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Revue des marques : numéro 68 - Octobre 2009
 

Procter&Gamble, des marques incontournables

Avec une vingtaine de marques milliardaires et vingt autres qui pèsent plus de cinq cents millions de dollars de chiffre d'affaires, Procter & Gamble dispose d'une force de frappe déterminante.

Entretien avec Francesco TORTORA, directeur de la division hygiène-beauté de Procter & Gamble France. Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.



Que représente aujourd'hui le groupe Procter&Gamble en termes de marques et de marchés?

Francesco TORTORA
Francesco TORTORA
Francesco Tortora : Le groupe possède plus de trois cents marques dans plus de cent quatre-vingts pays. Sur ces trois cents marques, vingt-trois sont dites milliardaires, car elles affichent un chiffre d'affaires annuel supérieur à unmilliard de dollars, et vingt autres réalisent entre cinq centsmillions et unmilliard de dollars de ventes annuelles. Parmi les deux cent cinquante autres figurent des marques dont le rayon d'action est plus limité sur le plan géographique mais qui demeurent importantes sur leur marché, et qu'on appelle "joyaux locaux". C'est le cas de la lessive Bonux en France ou des produits d'hygiène intime Infasil en Italie.
En termes demarchés, nous sommes présents dans trois catégories de produits : entretien de la maison (lessives, nettoyants ménagers, couches pou rbébé, papier toilette ou piles), beauté (produits de rasage, soins capillaires, soin de la peau, parfum et petit électroménager), santé et bien-être (protection féminine, soins bucco-dentaires, médicaments sans prescription, snacks et alimentation animale).

Internationalisation, mondialisation, globalisation…Quelles similitudes, quelles différences?

Francesco Tortora : Le groupe, créé en1837, a d'abord connu l'internationalisation (expansion dans un nombre croissant de pays), puis la régionalisation ( avec par exemple la création d'un siège européen àGenève) dans les années1990, et enfin la globalisation, depuis les années 2000. Notre axe de croissance stratégique est de nous focaliser sur nos principales marques, sur nos principaux marchés et avec nos principaux clients, en utilisant comme atout majeur nos marques milliardaires, qui peuvent apporter rapidement de la valeur, aussi bien aux consommateurs qu'à nos partenaires de la distribution. Les économies d'échelle jouent un rôle crucial pour plusieurs raisons. Sur le plan de la recherche et du développement, nous concentrons nos moyens sur quelques projets phares de marques clés dotées d'un fort potentiel, donc avec un fort impact, plutôt que de disperser nos forces en plusieurs petits projets isolés. Au total, huit mille chercheurs travaillent dans vingt sept centres de R&D dans le monde. En 2008, plus de 2,2 milliards de dollars (2,7 % du chiffre d'affaires total) ont été investis en R&D. Par ailleurs, nous rencontrons chaque année cinq millions de consommateurs de tous pays et nous dépensons 300 millions de dollars en études, pour mieux connaître leurs attentes et leurs besoins.
Un autre domaine où la globalisation est pertinente est celui de la stratégie marketing. Quand on est présent dans plusieurs pays, on est confronté à des contextes très divers. C'est pourquoi nous sommes attachés à recueillir l'avis de nos consommateurs partout où nous sommes présents. Mieux les connaître, c'est être plus crédible dans notre discours vis-à-vis d'eux. Notre présence dans de nombreux pays nous permet aussi de tester plus d'innovations, ce qui accroît d'autant notre potentiel d'apprentissage et d'expérience, dans des situations locales très différentes. Les erreurs que nous commettons parfois sont elles aussi sources d'enseignements.
Enfin, notre taille est un avantage sur le plan de la commercialisation. En raison de la dimension internationale de beaucoup de nos marques, nous disposons de plus gros budgets qui peuvent faire d'une bonne idée une très belle idée. Davantage de consommateurs peuvent la voir, nous pouvons mettre en place des plans de communication complets, dits à 360 degrés, et créer le cercle vertueux qui alimente de nouveaux succès.

Marques milliardaires

Vendues en France: Actonel, Always, Ariel, Braun, Duracell, Fusion, Gillette, Head&Shoulders, Mach3, Pantene, Pampers, Pringles, Oral-B, Wella.
Hors de France: Bounty, Charmin, Crest, Dawn, Downy, Fairy, Iams, Olay, Tide.

