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Revue des marques : numéro 71 - Juillet 2010
 

Playmobil, en avant l'histoire

Concept révolutionnaire dans l'univers du jouet, Playmobil est la première marque à avoir donné aux enfants la possibilité de créer leur propre univers grâce à des personnages animés.

Par Jean Watin-Augouard



Playmobil
Cela ne marchera jamais ! Quel entrepreneur n'a pas eu une de ses inventions contrariée dès sa naissance par quelques sceptiques, engoncés dans leurs habitudes ? Playmobil n'échappe pas à la règle. Présentés au Salon international du jouet à Nuremberg en février 1974, trois petits bonhommes, un indien, un chevalier et un ouvrier, sont mal accueillis par la profession. "Trop moche", "sans intérêt", dit-on. Critiques unanimes, excepté un grossiste néerlandais qui passe la première commande ! Les enfants sont très vite séduits quand, à l'automne 1974, les premières boîtes Playmobil font leur apparition dans les magasins de jouets. Défi relevé : en trois ans, les ventes passent de vingt millions à plus de cent millions de marks. La raison ? La convergence de la créativité, de l'outil de production, du risque assumé et d'une demande des enfants pour des jeux de rôles. Aujourd'hui, la famille Playmobil compte plus de 2,3 milliards de petits bonhommes fabriqués depuis 1974, 150 millions sortent des usines chaque année, 650 personnages différents dans le catalogue (3 000 depuis sa création), plus de 15 000 accessoires et très peu de concurrence - et de contrefaçon - sur le marché grâce à la technique du moulage. Présent dans soixante-dix pays, Playmobil réalise en 2009 un chiffre d'affaires de 474 millions d'euros et ce qui la situe au 2e rang européen après Lego. Témoignage de sa place incontournable dans l'univers du jouet, une exposition au musée des Arts décoratifs lui a rendu hommage de décembre 2009 à mai 2010. Playmobil ou l'histoire de trois cercles familiaux.
les premières figurines
1975 - 1977 : les premières figurines

Le premier cercle

Hans Beck
Hans Beck

Horts Brandstätter
Horts Brandstätter

Playmobil, c'est d'abord l'histoire d'une famille, au sens strict, celle des Brandstätter, aux commandes de l'entreprise depuis 1872. Une histoire déjà un peu inscrite dans le nom : Brand signifie "le feu, la flamme, l'énergie" en allemand et "marque" en anglais et "stätte" veut dire "le lieu, l'endroit, la place". Si Andreas Brandstätter fonda à Fürth, en Bavière, l'entreprise qui fabriquait alors des ferrures et des serrures pour boîtes à bijoux, son fils Georg trouve son véritable berceau, à Zirndorf, à trente kilomètres de Nuremberg, capitale du jouet européen depuis le XIVe. Le siège social se trouve toujours aujourd'hui à la même "place" !
Dénommée Geobra, acronyme composé de son prénom Georg, et de son nom Brandstätter, la société s'oriente vers la fabrication d'articles et de jouets en métal pour enfant. Déjà ! Elle commercialise des tirelires, des téléphones, des caisses enregistreuses et des balances pour le "jeu de la marchande". Il revient à la quatrième génération, celle de Horts Brandstätter (né en 1933), petit-fils de Georg, de donner l'impulsion stratégique à l'entreprise grâce à son tempérament de "feu". Visionnaire, il intègre le plastique, au début des années 1950, grâce à une technologie à base de soufflage jusqu'alors utilisée seulement pour la production de bouteille. Il choisit, pour cible prioritaire, l'enfant et, comme territoire, le jouet à l'intérieur duquel les enfants peuvent entrer (voiture de course à pédale, tracteur, bateau). C'est avec la fabrication du hula hoop, le fameux cerceau, invention d'origine américaine, qu'il rencontre en 1958 son premier grand succès commercial.
"Le monde de Playmobil, c'est la vraie vie, la vie de tous les jours dans laquelle l'enfant réinvente son propre univers".

