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Revue des marques : numéro 75 - juillet 2011
 

Le commerce équitable peut-il être "nord-nord" ?

Le concept commence à s'imposer pour favoriser un traitement "équitable" des producteurs des pays en voie de développement. La question se pose désormais d'en appliquer les principes à ceux des pays "matures"... et de le faire savoir. Même de grandes marques mettent en avant leurs efforts à l'égard de leurs fournisseurs agricoles.

Par Benoît Jullien


agriculteur français
L'agriculteur français redevient un acteur majeur
des filières alimentaires (Crédit Photo Ethiquable)
Le commerce équitable reste, certes, une niche, mais son essor est incontestable. Les produits estampillés Fairtrade-Max Havelaar, le principal label en la matière, ont représenté 303 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2010 dans l'Hexagone. Une croissance annuelle de 5 % par temps de crise ! Un ménage français sur trois en a consommé en moyenne quatre durant l'année, pour une dépense de 14,7 euros. Les produits alimentaires - café en tête - restent prépondérants, mais ils sont notamment rejoints par les vêtements et accessoires professionnels en coton. Car le concept tend à s'imposer dans les esprits, si ce n'est dans les porte-monnaie : 98 % des Français ont entendu parler du commerce équitable, 56 % connaissent le logo Fairtrade - Max Havelaar (source Max Havelaar). Ce dernier signe désormais plus de 3 500 produits, dont 45 % issus de l'agriculture biologique.
Alter Eco
Ces avancées d'un commerce et d'une consommation vertueuses se heurtent toutefois à un paradoxe.

"L'équitable, c'est bien joli, mais pourrons-nous longtemps afficher de belles intentions à l'égard des producteurs colombiens, sans nous préoccuper davantage de partenaires beaucoup plus proches de nous - agriculteurs, petits fournisseurs, employés - qui apprécieraient qu'on ait pour eux ne serait-ce que le dixième des attentions que nous prodiguons au-delà des mers ?".

C'était il y a plus de trois ans : un représentant d'un des plus importants groupes de distribution français s'exprimait ainsi sous couvert d'anonymat mais avec franchise.

Des principes déclinables au Nord

Commerce équitable producteur de lait
Candia a été la première grande marque à
interpeler les consommateurs français
En principe, la vertu ne va pas sans cohérence. Pourquoi donc ne pas pratiquer le commerce équitable à l'intérieur même de nos frontières ? Cela semble évident et, pourtant, l'extension du domaine du commerce équitable ne va pas autant de soi qu'il y paraît, ne serait-ce qu'au regard de la réglementation, tant française qu'européenne.
Théoriquement, les différentes parties prenantes de la production - agriculteurs, salariés, etc. - sont censées jouir de protections incomparablement supérieures à celles de leurs collègues du Sud. C'est actuellement l'un des thèmes de réflexion de la Plateforme pour le commerce équitable (PFCE) qui réunit les grands acteurs français dans ce domaine.
Le commerce équitable peut-il s'appliquer aux échanges commerciaux nord-nord ? Et dans ce cas avec quel référentiel, avec quel label ? "Normalement, la définition du commerce équitable exclut l'utilisation de ce terme pour les relations nord-nord" explique Julie Stoll, coordonnatrice de la PFCE, "mais rien n'empêche d'en appliquer les principes".
"Il s'agissait à l'origine de soutenir les pays du Sud qui souffrent d'un décalage de développement ; ceci est bien ancré dans l'esprit des consommateurs". L'emploi du terme pour les relations "internes" au Nord pourrait donc créer une confusion. Mais pourquoi s'en priver si ses principes y sont appliqués avec autant d'exigence, à savoir la détermination d'un prix minimum calculé sur une analyse des coûts de production, un engagement de filière sur des volumes dans la durée, la solidarité avec les producteurs, par exemple par le préfinancement des récoltes, ainsi que le soutien apporté à des projets collectifs, le tout dans des conditions de transparence ? "L'attente des consommateurs serait en effet d'avoir une cohérence sur l'ensemble du marché", reconnaît Julie Stoll.