Evolution du chiffre d'affaires

1859 : P&G dépasse pour la première fois 1 million de dollars.
1956 : 1 milliard de dollars.
1980 : 10 milliards de dollars.
1989 : 20 milliards de dollars.
2002 : 40 milliards de dollars.
2009 : 79 milliards de dollars.

Les grandes dates des implantations et des acquisitions

1837 : Création de P&G par James Procter et William Gamble à Cincinnati (Ohio, États-Unis).
1915 : P&G s'implante pour la première fois en dehors des États-Unis en ouvrant une usine au Canada (Ontario), qui emploie soixante-quinze personnes.
1930 : P&G s'installe pour la première fois hors du continent américain en achetant Thomas Hedley & Co. Ltd.
1954 : P&G commence son activité en France et installe sa première usine àMarseille, sur un site acheté à Fournier Ferrier.
1963 : Le "Centre technique européen" ouvre à Bruxelles.
1973 : La société fabrique et vend ses produits au Japon.
1988 : P&G s'implante en Chine.
1991 : P&G étend ses activités en Europe de l'Est et s'installe en Tchécoslovaquie. Suivent la Hongrie, la Pologne et la Russie, la même année.
2001 : P&G achète les parfums Jean Patou et signe un accord de licence avec Lacoste pour la commercialisation des parfums et produits de beauté.
2003 : Procter&Gamble consolide ses positions sur le marché de la beauté avec l'acquisition de Wella (soins capillaires professionnels) et de Valentino (licences de parfums).
2005 : Acquisition de Gillette.

Quels sont les nouveaux avantages comparatifs sur lesquels Procter&Gamble peut miser?

Francesco Tortora : Notre portefeuille de marques nous donne un champ d'action large, sans équivalent chez nos concurrents. Des connexions peuvent se créer entre nos catégories de produits. Ainsi, la mise au point des lingettes, qu'elles soient pour le soin du bébé ou l'entretien de lamaison, est née d'une conjonction de notre expertise dans les domaines de la cosmétique, de la détergence et du papier. Être présents sur plusieurs marchés et dans de nombreux secteurs nous aide à amortir la crise, en diversifiant les risques de manière saine. Enfin, quand on réalise 79 milliards de dollars de chiffre d'affaires (année fiscale 2008-2009), on dispose d'une marge de manoeuvre réelle en termes d'indépendance.

Comment le lancement de nouveaux produits est-il effectué?

Francesco Tortora : La réflexion sur le lancement de produits se fait par catégorie. Un département au niveau mondial identifie très en amont les opportunités sur le plan global. Ensuite, le lancement ne se fait pas forcément dans tous les pays au même moment. Il peut s'effectuer en plusieurs vagues. Mais dans tous les cas, notre objectif est de déployer aussi vite que possible une innovation dans le plus grand nombre de pays, pour en faire bénéficier le plus grand nombre de consommateurs. Ainsi, nous avons lancé Downy Single Rinse (une lessive qui utilise moins d'eau) au Mexique, puis l'avons étendue à douze autres pays, dont le Pérou, la Chine ou les Philippines. Même chose avec Naturella, une protection féminine créée spécifiquement pour les consommatrices à faibles revenus d'Amérique latine, étendue ensuite à l'Europede l'Est. Chaque lancement a vocation à être mondial. Chaque nouvelle idée doit trouver un écho global.

Combien de temps pour devenir une marque milliardaire?

Francesco Tortora : Cela dépend. Ces dernières années, la création de marques milliardaires s'est accélérée. En moins de dix ans, Procter & Gamble en a plus que doublé le nombre : dix en 2001, vingt-trois en 2009. L'expansion des marques va plus vite. Ainsi, il a fallu attendre seize ans pour que la marque Always, lancée d'abord aux États-Unis, arrive sur le marché français. Au contraire, le nouveau shampoing Head & Shoulders, lancé en 2008 (nouvelle formule et nouveau conditionnement), a conquis cent quarante pays en neuf mois! Et Fusion de Gillette est devenue une marque milliardaire en moins de deux ans, ce qui est un record!

La mondialisation appelle-t-elle une rationalisation du portefeuille de marques (cession de Folgers en 2008…) et une concentration sur le coeur demétier?