Le deuxième cercle

Exposition au musée des Arts décoratifs
Exposition au musée des Arts décoratifs en 2009
Playmobil, c'est aussi la grande famille des personnages, née du hasard et de la nécessité. Au début des années 1970, Horst Brandstätter souhaite créer un personnage pour une production limitée destinée à des petits véhicules. Il pensait alors à une figurine simple et immobile. Survient la crise pétrolière en 1973 qui conduit la société, grosse consommatrice de plastique pour fabriquer les hula hoops et les gros tracteurs à pédales, au bord du dépôt de bilan. Hans Beck (1929-2009), directeur de bureau d'études de la société, va alors créer une vraie révolution dans le monde du jouet. Quand, auparavant, les figurines étaient en bois, en métal - les fameux petits soldats de plomb ! - en plastique (Starlux) raremment articulées et toujours destinées aux garçons, Hans Beck donne naissance à un petit personnage animé, mobile - play...mobil ! -, initialement prénommé Klicky, d'une taille de 7,5 cm (1/24e de la taille normale) pour tenir dans la main de l'enfant, d'un poids de dix à quinze grammes, donc peu consommateur de plastique devenu onéreux pour sa fabrication. "Il le dessine comme un enfant dessine un adulte avec des codes basiques, un visage rond, neutre, doté seulement de deux yeux et d'une bouche en forme de sourire mais sans nez ni oreille", explique Cécile L'Hermite, responsable marketing consommateurs Playmobil. "Aîné d'une famille nombreuse, Hans Beck avait une apparence d'artiste, un regard d'enfant plein de malice. De formation ébéniste, il fabriquait des jouets pour ses frères et soeurs. Il va imaginer un concept à partir de l'observation des enfants dans lequel c'est l'enfant et non l'adulte qui est le géant donneur d'ordres et metteur en scène des actes quotidiens de la vie". Pour autant, le risque de se lancer dans une telle aventure est élevé sur le plan financier : petits par leur taille mais importants par leur nombre, les personnages et les accessoires nécessitent des investissements très lourds car il faut des moules uniques par pièce. "Compte tenu du contexte difficile dans lequel se trouvait la société, relever le pari était audacieux", précise Cécile L'Hermite.
Le plébiscite des enfants a eu raison des inquiétudes. Dorénavant, la marque ne fera confiance qu'aux enfants.

Ludisme et pédagogie

Boite Playmobil

Boite Playmobil
C'est par les univers conçus à partir de thèmes réalistes et historiques - les premiers furent, en 1974, les indiens, les chevaliers et les ouvriers des travaux publics - que l'enfant va créer ses propres histoires et faire vivre les figurines sur lesquelles il peut clipper de nombreux accessoires. C'est aussi dans les détails que Playmobil se singularise : "la nurserie de l'hôpital a son appareil pour échographie, son chauffe-biberon et sa table à peser ! Dans la ferme, chaque lapin a une position et une couleur différente", précise Cécile L'Hermite. Ce qui induit bien sûr des coûts de fabrication importants mais la marque ne doit pas être déceptive car l'enfant est très observateur, il faut constamment l'émerveiller. Comme il n'est pas bon que l'homme soit seul, dixit la Bible, la femme (indienne, infirmière, châtelaine…) rejoint le petit bonhomme en 1976. La famille s'élargit en 1981 aux enfants, garçons et filles d'une taille plus petite (5,5 cm) puis en 1984, aux bébés (3,5 cm). Entre temps, depuis 1982, les mains de tous les personnages peuvent se tourner, "ce qui permet d'étendre les fonctionnalités et de multiplier les accessoires", analyse Bruno Bérard, directeur général Playmobil France.
La même année, les presses injectent en une seule fois quatre couleurs différentes donnant ainsi plus de vie aux personnages et aux univers. Enfin, le premier Playmobil noir apparaît dans l'univers safari. "Le monde de Playmobil, c'est la vraie vie, la vie de tous les jours dans laquelle l'enfant réinvente son propre univers", souligne Bruno Bérard. Si, dans les années 1980, les boites étaient très typées - cow boy, policier…-, et toujours à la couleur du thème, la gamme rose destinée aux petites filles est introduite en 1989 avec la maison Belle Epoque et les thèmes deviennent mixtes comme la ferme, le cirque ou l'école(1).

Aujourd'hui Playmobil propose une vingtaine d'univers, du paléolithique à l'exploration sous-marine en passant par le château de la princesse et celui des pirates, chacun ayant de dix à douze boites d'accessoires. Les thèmes majeurs fonctionnent de la même manière en Europe : les chevaliers et les personnages de la ferme sont les deux best-sellers de la marque. Des différences de culture s'observent néanmoins : le marché du train est très important en Allemagne et mineur en France. Les enfants n'hésitent pas à mélanger les genres puisque la princesse peut se retrouver au milieu des pompiers. Pour élargir davantage ses cibles, Playmobil propose également depuis 1990, la gamme Playmobil 1.2.3, pour les enfants de 18 mois à trois ans. Les personnages de cette gamme (hommes, femmes garçons, filles et bébés) peuvent tourner la tête et plier les jambes.

Mais, sécurité oblige, ils ont des formes plus arrondies et les boîtes sont vendues sans accessoires(2).Si le concept demeure identique depuis son origine, le produit, lui, a évolué comme en témoigne la multitude des détails telles ces figurines aujourd'hui en bermuda ou ces écrans plats dans les accessoires. Les thèmes eux aussi s'adaptent aux nouveaux temps mais sans donner une grande place à la technologie(3). "L'enfant doit reconnaître ce qu'il trouve dans la vie", rappelle Bruno Bérard. Règle d'or depuis les origines : si, au nom du réalisme, les Egyptiens ont bien sûr des lances, les Romains des glaives, et les chevaliers, des fléaux et des catapultes, Playmobil refuse toute expression de la violence, de représentation de la guerre contemporaine, aucun thème n'est consacré à l'armée moderne. La marque n'entend pas non plus coller aux modes, aux tendances via, par exemple, les licences. On ne trouve pas de Playmobil autour de Star Wars, Spiderman ou Harry Potter, par exemple. Pour autant le succès est toujours là : la marque a réussi à créer la confiance grâce à la qualité et la sécurité de ses jouets (pas de crise sur la marque, d'enfant ayant avalé un accessoire), mais aussi à s'assurer l'attachement des enfants par la variété des collections qui crée la surprise tout en collant à la réalité contemporaine. Le quart de la gamme change tous les ans et il ne faut pas moins de trois ans pour concevoir un nouveau thème surtout quand il concerne un univers historique pour lequel la marque ne peut se permettre aucune erreur(4) ! "Sur les fresques de la pyramide, on retrouve la reproduction exacte de motifs de la tombe de Nefertari", rappelle Cécile L'Hermite.
Marque honnête, claire, authentique, qui reste fidèle à sa promesse, celle inscrite dans son nom, Playmobil se veut ludique et pédagogue. Mobile, la marque l'était par son personnage, elle l'est aussi maintenant grâce aux coffrets "3 en 1" qui s'emportent partout et se rangent facilement.
Playmobil personnages

Le troisième cercle

Boite Playmobil
Playmobil, c'est enfin la grande famille des enfants, des parents et des collectionneurs ! "Avec un taux de pénétration, en France, de 90 %, la marque, destinée aux enfants de 3 à 10 ans compte au nombre de ses fidèles clients au moins cinq millions d'enfants", souligne Bruno Bérard. Quels parents n'ont pas, dans leur grenier ou leur cave, un jouet Playmobil ? Premiers consommateurs dans les années 1970, ils recommandent aujourd'hui la marque à leurs enfants, deuxième génération. "Les enfants sont au coeur de la marque, non seulement en tant que consommateurs mais aussi conseillers car ils souhaitent que les univers et les accessoires soient fidèles à la réalité !
Parmi les nombreuses lettres et dessins envoyés sur des souhaits, certains deviennent source d'inspiration pour nos soixante designers à Zirndorf comme les thèmes de l'Egypte, du football(5) ou de l'école, mais aussi les écrans plats de téléviseurs !", explique Bruno Bérard. Pour animer la marque, des films publicitaires passent à la télévision au moment des fêtes puisque 55 % des ventes sont réalisées d'octobre à décembre(6). Outil commercial incontournable : le catalogue diffusé à quinze millions d'exemplaires dont trois millions en France et publié dans seize langues.

Mais c'est surtout en proposant des expériences aux enfants que Playmobil crée l'attachement. "Depuis 25 ans, des centres commerciaux accueillent durant trois semaines des villages Playmobil - aires de jeux de 150 m2 -, destinés à recruter et fidéliser les enfants", rappelle Cécile L'Hermite. Mais le premier support de création d'expérience demeure le FunPark dans lequel la marque propose toute l'année aux enfants de jouer avec une quantité de personnage squ'ils n'auront jamais chez eux. Playmobil a ouvert cinq FunParks, salles de jeux géantes avec tous les Playmobils dont celui de Fresnes, en France, ouvert il y a dix ans(7). Onze aires de jeux sont proposées sur 2 000 m2 dont une réservée aux enfants de 18 à 36 mois, un espace restauration où parents et grandsparents peuvent se détendre et une boutique avec toute la gamme Playmobil.
"Le meilleur média, c'est l'enfant qui va jouer chez son ami et découvre un nouveau thème", rappelle Bruno Bérard. Membres également de la "grande famille", les collectionneurs développent des mises en scènes incroyables et ont créé une association avec un site internet dédié(8). Société toujours familiale, quel est le futur de Playmobil ? Il sera le miroir de la société de demain.
Marque honnête, claire, authentique, qui reste fidèle à sa promesse, celle inscrite dans son nom, Playmobil se veut ludique et pédagogue

Notes

1 - 95 % des filles jouent avec les figurines de leurs frères ; 65 % des achats sont réalisés pour les garçons, 35 % pour les filles.
2 - Playmobil compte trois usines en Europe, Allemagne, Malte et Espagne et une unité d'assemblage en République tchèque. 99 % de la production est européenne.
3 - On compte 35 000 ventes de jeu video Playmobil Pirate sur Nintendo DS.
4 - Les Playmobil arrivent un an plus tard en France.
5 - Avec le football, les personnages ont une jambe de tir mobile.
6 - 1er marque de jouet en France mais 9 ème communicateur dans le jouet.
7 - Paris, Malte, Athènes, Palm Beach et Zirndorf. Playmobil est également partenaire au Marineland d'Antibes.
8 - www.generations-playmo.info
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