Déjà, des opérateurs spécialisés ont initié des démarches en ce sens, quoiqu'avec prudence quant au recours au terme de commerce équitable nord-nord, qu'ils réservent pour l'instant aux initiés. Biocoop, le groupe de distribution spécialisé dans les produits biologiques, a été l'un des premiers avec sa gamme "Ensemble pour plus de sens", suivi par les deux principales marques françaises intégralement vouées au commerce équitable : Alter Eco et Ethiquable.

Rémunérer au juste prix

Fleur de Colza
Avec Fleur de Colza,
Lesieur met en avant la filière mise
en place avec les agriculteurs
"Nous nous sommes interrogés sur le modèle agricole que nous défendons, une agriculture non intensive en polyculture-élevage dont le modèle disparaît à grande vitesse", raconte Laurent Muratet, directeur marketing et communication d'Alter Eco.
"Il nous est apparu que ce modèle est menacé tant au Nord qu'au Sud. Les niveaux de vie ne sont pas les mêmes au Nord, mais il s'y pose un réel problème de pérennité pour les générations futures". A cette réflexion structurelle est venue s'ajouter une analyse marketing : la complémentarité des produits entre les zones. Produits tropicaux dans un cas (café, chocolat, fruits), "occidentaux" dans l'autre (céréales, légumineuses…).
"Notre logique est de défendre l'agriculture paysanne", confirme Christophe Eberhart, cofondateur d'Ethiquable : "en France, c'est un mode de production qui est en jeu et, en écoutant le consommateur, nous nous sommes aperçus que c'était complémentaire de la défense de la survie des producteurs du Sud".
Sur le plan marketing, "nous veillons à renforcer un lien au territoire, issu de notre partenariat avec des organisations de producteurs, qui nous permet de revaloriser des savoir-faire ou des variétés".

A n'importe quel prix ? "Il faut sortir du débat stérile sur les prix" affirme Laurent Muratet. "Ce qui compte, c'est de payer le prix juste qui rémunère le travail des producteurs. Nos produits ne sont pas forcément plus chers, ils se situent généralement au niveau supérieur des marques nationales. Nous devons réinventer un modèle de qualité, car en matière de baisse des coûts, nous serons toujours perdants face à la concurrence". "Nous devons bien sûr veiller à rester à des niveaux raisonnables avec des produits accessibles", explique Christophe Eberhart, "mais certains de nos produits sont véritablement artisanaux, ce qui justifie qu'ils soient un peu plus chers. D'ailleurs, ce ne sont pas seulement des consommateurs à hauts revenus qui achètent ces produits. Ils veulent affirmer un vrai choix par leur consommation. En période de crise, ils ressentent le besoin d'apporter leur soutien à ce qui leur apparaît comme un remède".

Une inspiration pour les grandes marques

Le Petit Producteur, première marque de circuit court
Le Petit Producteur, première marque de
circuit court
La tendance dépasse d'ailleurs le strict cadre du commerce équitable. La notion de circuit court ne suscite plus l'ironie qu'elle rencontrait naguère. Conçue sur l'origine locale de ses produits, la gamme "Le petit producteur" a récemment eu les honneurs du ministre de l'Agriculture. A leur manière, certaines grandes marques s'y mettent. C'est notamment le cas dans les produits laitiers, ce qui permet au passage de tenter de régler les conflits récurrents sur le prix du lait.
Candia fut la première avec une campagne publicitaire poursuivie par la gamme "Le Lait de ma Région". Orlait a créé une marque, en partenariat avec la Fédération Nationale des Producteurs de Lait : "J'aime le lait d'ici".

Danone a initié la démarche "Acteurs pour un lait durable" et certains de ses produits sont estampillés "au lait de nos éleveurs". On retrouve des démarches analogues chez Bonduelle avec ses producteurs de légumes ou chez Lesieur qui n'hésite pas à mettre en avant des agriculteurs sur ses produits et ses communications Fleur de Colza.
Commerce équitable produits

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