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Revue des marques : numéro 69 - Janvier 2010
 

Marques en scène pour plus de sens

Enrichir la relation entre les consommateurs et les marques est un point de passage obligé pour asseoir davantage leur légitimité. Les concepts stores fleurissent mais leur succès n'est pas toujours garanti.

Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.



Marques en scène pour plus de sens
Frank Rosenthal - Rosenthal Conseils
A l'heure où les marques semblent perdre une partie de leur aura auprès des consommateurs, leurs mises en scène se multiplient, ce qui témoigne de leur force vive et de leur pouvoir d'attractivité.
Lieu d'exposition : le concept store avec lequel une autre relation s'instaure entre la marque et ses consommateurs que ne saurait créer un circuit de distribution classique.
Acteurs : aussi bien les marques industrielles que les marques enseignes et les enseignes elles-mêmes. "Favoriser l'expérience des marques en magasin permet de leur redonner du sens", prévient Frank Rosenthal, consultant en marketing sur les problématiques de commerce.
Et les manières de faire vivre cette expérience sont nombreuses.

Marques industrielles

Cas d'école emblématique: BMW Welt ouvert il y a deux ans à Munich, siège social de la marque automobile, d'une de ses usines et de son musée. "Dans un lieu gigantesque la marque montre tout ce qu'elle peut et sait faire pour ses clients : personnaliser la voiture avec des bornes, simuler la conduite en 3D, exposer les nouvelles technologies, proposer des accessoires", résume Frank Rosenthal. Sans oublier, bien sûr, des restaurants, une librairie et un show room exposant les modèles. "Vous pouvez vous y faire livrer votre BMW au cours d'une journée payante, certes, mais qui vous est dédiée ; un technicien vous explique le fonctionnement détaillé de votre voiture que vous pouvez tester sur un circuit. " La relation à la marque s'en trouve singulièrement enrichie. Le client peut enfin avoir une perception globale de la marque sous tous ses aspects, ce qu'une concession automobile ne pourrait donner. "Ici, l'ambition strictement commerciale n'est pas première", précise Frank Rosenthal. Comme dans le premier Apple Store français ouvert en novembre 2009 au Carrousel du Louvre. Un deuxième est programmé dans le quartier de l'Opéra, en 2010.

Particularité du concept store d'Apple ? Il est construit sur plusieurs niveaux avec une façade la plus transparente et la plus ouverte possible. "L'architecture doit traduire les valeurs de la marque et l'agencement du magasin doit faciliter la démonstration, l'accès simplifié et la libre manipulation des produits. " La marque met également l'accent sur l'information donnée par des Genius Bar et la formation au sein de sessions sur des points particuliers d'utilisation des produits Apple (comment télécharger de la musique, classer ses images,...).
Inauguré, il y a trois ans à Hambourg, berceau de la marque, Nivea Haus propose dans un bâtiment en forme de bulle tout l'univers de la marque, son histoire publicitaire, ses produits, un institut de beauté et des conseils des dermatologues, un spa. L'expérience de marque est relayée par le site. "Même un mini magasin Nivea en hypermarché n'aura jamais la même intensité", remarque Frank Rosenthal.

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De gauche à droite : Apple Store à Tokyo, Nivea Haus, Uniqlo rue Scribe

