Il en découle une première règle : les formes qui répondent à une fonction technique doivent être protégées par brevet. Or, un brevet ne peut être délivré que pour une invention, qui, à la date du dépôt, est nouvelle et inventive. La condition de nouveauté implique que la protection par brevet est la première à envisager temporellement, avant toute divulgation publique du produit/ conditionnement, et avant tout dépôt de modèle, lesquels sont publiés à brève échéance. À titre d'exemple, un conditionnement transparent qui maintient une pâtisserie de sorte que le nappage de ladite pâtisserie ne vienne en souiller les parois et dégrader la présentation, répond à une fonction technique et peut être protégé par brevet, sous réserve que les caractéristiques techniques afférentes soient nouvelles et inventives. Supposant que le postulat de nouveauté et de présence d'une activité inventive soit vérifié, le brevet protège l'invention revendiquée quel que soit son mode de réalisation. Or, en général, s'agissant d'un conditionnement, le mode de réalisation fera toujours l'objet d'une recherche esthétique. Ainsi, dans certaines situations, un conditionnement présentant des fonctionnalités techniques inventives, pourra être copié dans son esthétique sans que la fonction technique ne soit nécessairement reproduite. La protection de l'aspect esthétique est du ressort des dessins et modèles. Un modèle est redevable de cette protection s'il est nouveau et s'il présente un caractère propre (Art. L511-2 CPI), le caractère propre s'appréciant par l'impression visuelle d'ensemble dudit modèle (Art. L511-4 CPI).
Ainsi, s'agissant de l'apparence des conditionnements, une analyse de précision doit être conduite entre les contours et les textures redevables d'un caractère technique et ceux redevables d'un caractère purement esthétique. Plus qu'une analyse objective, il s'agit de répartir les protections entre le brevet et le modèle, de sorte que la rédaction et la portée du brevet ne puissent dégrader la validité du modèle, voir de ne considérer que l'une de ces protections, afin d'obtenir un monopole sur les éléments essentiels de présentation du produit. En l'absence d'une telle anticipation, si le produit est divulgué, le cumul des protections du droit d'auteur et des dessins et modèles, permet encore d'agir en France sur les aspects esthétiques. Au niveau communautaire, subsiste le délai de trois ans relatif aux modèles non enregistrés.
Le principe général est celui de l'exclusion mutuelle des protections. Une forme dictée par une fonction technique ne peut faire l'objet d'une protection par une marque ou par dessin et modèle, et de même, la forme esthétique d'un produit lui conférant en tant que telle une valeur marchande ne peut faire l'objet d'une marque, car il s'agit alors d'une forme conférant une valeur substantielle au produit. Ainsi, pour que la forme d'un produit ou celle de son emballage soit susceptible d'être enregistrée comme marque, il faut que la forme du produit/ou de son emballage soit telle que le consommateur puisse en reconnaître l'origine. Cette appréciation doit lui permettre d'orienter son acte d'achat et de différencier le produit d'un autre produit similaire provenant d'une autre entreprise, ce qui reste très difficile dans la mesure où le consommateur n'a pas pour habitude de présumer l'origine d'un produit par sa seule forme ou celle de son emballage.
Les offices, notamment communautaires, restent alors très sévères dans leur appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles et de leur validité. L'analyse des 43 jurisprudences européennes des cinq dernières années et relatives à la validité de marques tridimensionnelles dans les classes 29 et 30 fait apparaître des approches différentes. Ainsi, dans 30 % des cas, la marque tridimensionnelle est annulée pour un des motifs de l'article 3-1-(e) de la directive et le taux d'annulation atteint 61 % lorsque l'on additionne l'absence de distinctivité. Certes, qu'elle le soit au titre de l'article 3-1-(e) ou au titre de l'article 3-1-( b) de la directive, la marque tridimensionnelle est annulée. Mais la nuance est importante. En effet, comme précisé plus haut, si une marque ne peut prétendre obtenir la distinctivité par l'usage au titre de l'article 3-1-(e), la distinctivité évoquée à l'article 3-1-(b) peut, elle, s'acquérir par l'usage. Ainsi, la marque tridimensionnelle devra intégrer des éléments visuels ou textuels autres que le contour du produit et sur lesquels les consommateurs vont pouvoir s'appuyer, la distinctivité de ces éléments visuels ou textuels particuliers pouvant s'acquérir par l'usage. La protection de l'apparence d'un produit alimentaire ou de son conditionnement par les outils de la propriété industrielle doit être pensée suffisamment en amont et raisonnée sur l'ensemble de ces outils : brevet, modèle et marques.
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