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Revue des marques : numéro 77 - janvier 2012
 

Les marques et le bio, pourquoi maintenant ?

Les grandes marques alimentaires surfent sur la vague bio depuis seulement deux ans environ. Elles avaient de bonnes raisons d'attendre. D'autant que, si la croissance est au rendez-vous, le potentiel final du marché reste encore inconnu.

Benoît Jullien


Agriculture biologique
Le marché des produits bio jouit de la plus forte croissance de l'alimentaire depuis plusieurs années.
Atteignant 3,4 milliards d'euros, son chiffre d'affaires a plus que doublé entre 2005 et 2010. Les marques en sont longtemps restées absentes, si ce n'est quelques spécialistes jouant également sur la dynamique des commerces spécialisés.
Dynamique qui a poussé les grands distributeurs à s'intéresser à ce marché, à tel point que les marques de distributeurs pèsent désormais 41 % du marché de l'épicerie bio ou, même, 79 % du marché des pur jus de fruits bio. Longtemps sceptiques sur les capacités agricoles, les grandes marques ne se sont converties au bio qu'il y a peu.
Pourquoi se sont-elles réveillées si tard ? Eléments de réponses avec quelques unes.

Trouver le bon sourcing

Le marché des produits biologiques
Le marché des produits biologiques
a doublé en cinq ans
Parmi les marques "conventionnelles" puissantes à avoir abordé le marché bio, Heinz a été l'une des premières en 2009 et c'est en France qu'elle l'a fait : "on se doit de répondre à tous les besoins et il fallait un ketchup bio", résume Sara Ehrhard, chef de groupe, ... précisant "à condition de garder les spécificités de notre marque". "Le bio nous trottait dans la tête depuis assez longtemps déjà", se rappelle-t-elle, "mais il fallait trouver le bon approvisionnement au bon prix". L 'atout d'Heinz a été de disposer de sa propre filière en tomates et d'en développer une propre au bio. Le groupe a poursuivi en mayonnaise avec sa marque Bénédicta qui s'est lancée en bio en mars 2010. "Avec des ingrédients différents - moutarde, huile, etc. -, la juste formulation a été difficile à trouver, multipliant par deux le temps habituel de développement d'un nouveau produit".

Tropicana a lancé ses premières références bio en France en septembre 2010. "Il nous a fallu deux années pour trouver le bon approvisionnement qui garantisse la qualité de notre produit" raconte Rachel Milutinovic, directrice marketing. D'ailleurs, les deux premiers parfums de jus lancés ont été la pomme et le raisin. Pour la première rotation du marché, l'orange qui en représente plus de la moitié, il a fallu attendre un peu : elle n'a été lancée qu'au mois d'avril 2011, grâce à un sourcing réalisé en Amérique du Sud. "Le bio reste aujourd'hui un petit segment, mais sa forte croissance nous oblige à anticiper sur les volumes à venir", ajoute Rachel Milutinovic.

Même démarche évolutive pour Amora. La marque d'Unilever est entrée sur le marché avec une mayonnaise avant d'étendre son offre bio à une gamme transversale comptant mayonnaise, ketchup, mais aussi vinaigre et moutarde, se distinguant de Heinz-Bénédicta : "pour faire émerger une offre visible dans un rayon complexe où le temps de passage moyen est de quarante secondes, il faut plusieurs produits", assure Anne-Sophie Montaron, chef de groupe.

Le bio reste aujourd'hui un petit segment, mais sa forte croissance nous oblige à anticiper sur les volumes à venir

Son de cloche un peu différent chez Géant Vert : "on n'a pas attendu le bio pour faire des légumes de qualité" affirme Laurent Favreau, chef de groupe : "nous nous sommes lancés en mars 2011 parce que la demande était trop marginale auparavant. Nos études ont montré que 58 % de nos consommateurs y étaient sensibles, nous avons encouragé nos partenaires agriculteurs du Sud-Ouest à s'y engager". Mont-Blanc est une des dernières marques arrivées sur le bio, avec un lancement en mai 2011. "C'est une marque historique dont le goût est à l'esprit de tous", explique Delphine Gonthier, directrice marketing. Conséquence ? Il a fallu deux années de R&D pour le retrouver en bio, sans parler des efforts d'organisation (nettoyage des lignes de production, stockages spécifiques) pour obtenir l'accréditation.

