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revue des marques numéro 61 - janvier 2008
 

Innovation et développement durable, même combat

Dans l'esprit de beaucoup, il semblerait que les termes "innovation" et "développement durable" forment une sorte d'oxymore. Malheureusement, le rapprochement de ces deux notions est encore perçu comme assez improbable, pour ne pas dire contre nature. Et si l'innovation du futur pouvait être plus en phase avec les attentes des consomm'acteurs ?

Par Eric Seuillet, E-Mergences*


Innovation ou développement durable, même combat

Des séquelles d'un état d'esprit imperméable à l'innovation durable persistent indéniablement, et de façon même assez marquée en France. Il est vrai que le pays de Descartes valorise particulièrement les démarches rationalistes et scientistes. Rien d'étonnant donc que dans ce contexte, l'innovation technique tout droit sortie des laboratoires de R & D soit particulièrement vénérée, et que les grands projets nationaux de nature technocratique (Concorde, plan Calcul, TGV, nucléaire, spatial...) rythment l'histoire de l'innovation en France. A l'opposé, les mouvements écologiques s'y sont souvent construits dans l'opposition,la contestation,des postures altermondialistes et radicales. Bien évidemment, ce raccourci de l'opposition de l'innovation et du développement durable est quelque peu schématique... Mais, même forcé, le trait est révélateur d'une vérité certaine. Comment sortir de cette opposition stérile, ne pas tomber dans les blocages ? Comment faire rimer davantage science avec conscience ? Comment réconcilier innovation et développement durable ? Comme souvent, il suffit de reconsidérer cette question sous un autre angle pour que paraisse évidente l'idée qu'innovation et développement durable ont partie liée.

Reconsidérer l'innovation

Le propos de notre livre Fabriquer le futur est de montrer que l'innovation a profondément changé en quelques années. La conception des produits et services innovants de demain ne peut résulter uniquement d'avancées techniques, comme auparavant. Face à la pléthore de nouveaux produits, à la débauche de hautes technologies, les consommateurs en viennent à nourrir des réactions de rejet. Par ailleurs, davantage informés, ils tendent à se détourner des produits gadgets, des fausses innovations qui, par des astuces marketing, font d'un produit existant un nouveau produit.

Si les démarches purement"technology push"et"market pull" deviennent inopérantes, comment produire des innovations qui trouvent leur marché et ne connaissent pas le sort des 80 % (ou même davantage) d'entre elles vouées à l'échec ? D'abord en prenant conscience des évolutions radicales des consommateurs. De nouvelles valeurs se sont fait jour, incitant une frange grandissante de la population à adopter des modes de vie plus authentiques et donc à rechercher des produits plus simples, plus émotionnels, faisant davantage sens. Les consommateurs se transforment de plus en plus en consomm'acteurs, plus conscients de leurs choix et plus responsables.
Le sous-titre de Fabriquer le futur, "l'imaginaire au service de l'innovation", résume notre propos. Solliciter l'imaginaire des clients pour mettre au jour leurs désirs, aspirations et besoins latents ; faire entrer l'imagination et la créativité dans les entreprises ; pratiquer la transdisciplinarité pour mieux croiser les regards – notamment ceux des responsables de la conception amont des produits (ingénieurs,marketeurs,designers) – plutôt qu'en fonctionnant en silos ; mettre en résonance la culture et l'imaginaire d'une entreprise avec ceux de ses clients : voila des clés pour une innovation renouvelée, adaptée, efficace.
Les contraintes économiques, sociétales et techniques obligent donc les entreprises à repenser leur processus d'innovation. Il doit être raccourci, pour réduire les délais d'arrivée des nouveaux produits sur le marché,qui devront de plus en plus intégrer des services et être le plus possible personnalisés. Les risques doivent être aussi davantage maîtrisés. Pour intégrer ces nouvelles donnes, il est indispensable d'impliquer le plus en amont possible le client dans le processus d'innovation. L'innovation du futur prendra beaucoup plus en compte les vraies aspirations des consommateurs, notamment par la détection d'usages émergents provenant des clients les plus en avant-garde. L'innovation du futur sera donc nécessairement citoyenne et c'est en cela qu'elle rejoindra le développement durable, dans une acception élargie de celui-ci.

