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Revue des marques : numéro 78 - avril 2012
 

Le design management, levier de croissance ?

Premier support de la marque, le packaging ne doit pas tant informer que communiquer sa singularité pour la faire émerger et la pérenniser.

entretien avec Lars G. Wallentin


Lars G. Wallentin
Lars G. Wallentin
Expert en design management
www.packagingsense.com

De vos cinquante ans d'expérience dans le design chez Nestlé, quelles ont été, selon vous, les grandes ruptures, les audaces en termes de forme, de matériaux, d'association d'éléments apparemment opposés ?

Lars Wallentin : S'il faut citer une rupture vraiment singulière, celle de Nespresso me vient immédiatement à l'esprit. Sa forme unique, associée à la typographie, le "N" de Nespresso, elle aussi unique, auxquelles il faut ajouter le circuit de distribution, d'abord sous la forme du club, puis dans des boutiques, elles aussi au design spécifique, les documents publicitaires… Pour la première fois, chez Nestlé, le design, aussi bien sur le plan de la forme, de la production, de la communication et de la commercialisation, ne faisait qu'un. Nespresso inaugurait le design management ou total design. Ajoutons à ces facteurs clés, un autre, lui aussi important : le soutien de Peter Brabeck, à l'époque CEO de Nestlé, acquis à l'esprit de cette rupture et qui l'a soutenu et défendu en dépit des risques financiers. Il a fallu une dizaine d'années pour que la marque connaisse un véritable essor. Citons également un autre grand succès : Pure Life, aujourd'hui première marque d'eau embouteillée dans le monde, lancée par Nestlé pour réduire le coût de transport, premier poste budgétaire. Purifier l'eau sur place permet de diminuer le coût de la distribution, étant donné que l'eau ne doit pas nécessairement provenir d'une source spécifique. Le succès du design, ici, industriel, repose également sur le concept de marque, recommandé par Peter Brabeck. C'est, en termes d'image et de cible, le contraire de Nespresso, marque premium, puisque Pure Life était destinée, dans un premier temps, aux pays émergents. La marque de smoothies "innocent", a su, par son style totalement en rupture avec les codes du marché, une écriture non pas industrielle, mais à la main, souvent enfantine, être plus proche des consommateurs. La marque donne de l'émotion, de la fraîcheur. Michel & Augustin s'en inspire avec succès.
 

Pouvez-vous citer un échec qui vous a lui aussi marqué ?

Petit écolier
Lars Wallentin : Kit Kat a abandonné un rite de consommation qui lui était attribué en Grande-Bretagne : la sensation lorsqu'on fend l'aluminium avec l'ongle et le craquement en longueur d'un segment. Afin de prolonger le "shelf-life", on a simplifié l'emballage en adoptant le flow-pack en plastique avec thermo-scellage. On a donc perdu deux éléments clés de la marque : le toucher de l'emballage en aluminium et le rite du craquement des segments. Aujourd'hui, le plastique n'attribue aucune valeur ajoutée à Kit Kat.

Comment exprimer la singularité de la marque à travers le packaging ?
Le produit prime-t-il la marque ?

L.W : La bonne marque raconte verbalement ou visuellement son positionnement, son histoire. Evian dit tout sur sa qualité : l'eau de la montagne. La couleur blanche rappelle sa pureté. Toute la tradition est racontée sur l'étiquette San Pellegrino. La marque, ce n'est pas seulement le nom, c'est la totalité des signes, des codes graphiques. Le personnage est souvent plus important que la marque comme par exemple Quiky de Nesquik.

Design management

Dans votre livre, The world's first book about packaging communication, la leçon 8 porte sur le design as a strategic tool. Comment placer le design, au coeur de la croissance ?

World first book
Lars Wallentin : Le succès d'Apple repose non seulement sur Steve Jobs mais aussi sur Jonathan Ive qui a su, par son talent de designer, faire d'un produit technologique, un produit culte, hier l'ordinateur, aujourd'hui l'ipad, l'iphone, etc... Son rôle a été essentiel dans la croissance de la marque.
Dans l'univers des PGC, les industriels n'ont pas encore assez tiré profit du design comme levier de croissance. On passe trop de temps à faire des tests, on confie la responsabilité de fonctions importantes à de jeunes chefs de produits sans expérience, sans formation à la valeur ajoutée du design. Ajoutons qu'ils ne veulent pas prendre de risque.
Que fait-on alors de ceux qui ont de l'expérience ? C'est oublié que la courbe de créativité évolue dans le bon sens avec l'âge, par davantage de curiosité et de connaissance.
En règle générale, c'est avec la direction que le designer doit travailler et non avec de jeunes chefs de produits.