Voie semée d'embûches

Une grande marque peut-elle se passer d'un concept store ? Sa caution suffit-elle pour garantir son succès ? Deux exemples prouvent que c'est une condition nécessaire mais non suffisante. Ouvert en 2004 sur les Champs-Élysées par Heineken, le concept store Culture Bière vient de fermer ses portes. Raisons avancées : le marché de la bière n'affiche pas des taux de croissance élevés en 2009 et le ticket moyen des clients dans ce concept store ne permettait pas de couvrir les frais fixes dont ceux du loyer exorbitant. "Etre une marque emblématique dans son univers ne garantit pas le succès car, dans le cas de Heineken, la culture de la bière n'est pas suffisamment développée en France. On peut, certes, faire de la pédagogie mais cela demande du temps et des investissements lourds pour changer les comportements", explique Frank Rosenthal. De fait, il est plus facile de dynamiser un marché déjà puissant comme l'automobile (BMW) oul'informatique (Apple) et d'optimiser la relation déjà existante avec tous les publics. Dans le cas de Culture Bière où le nom Heineken était du reste très discret, le dilemme était "soit de faire du volume en laissant peu de place à la pédagogie, soit de créer un lieu élitiste mais contraire à cette pédagogie", résume Frank Rosenthal. Autre tentative avortée: les cafés Nescafé ouverts en France en 2003. Un succès à l'international, la Grande-Bretagne en l'occurrence, ne présage pas d'une réussite en France. "Chez nous, la culture du café, très forte, n'a pas pour référence le soluble. Ajoutons le coût de l'immobilier, les investissements très lourds pour trouver les bons endroits et proposer une architecture distinctive", analyse Frank Rosenthal. Autant de contraintes qu'a su anticiper l'enseigne américaine Starbucks, arrivée au même moment : "l'enseigne a privilégié la qualité des emplacements, des lieux de trafic et de visibilité forts, des espaces confortables. Le ticket moyen y est plus élevé".

Favoriser l'expérience des marques en magasin permet de leur redonner du sens.

Uniqlo… unique

Preuve que les marchés sont loin d'être saturés, l'ouverture, le 1er octobre 2009, rue Scribe, quartier de l'Opéra, de l'enseigne japonaise Uniqlo (pour unique clothes) sur 2 200m². Compte tenu du succès - Uniqlo aurait réalisé durant la première semaine le record mondial en chiffre d'affaires -,d'autres ouvertures sont prévues sur Paris. Comment l'expliquer quand d'autres enseignes pourtant emblématiques comme Gap ou Zara souffrent ? La nouveauté, en soi, est une condition nécessaire pour susciterde l'intérêt mais non suffisante pour pérenniser et créer de la fidélité(1). Il faut d'abord tester le marché et être patient. Première étape : l'ouverture, il y a deux ans, d'un premier magasin éphémère de 500m² au centre commercial Les Quatre Temps à la Défense permet de prendre contact avec les consommateurs français, de comprendre leurs attentes et de se faire connaître avec, comme produit emblématique, un pull en cachemire. Deuxième étape durant l'été 2009, un deuxième magasin éphémère expose, dans le Marais, une partie de la collection. Le buzz est lancé, relayé par les relations presse. Malgré la crise économique, les files d'attente saluent cette nouveauté. "Uniqlo correspond à toutes les attentes du consommateur, attente de produits basiques de qualité, attente de produits modes (Jil Sander), attente de prix (pull cashmere à 39€90 et 49€90 avec 18 coloris pour les hommes et 19 pour les femmes, le jean à 9€90), attente de surprise avec des tee-shirts vendus dans des tubes transparents(2), attente de lieu spectaculaire, qualitatif", résume Frank Rosenthal. Ajoutons une publicité affichage et presse mettant en scène des parisiens célèbres avec leur prénom (Matthieu pour Kassowitz) et une campagne de geomarketing dans le quartier de l'Opéra avec des flyers, le balisage de la station de métroOpéra Auber, des flancs d'autobus. "On ne pouvait pas travailler ou vivre dans le quartier de l'Opéra sans savoir qu'Uniqlo allait ouvrir."

L'hypermarché de demain pourra proposer des produits de niche grâce aux volumes et répondre ainsi à toutes les gammes de prix et aux attentes de toutes les clientèles.