De nouvelles valeurs se sont fait jour, incitant une frange grandissante de la population à adopter des modes de vie plus authentiques et donc à rechercher des produits plus simples, plus émotionnels, faisant davantage sens.
L'innovation du futur prendra en compte les vraies aspirations des consommateurs, notamment par la détection d'usages émergents provenant des clients les plus en avant-garde.

Reconsidérer le développement durable

Le thème du développement durable est encore trop dominé par la question environnementale. Bien évidemment, les problèmes de pollution, de réchauffement climatique, d'épuisement des ressources méritent d'être résolus.Mais faut-il pour autant les appréhender avec un esprit malthusien,défensif et pessimiste comme c'est trop souvent le cas ? Il est tout de même significatif qu'il faille encore, en France, exhorter les entrepreneurs à considérer le développement durable autrement que comme source de contraintes et de coûts, ou pis, comme une occasion de "greenwashing".
Dans une tribune récente intitulée "Entrepreneurs, profitons du développement durable !", Pierre Simon, Bernard Ramanantsoa et Bénédicte Faivre-Tavignot (respectivement président de la chambre de commerce et d'industrie de Paris,directeur général du Groupe HEC, directeur pédagogique du mastère HEC développement durable) dénoncent ces postures passéistes : "le développement durable est désormais une impérieuse nécessité pour notre collectivité, comme pour le reste de la planète. Mais c'est aussi une occasion, inespérée il y a quelques années, de retrouver des sources de compétitivité pour nos entreprises et des opportunités de créations d'emplois :un argument convaincant pour une mobilisation générale!"

Reconnaissons déjà les formidables possibilités que l'innovation peut impulser dans le secteur de l'environnement. Il suffit de constater l'essor prometteur des écotechnologies ou éco-innovations. Les financiers et capitaux-risqueurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés,si l'on en juge par la très forte progression de leurs investissements dans ce domaine.Pourtant, le développement durable est bien plus que cela. Considéré au sens large, il doit embrasser des dimensions supplémentaires : sociétales, citoyennes, éthiques...

Pratiquement, comment faire ?

Pour réconcilier innovation et développement durable, il faudrait avoir toujours en ligne de mire l'impératif d'une innovation utile à l'homme, à son environnement, à la planète. L'innovation à réinventer doit être responsable, prenant en compte le long terme et pas uniquement les contingences immédiates. Elle doit réhabiliter la prospective en pensant aux générations futures. Ce type d'innovation nécessite une forte empathie de l'entreprise à l'égard des acteurs constituant son écosystème, une véritable posture de reliance et d'écoute. On le voit, avec cette acception élargie, le champ dans lequel l'innovation peut se déployer est quasi infini. On peut être à la fois "high tech" et "high touch" : dès lors que l'humain revient au centre des préoccupations, toutes les avancées scientifiques et technologiques doivent nécessairement concilier innovation et développement durable.
A titre d'exemple, les TIC, les nanotechnologies, la virtualité et la 3D,l'intelligence ambiante,sont des domaines au potentiel immense pour l'innovation et en même temps des champs de déploiement majeurs pour le développement durable. A propos de la 3D,Bernard Charlès,directeur général de Dassault Systèmes,explique de façon fort convaincante combien cette technique est une formidable alliée du développement durable :"Notre mission est simple : que tous les biens physiques soient conçus numériquement en 3D, avec des outils performants permettant de gérer et d'optimiser tant les produits que leurs processus de fabrication(...). Le monde virtuel est au service de l'imagination. Il représente une formidable opportunité d'apprendre, de découvrir et de partager différemment, bref d'expérimenter dans un monde propre et qui autorise l'erreur, d'envisager l'impossible. Et ceci afin que notre monde, bien réel lui, évolue grâce à des produits meilleurs pour l'homme et meilleurs pour l'environnement." Quel meilleur plaidoyer que cette déclaration en faveur de la réconciliation entre innovation et développement durable ?

Mai 1968 semblant revenir à la mode dans les discours, concluons en disant qu'à la posture "retour au Larzac"on préférera affirmer haut et fort : "innovation et développement durable, même combat"!


Notes

(*) www.e-mergences.net ; La Fabrique du futur :www.lafabriquedufutur.org

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