Du chiffre d'affaires additionnel

En jus de fruits, le bio représente 4 % des volumes mais progressait de 34 % lors de la dernière période connue, dans un marché à + 1,6 % seulement. Pour Tropicana, "ce sont vraiment des volumes additionnels, sans cannibalisation sur nos références classiques", assure Rachel Milutinovic. Ce qui signifie que "la marque a recruté" sur un segment qui n'a séduit pour l'instant qu'un Français sur cinq, quand l'ensemble de la catégorie jouit d'un taux de pénétration de 80 %.
Et Tropicana garde un fort potentiel de croissance : avec une part de marché à 2,5 % en volume seulement, le leader ambitionne d'atteindre en bio, "au moins l'équivalent de notre part de marché globale", soit plus de 18 %. "Le bio, c'est du plus" résume, de son côté, Sara Ehrhard. Une chance pour le ketchup qui se doit de développer sa consommation, avec une pénétration globale inférieure à 50 % en France. Pour l'heure, le bio ne représente que 3,3 % des volumes d'Heinz et lui apporte un point de part de marché supplémentaire, quand la marque atteint presque les 30 %. Côté Bénédicta, la référence bio représente déjà 1 % du chiffre d'affaires de la marque et tend vers les 3 % de parts de marché dans une enseigne.
Chez Amora également, les premiers résultats commerciaux révèlent des ventes additionnelles à la marque, si ce n'est au marché. Pour quel potentiel futur ? "Le but est, à la fois, de séduire les adeptes du bio mais également des non-consommateurs", explique Anne-Sophie Montaron, "car ces derniers nourrissent une véritable demande de réassurance". Chez Géant Vert, les performances seraient déjà de 30 % supérieures aux objectifs, même si l'offre biologique ne dépasse pas 1 % des ventes. "Nous sommes entrés dans une phase de démocratisation et la taille du marché du maïs en conserve le permet, mais cela n'est pas encore viable pour nos autres légumes comme l'asperge ou le coeur de palmier", temporise Laurent Favreau.
Pour Mont-Blanc, l'heure n'est pas encore aux premiers bilans. Mais la marque qui détient les trois quarts d'un marché où les marques de distributeurs sont peu présentes (15 % environ) s'est donné des objectifs très ambitieux.

Un autre "business model"

Les2vaches
Une nouvelle méthode marketing pour la marque
bio du groupe Danone
Tout le monde ne croit pas en l'avènement de marques "généralistes" au rayon bio. Trois exemples.

Céréal Bio.
"Le bio nécessite des marques spécifiques" affirme Antoine Barcat, directeur marketing GMS de Nutrition & Santé qui a rebaptisé Céréal en Céréal Bio." Le rayon bio signifie "Je consomme autrement" : il faut donc le distinguer du mass market et préserver un rayon à part pour sauvegarder le maximum de valeur perçue par le consommateur. C'est ce que nous faisons en facilitant l'accès au bio avec des produits plus pratiques, mais en gardant son originalité, par exemple avec des variétés anciennes. Notre but est de surprendre par le bio qui est souvent synonyme de produits difficiles. En outre, les prix de revient du bio sont élevés car les séries sont plus courtes et il faut tenir compte des aléas climatiques tout en assurant une rétribution juste des agriculteurs. Mais, in fine, tout cela va recréer de la valeur".

Les 2 Vaches.
C'est une marque de Danone, mais le groupe reste discret sur les emballages de la filiale spécifique qu'il a constituée après le rachat de Stonyfield Farm. "En bio, la marque est un moyen au service d'un projet d'entreprise" explique Daniel Tirat, directeur général. "Elle est le porte-parole d'un travail de répartition de la valeur au sein d'une filière forcément différent du conventionnel. Le poids des ingrédients dans le compte d'exploitation y est substantiellement supérieur : il reste donc un enjeu primordial. Nous devons garantir nos apports en les anticipant. Pour cela nous admettons une montée progressive en notoriété et en volume : avec 16 % du marché des produits laitiers frais bio en cinq ans, nous avons déjà fait la moitié du chemin par rapport à Danone qui pèse plus de 30 % du conventionnel. Nous contribuons à inventer un modèle de développement durable qui sera l'un des modèles de demain, avec une autre relation aux producteurs comme aux consommateur, sortant du marketing classique ".

Bjorg.
Créée en 1988, la marque du groupe Distriborg est une pionnière du marché bio. Elle pèse près de 25 % du chiffre d'affaires de l'épicerie bio et couvre six grandes catégories de produits. "Longtemps considéré comme une niche, le marché a profité de la politique de la distribution depuis le début des années 2000" raconte Romain Hubert, directeur du category management. "Mais un rayon spécifique reste nécessaire car l'offre a besoin d'être regroupée. Cela ne sert à rien de chercher à comparer les prix ; les produits ne sont pas comparables. Nous leur apportons à chacun une valeur ajoutée spécifique, dans le domaine de la nutrition car le respect de l'environnement va de paire avec celui de la santé, ou dans celui de la praticité comme en témoigne le développement récent de nos box, car le bio peut bien sûr être moderne. Que des grandes marques communiquent sur le bio, ce sera bon pour le marché. Mais le consommateur de bio est avant tout un consommateur engagé : il veut de la proximité, se rend sur les salons ou prend le temps de lire les étiquettes."

Un surcoût incompressible

Heinz
Heinz a été l'une des premières
grandes marques à signer Bio, suivie
depuis par Bénédicta
En jus de fruits, le surcoût moyen du bio est de l'ordre de 17 %. Avec ces prix supérieurs, la plupart des intervenants reconnaissent que le marché n'est pas encore profitable pour eux : "on ne fait pas ce produit pour les marges", résume Sara Ehrhard qui explique qu'avec un prix supérieur de 10 % seulement, Heinz ne répercute pas intégralement l'écart de coût. En mayonnaise, le surcoût atteint 30 % tant le prix des ingrédients biologiques est supérieur, de 80 % en moutarde par exemple.

"Notre rôle est de démocratiser ce marché" renchérit Anne-Sophie Montaron : "si les prix restent assez élevés, leur valeur faciale reste très accessible, les prix standards étant très bon marché". "Notre parti pris a été de rester à un prix inférieur à un euro en réduisant notre format à 165 grammes", explique Laurent Favreau. Le surcoût au kilo est donc de 50 % mais "cette différence de prix s'explique par la culture bio plus onéreuse que la culture traditionnelle, et c'est transparent pour le consommateur". Côté Mont-Blanc, le surcoût est également évalué entre 30 et 35 %. Ce surcoût structurel limitera forcément à un moment l'essor du bio. Tous les consommateurs ne veulent ou ne peuvent pas y mettre le prix. "La pression économique laissera toujours une place plus ou moins importante à l'offre conventionnelle", analyse Delphine Gonthier.

Un lien nouveau à la marque

Mont blanc
Garder l'esprit de la marque
Cependant, toutes ces marques estiment désormais que le bio s'inscrit parfaitement dans leur territoire... "Tropicana bénéficie déjà d'une forte image de proximité avec la nature, même sur les produits classiques. Le bio, c'était en quelque sorte le petit frère attendu", explique Rachel Milutinovic, qui précise : "cette attente de la caution d'une grande marque est assez récente".
Pour le ketchup, qui souffre parfois d'une mauvaise image nutritionnelle, "le bio apporte un bénéfice certain en nous aidant à faire connaître sa naturalité", reconnaît Sara Ehrhard. Et d'ajouter : "une grande marque conventionnelle peut très bien signer du bio, il s'agit de travailler à partir d'ingrédients biologiques et d'être certifié... Pourquoi en priver nos consommateurs ?".

"Le bio fait sens sur Amora", assure Anne-Sophie Montaron. Tandis que Laurent Favreau résume : "le bio est une variété de l'ensemble de notre gamme à laquelle Géant Vert apporte une qualité supérieure : le consommateur a compris que le bio était un aspect de cette qualité". D'autant que toutes ces entreprises travaillant désormais sur le développement durable, voire le commerce équitable, leurs références bio entrent en convergence avec leur message d'ensemble. Delphine Gonthier va jusqu'à dire : "le bio est une occasion d'afficher la démarche écoresponsable plus globale de notre entreprise ; il renforce l'image de qualité et la cohérence de la marque".

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