Le sens par l'expérience

Marques en scène pour plus de sens

Marques en scène pour plus de sens
De haut en bas :
magasin Globetrotter à Cologne
Nivea Experience Beauté
On ne vient pas chez Ikea par hasard ! Ici, les courses sont loin d'être une corvée. La marque sait se renouveler en permanence par une mise en scène des produits et par la création d'événements dans la vie des gens. "La visitedoit être une véritable expérience et le magasin organisé pour impliquer le consommateur dans ses choix d'aménagement de sa maison."

Récemment ouvert au CNIT, Décathlon offre une expérience des plus originales avec des zones dédiées aux tests des produits : l'escalade, zone destinée aux différentes surfaces, salle de danse, espace tennis pour s'entraîner au service, espace vélo avec une partie pavée et une partie sablée, espace avec simulateur de club de golf. "Toutes ces expériences redonnent du sens au magasin, qui n'est plus un magasin de sport comme un autre." Dans la même veine, le groupe allemand Globetrotter, qui possède une dizaine de magasins de sport outdoor et de sport extrême en Allemagne propose dans le centre-ville de Cologne un magasin de 6 000m² doté d'un bassin pour tester les kayaks, de douches pour les imperméables, d'une chambre froide (-17° C) pour les parkas. "Cette expérience de marque a de plus en plus de sens avec Internet, aussi bien circuit concurrent et complémentaire que circuit de préparation à l'achat mais sur lequel on ne peut pas avoir cette expérience de marque." Il serait injuste de ne pas mentionner les grands magasins qui, eux aussi, à l'instar des Galeries Lafayette ou du BHV Homme, ont su renouveler l'expérience de marque.

L'hypermarché de demain

Marques en scène pour plus de sens
test escalade chez Decathlon
La disparition de l'hypermarché, tant annoncée, serait un mythe. "Certes, le modèle a vieilli mais il n'est pas mort pour autant : on comptait trente neuf visites par consommateur tous les ans, il y a deux ans ; on en compte aujourd'hui trente huit même si le panier a légèrement baissé. Peut-on dans ce cas parler cas de mort de ce circuit ?", s'interroge Frank Rosenthal. Et de rappeler que le conseil promulgué par le fondateur de Walmart "a pleasant shopping experience" est toujours la clé du succès de l'enseigne qui doit apporter une expérience positive et agréable en magasin au client. "Et si l'avenir de l'hypermarché passait par la théâtralisation des marques ? ", suggère Frank Rosenthal. Spécialiste de ce format depuis sa création, Auchan, qui a fait du choix sa force(3), vient de rénover à Vélizy son hypermarché phare, riche de 205 000 références, proposant la profondeur du choix et plus de choix dans les prix(4). "L'hypermarché de demain pourra proposer des produits de niche grâce aux volumes et répondre ainsi à toutes les gammes de prix et aux attentes de toutes les clientèles", pronostique Frank Rosenthal. Remettre le client au centre des préoccupations est aussi l'objectif de Casino qui vient d'ouvrir dans le nouveau centre commercial Odysseum à Montpellier, un hypermarché de 12 000m² avec, pour la première fois, une borne SNCF, un point de restauration Columbus Café. Le concept de l'hypermarché retrouve de l'attractivité. La boutique éphémère en a-t-elle ? Elle doit répondre à un événement et créer du buzz. Comme Windows qui a ouvert en octobre 2009 un Windows Café, boulevard Sebastopol, pour lancer Windows 7. Cas original : Cote d'Or fête en 2008 ses 125 ans en ouvrant à Bruxelles une boutique éphémère pour un an destinée à faire découvrir l'histoire de la marque et à faire déguster les produits. Devant le succès, l'ouverture est prolongée !

Notes

(1) L'ouverture en juillet 2009 d'un grand espace chaussures aux Galeries Lafayette, le plus grand au monde, n'a pas eu le même impact.
(2) Un cabas en édition limitée fut remis à tout le monde avec un petit livret racontant l'histoire de la marque !
(3) Souvenons-nous de "la vie austère, la vie Auchan".
(4) La baguette de pain peut être à 0,45 € et à 2 € quand elle est au foie gras.
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