestion des noms de domaine concernés auprès du prestataire qui se manifeste. Celui-ci adresse une facture de renouvellement à cet effet.
Enfin, le troisième cas rejoint la pratique déjà connue en matière de marques : elle consiste à proposer des mesures de publications dans des registres privés à titre de référencement. Ces publications non officielles sont bien entendu vides d'intérêt juridique ou commercial et n'ont d'effet que d'enrichir les gestionnaires des registres en cause.

Prévention

Dès lors qu'il y a tromperie, une action à l'encontre des entreprises qui se rendent coupables de slamming peut être envisagée. Toutefois, les moyens d'action à leur encontre sont limités dans la mesure où, d'une part, ces sociétés sont généralement étrangères et, d'autre part, elles accomplissent les prestations qui leur sont commandées même si celles-ci sont dénuées d'utilité. La prestation exécutée, aucun remboursement des sommes versées ne pourra être obtenu, sauf à prouver que l'approche commerciale est une escroquerie ou un abus de confiance sanctionnés pénalement. La meilleure défense face à ces pratiques est donc la prévention. Toutes les variantes du slamming reposant sur le démarchage, les collaborateurs de l'entreprise – en particulier la comptabilité – devront être sensibilisés au fait qu'il convient de ne pas donner suite à ces offres de services et de ne pas payer les factures correspondantes avant d'avoir pu consulter le prestataire habituel de l'entreprise sur l'opportunité d'y donner suite. La vérification des sources d'information et des moyens d'action est un réflexe naturel à adopter à l'égard de toute sollicitation reçue au sujet des marques et noms de domaine de l'entreprise.

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot