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Revue des marques : numéro 70 - Avril 2010
 

Au coeur du marché ?

La grande marque doit retrouver sa mission : être attractive en termes de prix et performante. Pour autant, sa marge de manoeuvre dépend de la flexibilité de son modèle économique mais aussi de son aptitude à créer de vraies innovations.

Eclairages avec Olivier Géradon de Véra, IRI France et Jean-Noël Kapferer, professeur à HEC.



Etre accessible, c'est, selon Le Robert, être "atteignable, abordable". Au dire de certains, des marques de fabricants seraient moins abordables car elles auraient quitté le coeur de marché laissant glisser leurs prix et élargissant ainsi le chemin des linéaires aux marques de distributeurs et aux premiers prix. Faux, répond Olivier Géradonde Vera : "Aucune marque ne s'exclue volontairement du coeur de marché". Au reste, qu'entend-t-on par "coeur de marché"? Selon Olivier Géradonde Vera, "un coeur de marché existe quand il y a continuité et non dispersion des prix comme parfois sur des unités de besoins où on observe des positions de marques dominantescomme Coca-Cola ou Nutella où à côté de celle-ci n'apparaît qu'une MDDet/ou un premier prix." S'il existe différents types de coeur de marché "en fonction de l'usage des produits offerts", tous les marchés ont "un coeur de marché, une partie tirée vers le bas, et une autre vers le haut". Cette approche "statistique" se double d'une définition plus "marketing/merchandising" à savoir, selon Jean-Noël Kapferer, que le coeur de marché est "le produit standard qui correspond à une segmentation entrée-milieu-haut définie par la grande distribution". L'abandonner, c'est, prévient, Jean-Noël Kapferer, "quitter le coeur des gens, la proximité de la vie quotidienne".

Aujourd'hui, en volume, MDD, premiers prix et maxidiscomptes représentent environ la moitié des achats de PGC et seulement deux bastions sont encore aux mains des marques : la teinture textile et les produits pour permanente.

En être ou pas

Au coeur du marché ?

Au coeur du marché ?

Ikea Conforama
Face à la complexité croissante de l'offre, le consommateur demeure perplexe. D'autant que, confronté à des nouveaux postes budgétaires (internet, mobile, jeux videos..) et à l'augmentation des dépenses contraintes (logement, transport), il doit arbitrer ses dépenses de consommation et, de fait, par ses choix, exclure telle marque du coeur de marché selon son positionnement prix. Selon Olivier Géradon de Vera, il existe plusieurs façons de sortir du coeur demarché : "par l'innovation, souvent perçue comme un gadget, qui rend la marque plus chère que le prix moyen du marché (comme Essensis de Danone par exemple), ou quand le prix de la demande (prix moyen d'achat d'un produit) est par trop décalé avec celui de l'offre (prix proposé par l'industriel). Si le premier est trop inférieur au second, le consommateur va orienter son achat vers un produit moins cher, celui de la marque distributeur, avec, pour conséquence, la sortie du coeur de marché du produit plus cher." Au reste, Olivier Géradon de Vera fait observer que les MDD sont perçues "comme plus homogènes en qualité d'une enseigne à l'autre et que les écarts de qualité d'une catégorie à l'autre ont été réduit". Dès lors, pourquoi hésiter quand la prime de marque ne justifie plus, ou moins, le différentiel de prix ? Aujourd'hui, en volume, MDD, premiers prix et maxi discomptes représentent environ la moitié des achats de PGC et seulement deux bastions sont encore aux mains des marques : la teinture textile et les produits pour permanente.

Ajoutons les effets pervers de la loi Galland (accord de gamme, lancement de nouveaux produits, course en avant de l'assortiment…), l'arrivée du maxidiscompte et des marques économiques et l'on mesurera mieux les nombreuses causes de l'éviction possible ou réelle du coeur de marché de certaines marques. Pour sa part, Jean-Noël Kapferer met en avant le "modèle économique" de l'entreprise pour expliquer son aptitude à s'adapter à la demande : "viscosité d'un côté, fluidité de l'autre...". Conforama n'a pas le même modèle économique qu'Ikéa, "le premier souffre quand le second surfe sur la crise", résume-t-il. Même explication avec les MDD : "elles sont dotées d'un modèle économique différent de celui des grandes marques." Ces mêmes grandes marques qui, pour beaucoup d'entre-elles "ne sont plus des marques de grande consommation, même si, sur le long terme, les marchés de masse ont été créés par elles". Les grandes marques ont abandonné "le bas de marché et sont maintenant à égalité avec les MDD sur le coeur de marché", constate Jean-Noël Kapferer. Elles ne représentent plus que 26,5% du marché du jambon en libre service, 34% du marché des pâtes, 28% des légumes en conserve, 22 % des jus de fruits… "Les grandes marques ne peuvent pas proposer des produits à bas coût avec des coûts industriels inchangés. "Conséquence pour les consommateurs : "ces derniers s'interrogent sur la pertinence d'acheter, tous les jours, ce qu'il a de meilleur sur le marché". Jean-Noël Kapferer rejoint Olivier Géradon de Véra quand il souligne que "tout consommateur acquis aux marques distributeurs se regagne difficilement surtout quand il constate que la différence de qualité entre les MDD et les grandes marques est faible."

Le marché au coeur

Quel avenir pour la marque de fabricant ? Moins pessimiste, Olivier Géradon de Vera souligne qu'elles ont encore leur place "dans certaines unités de besoin où les MDD sont inexistantes", même si "l'arbitrage des consommateurs face à la contrainte du pouvoir d'achat s'exerce par une baisse de la consommation des produits de marque ou une économie d'usage comme les poudres de lavage, les shampoings, la confiserie, l'eau minérale. Ici, ce n'est pas le coeur de marché qui évolue mais la catégorie".

En outre, à trop vouloir réduire leur offre aux seules MDD, certaines enseignes finissent par être "boudées par les consommateurs qui veulent pouvoir exercer leur liberté d'arbitrage par le choix." Pour autant, Olivier Géradon de Véra prévient les industriels "de ne pas attendre des distributeurs qu'ils leur rendent gratuitement la place qu'ils ont abandonnée". Aussi l'avenir est aux marques qui, par de vraies innovations, "privilégieront les attentes nouvelles, écologiques, environnementales et économiques des consommateurs", annonce Olivier Géradon de Véra. "La marque est incontournable quand elle est source d'invention", confirme Jean-Noël Kapferer. Un juste retour à l'essence même de la marque de grande consommation qui, dès l'origine, a toujours fondé son accessibilité sur l'amélioration de la qualité de vie des consommateurs.

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