Cas d'école emblématique: BMW Welt ouvert il y a deux ans à Munich, siège social de la marque automobile, d'une de ses usines et de son musée. "Dans un lieu gigantesque la marque montre tout ce qu'elle peut et sait faire pour ses clients : personnaliser la voiture avec des bornes, simuler la conduite en 3D, exposer les nouvelles technologies, proposer des accessoires", résume Frank Rosenthal. Sans oublier, bien sûr, des restaurants, une librairie et un show room exposant les modèles. "Vous pouvez vous y faire livrer votre BMW au cours d'une journée payante, certes, mais qui vous est dédiée ; un technicien vous explique le fonctionnement détaillé de votre voiture que vous pouvez tester sur un circuit. " La relation à la marque s'en trouve singulièrement enrichie. Le client peut enfin avoir une perception globale de la marque sous tous ses aspects, ce qu'une concession automobile ne pourrait donner. "Ici, l'ambition strictement commerciale n'est pas première", précise Frank Rosenthal. Comme dans le premier Apple Store français ouvert en novembre 2009 au Carrousel du Louvre. Un deuxième est programmé dans le quartier de l'Opéra, en 2010.
Particularité du concept store d'Apple ? Il est construit sur plusieurs niveaux avec une façade la plus transparente et la plus ouverte possible. "L'architecture doit traduire les valeurs de la marque et l'agencement du magasin doit faciliter la démonstration, l'accès simplifié et la libre manipulation des produits. " La marque met également l'accent sur l'information donnée par des Genius Bar et la formation au sein de sessions sur des points particuliers d'utilisation des produits Apple (comment télécharger de la musique, classer ses images,...).
Inauguré, il y a trois ans à Hambourg, berceau de la marque, Nivea Haus propose dans un bâtiment en forme de bulle tout l'univers de la marque, son histoire publicitaire, ses produits, un institut de beauté et des conseils des dermatologues, un spa. L'expérience de marque est relayée par le site. "Même un mini magasin Nivea en hypermarché n'aura jamais la même intensité", remarque Frank Rosenthal.
Une grande marque peut-elle se passer d'un concept store ? Sa caution suffit-elle pour garantir son succès ? Deux exemples prouvent que c'est une condition nécessaire mais non suffisante. Ouvert en 2004 sur les Champs-Élysées par Heineken, le concept store Culture Bière vient de fermer ses portes. Raisons avancées : le marché de la bière n'affiche pas des taux de croissance élevés en 2009 et le ticket moyen des clients dans ce concept store ne permettait pas de couvrir les frais fixes dont ceux du loyer exorbitant. "Etre une marque emblématique dans son univers ne garantit pas le succès car, dans le cas de Heineken, la culture de la bière n'est pas suffisamment développée en France. On peut, certes, faire de la pédagogie mais cela demande du temps et des investissements lourds pour changer les comportements", explique Frank Rosenthal. De fait, il est plus facile de dynamiser un marché déjà puissant comme l'automobile (BMW) oul'informatique (Apple) et d'optimiser la relation déjà existante avec tous les publics. Dans le cas de Culture Bière où le nom Heineken était du reste très discret, le dilemme était "soit de faire du volume en laissant peu de place à la pédagogie, soit de créer un lieu élitiste mais contraire à cette pédagogie", résume Frank Rosenthal. Autre tentative avortée: les cafés Nescafé ouverts en France en 2003. Un succès à l'international, la Grande-Bretagne en l'occurrence, ne présage pas d'une réussite en France. "Chez nous, la culture du café, très forte, n'a pas pour référence le soluble. Ajoutons le coût de l'immobilier, les investissements très lourds pour trouver les bons endroits et proposer une architecture distinctive", analyse Frank Rosenthal. Autant de contraintes qu'a su anticiper l'enseigne américaine Starbucks, arrivée au même moment : "l'enseigne a privilégié la qualité des emplacements, des lieux de trafic et de visibilité forts, des espaces confortables. Le ticket moyen y est plus élevé".
Preuve que les marchés sont loin d'être saturés, l'ouverture, le 1er octobre 2009, rue Scribe, quartier de l'Opéra, de l'enseigne japonaise Uniqlo (pour unique clothes) sur 2 200m². Compte tenu du succès - Uniqlo aurait réalisé durant la première semaine le record mondial en chiffre d'affaires -,d'autres ouvertures sont prévues sur Paris. Comment l'expliquer quand d'autres enseignes pourtant emblématiques comme Gap ou Zara souffrent ? La nouveauté, en soi, est une condition nécessaire pour susciterde l'intérêt mais non suffisante pour pérenniser et créer de la fidélité(1). Il faut d'abord tester le marché et être patient. Première étape : l'ouverture, il y a deux ans, d'un premier magasin éphémère de 500m² au centre commercial Les Quatre Temps à la Défense permet de prendre contact avec les consommateurs français, de comprendre leurs attentes et de se faire connaître avec, comme produit emblématique, un pull en cachemire. Deuxième étape durant l'été 2009, un deuxième magasin éphémère expose, dans le Marais, une partie de la collection. Le buzz est lancé, relayé par les relations presse. Malgré la crise économique, les files d'attente saluent cette nouveauté. "Uniqlo correspond à toutes les attentes du consommateur, attente de produits basiques de qualité, attente de produits modes (Jil Sander), attente de prix (pull cashmere à 39€90 et 49€90 avec 18 coloris pour les hommes et 19 pour les femmes, le jean à 9€90), attente de surprise avec des tee-shirts vendus dans des tubes transparents(2), attente de lieu spectaculaire, qualitatif", résume Frank Rosenthal. Ajoutons une publicité affichage et presse mettant en scène des parisiens célèbres avec leur prénom (Matthieu pour Kassowitz) et une campagne de geomarketing dans le quartier de l'Opéra avec des flyers, le balisage de la station de métroOpéra Auber, des flancs d'autobus. "On ne pouvait pas travailler ou vivre dans le quartier de l'Opéra sans savoir qu'Uniqlo allait ouvrir."
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