Qu'est-ce qui est immuable, et qu'est-ce qui peut changer dans une identité visuelle, un design ?

Lars Wallentin : Prenons l'exemple de Groquik qui a cédé la place à Quiky : cela coûtait trop cher d'avoir un Groquik en France, un Quiky en Angleterre, un autre animal au Portugal, etc. Groquik est parti en vacances et n'est pas revenu… On a pu changer, car les deux animaux sont ludiques, sympathiques, mais on a conservé la couleur jaune et un logotype incliné très fort. On ne doit pas modifier toutes les variables en même temps.
Ce qui est intouchable, comme par exemple la valeur émotionnelle, ne doit pas changer.

Au nombre de vos commandements, il en est un que vous résumez par trois lettre : RTB ou reason to believe qui débouche sur reason to buy.
Ne faut-il pas également ajouter un autre RTB : reason to broadcast, car le consommateur n'est-il pas un ambassadeur de la marque ?

Lars Wallentin : La grande faiblesse, aujourd'hui, des marques, c'est souvent le manque d'une RTB. Pourquoi le consommateur achètet-il tel produit ? Que dit le produit sur lui-même, sa singularité, pour conduire le consommateur à le préférer ? Après, il est vrai que le plus puissant de tous les médias demeure le bouche à oreille. Aussi, pourquoi ne pas écrire sur le packaging : "si vous êtes satisfait de ce produit, dites-le à vos amis" ? C'est cela, le vrai marketing ! Je rappelle également que la communication est plus intéressante que l'information.

Hier, les informations nutritionnelles, aujourd'hui, les informations environnementales, demain les informations sociétales... quelle place restera-t-il pour la créativité sur le packaging ?

Nespresso
Lars Wallentin : C'est une erreur de croire que le packaging doit tout communiquer. Le consommateur qui achète un produit dans un magasin ne s'intéresse pas, à ce moment là, aux questions environnementales. La marque doit alors l'informer sur ce qui concerne le produit en lui-même - le goût, la praticité, les ingrédients, le poids … - et dispose d'autres médias pour d'autres types d'informations, par exemple, écologiques, sociétales -. Il n'y a aucune obligation légale à tout faire figurer sur le packaging. Contrairement aux idées reçues, la législation n'a pas diminué la créativité.

Un gardien du temple s'impose-t-il dans l'entreprise ?

Lars Wallentin : Oui, bien sûr. Il faut un brand champion, soit dans le département communication, soit dans le département produit, mais jamais au juridique. Cette personne manque beaucoup aujourd'hui dans les grandes entreprises. Il n'est pas nécessaire qu'elle soit dans l'entreprise, mais elle doit bien connaître la marque et la suivre.

Que souhaitez-vous propager à travers votre livre ?

Lars Wallentin : Je suis très critique envers la situation actuelle. Nous avons perdu le bon sens et nous pensons que la législation nous impose certaines règles. On oublie que la marque est comme une personne qui doit constamment vivre, évoluer, progresser, s'exprimer. Coca-Cola le fait très bien. Mon livre se veut un outil pédagogique qui manque souvent dans les écoles et dans les entreprises pour comprendre qu'un bon design doit bien communiquer.

Comment utiliser avec pertinence un élément de son patrimoine de marque ?

Coca Cola
Lars Wallentin : La laitière de Vermeer, c'est en soi un bon choix, mais il ne faut pas que la marque s'arrête à une icône ou un symbole fixe. La laitière doit pouvoir jouer un rôle plus important que seulement verser du lait. L'objectif n'est pas tant de coller quelque chose sur un emballage, mais de le faire vivre. A mon avis, le petit écolier n'a pas besoin de la marque LU sur la face principale du packaging, car la seule émotion du nom suffit. L'heure est à la simplification qui permet d'augmenter l'impact au linéaire. Nestlé ne figure pas sur Nescafé, ni sur Nespresso, ou Maggi ou Herta. La communication corporate est importante pour donner une valeur qualitative et pour donner confiance à une marque, mais elle n'est pas utile au moment de l'achat sur la face principale du produit.

Le bon emballage pour demain ?

Lars Wallentin : Le bon emballage, c'est, je pense, la combinaison du carton pour la stabilité du produit, l'aluminium pour l'étanchéité et le plastique pour la transparence, la soudure ou la flexibilité, c'est-à-dire une combinaison de matériaux.

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