Francesco Tortora : La réflexion sur notre portefeuille de marques se fait en permanence. Il n'y a pas de marques intouchables. Nous nous focalisons cependant sur les marques milliardaires et sur celles en passe de le devenir, qui représentent 85 % de notre chiffre d'affaires. Ensuite, il est normal que nous cherchions à faire des choix de rationalisation.

Procter&Gamble, des marques incontournables
Être présents sur plusieurs marchés et dans de nombreux secteurs nous aide à amortir la crise, en diversifiant les risques de manière saine.

Ariel se nomme Tide aux États-Unis, Dash en Italie, Ariel en Europe. Quelle est votre stratégie en matière de noms de marques?

Francesco Tortora : La stratégie de Procter & Gamble est de développer des marques mondiales, c'est-à-dire un même nom pour un produit partout dans le monde, comme pour Swiffer, Febreze ou Pringles. Néanmoins, il existe des exceptions, liées aux acquisitions de marques possédant une forte notoriété locale: c'est le cas du liquide vaisselle Fairy en Grande-Bretagne.

Et en matière de communication?

Francesco Tortora : Là aussi, notre volonté est d'avoir une communication homogène. Les champions mondialement connus que sont Roger Federer, Thierry Henry et Tiger Woods sont présents dans nos communications partout à travers le monde. Néanmoins, nous recourons à une personnalité locale si cela fait sens pour la marque. Ainsi, Head & Shoulders a choisi le joueur de tennis français Richard Gasquet pour sa dernière campagne. Dans tous les cas, c'est le consommateur qui nous inspire et guide notre démarche. Nous sommes à son écoute pour répondre au mieux à ses attentes et lui apporter les produits dont il a besoin au quotidien, et qu'il aura envie d'acheter.

Quelle est la stratégie du groupe en matière d'innovation ?

Francesco Tortora : Depuis 2000, Procter&Gamble amis en place une politique ambitieuse de collaboration avec des chercheurs et experts du monde entier, au moyen de notre plateforme d'innovation ouverte "Connect +Develop". En 2008, 42% des innovations de l'entreprise ont été réalisées avec l'intervention d'un partenaire externe. L'objectif est d'atteindre 50 % d'ici à 2010. L'extérieur est riche d'idées nouvelles, les réseaux en ligne fédèrent près de neuf mille universitaires avec lesquels nous pouvons engager des conversations sur les innovations de demain. En recherchant des relations fondées sur l'intérêt partagé, P&G peut ainsi démultiplier ses capacités, pour servir mieux et plus rapidement les consommateurs. L'innovation doit venir aussi des acquisitions : Gillette nous a beaucoup appris en termes de commercialisation, par exemple.

La mondialisation crée-t-elle de nouveaux enjeux en termes de réputation, de responsabilité sociale, éthique, de développement durable?

Procter&Gamble, des marques incontournables
Francesco Tortora : Depuis 2007, nous avons intégré le développement durable dans la mission de l'entreprise, qui est d'offrir aux consommateurs du monde entier des marques et des services d'un rapport qualité-prix supérieur, afin d'améliorer leur vie quotidienne, ainsi que celle des générations futures. Au nombre de nos cinq objectifs pour 2012 figure celui de progresser dans les aspects produits et production, mais aussi par le biais de la responsabilité sociale. Pour la période 2007-2012, notre objectif est de permettre à trois centsmillions d'enfants de "vivre, apprendre et s'épanouir (Live, Learn andThrive ®)" ; d'éviter cent vingt millions de jours de maladie et de sauver des milliers de vies en fournissant trois milliards de litres d'eau potable dans le cadre de notre programme "Children's Safe Drinking Water". Ces actions sont mondiales, mais l'engagement est aussi local. Ainsi en France, nous avons une fondation d'entreprise qui, depuis plus de dix-sept ans, agit au côté du Conservatoire du littoral et l'aide au moyen de missions de recherche et de communication. Nous avons noué des partenariats avec des associations, que nous souhaitons inscrire dans la durée (Fondation de France, Restos du coeur, Fondation Nicolas Hulot avec Duracell…).

Internet est-il un outil à la foismondial et local?

F.T.: Nous sommes entrés de plain-pied dans l'ère du digital et de l'interactivité. Le consommateur est notre boss, c'est lui qui fait le succès de nos produits. Le dialogue en ligne ouvre de nouvelles opportunités pour des relations durables entre les consommateurs et nos marques. Nous sommes au début d'une ère et avons beaucoup de projets dans ce domaine!

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