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Revue des Marques - numéro 59 - Juillet 2007
 

Quand le consommateur vient à la marque

Devant la volatilité des consommateurs et la fragmentation des médias, le site internet constitue un véritable “hub” marketing au service de la marque et de ses clients.

Propos recueillis par Laurent FLORÈS, Fondateur et dirigeant de CMRMETRIX*.



Quand le consommateur vient à la marque
Le “consom'acteur”, devient plus que jamais central dans la vie, voire la survie des marques. Ce constat s'est encore récemment vérifié lors des premiers résultats du baromètre de l'écoute et de la participation(1) où, pour les internautes français, les entreprises affichent un net déficit d'écoute avec un indice d'écoute de - 40. Les marques qui leur appartiennent s'en sortent certes mieux avec un indice d'écoute de - 10, mais il n'en demeure pas moins que les Français connectés sont en forte attente de considération, de respect, et d'écoute. Ils traduisent d'ailleurs cette frustration par le sentiment d'une fausse écoute, ou plutôt d'une écoute intéressée, celle où la démarche marchande de la marque devient, selon eux, trop exacerbée. Sans remettre en cause la volonté de profit de la marque, une meilleure interactivité lui permettrait de mieux satisfaire ses publics et d'asseoir encore plus sa légitimité. Internet, et plus spécifiquement le site Internet de marque est, en ce sens, idéalement placé pour servir ces objectifs. Plus encore, il devient un véritable “hub marketing” capable de piloter au mieux la destinée des marques.
Internet, et plus spécifiquement le site Internet de marque devient un véritable “hub marketing” capable de piloter au mieux la destinée des marques.
Quand le consommateur vient à la marque

Contacts : de la quantité à la qualité

Le marketing de masse fait généralement la part belle aux stratégies dites de volume, où l'objectif est de “vendre le plus de produits possible au plus grand nombre de consommateurs”. Il en résulte une stratégie média où le nombre de contacts sera généralement privilégié au détriment de la qualité de contacts des cibles touchées. Cette stratégie, même si elle s'avère efficace, l'est de moins en moins. En effet, l'ensemble des professionnels des médias s'accordent à dire qu'aujourd'hui l'efficacité média coûte de plus en plus cher et doit faire face d'une part à une forte “volatilité” de l'individu, plus avare de son attention, et d'autre part à la fragmentation de la consommation des médias. Dans ce contexte, les modèles classiques de media planning atteignent leurs limites, avec un fort risque de saturation des individus. A l'inverse, le consom'acteur est à la recherche de contacts de plus en plus privilégiés avec les marques qu'il considère et n'hésite pas à contacter lui-même les marques avec lesquelles il souhaite entretenir et développer une relation plus personnalisée. Aujourd'hui, nombreux sont les moyens pour le faire, du call center à Internet et au site de marque en particulier. Dans tous ces exemples, ce n'est bien sûr plus la marque qui cherche à contacter l'individu mais l'inverse : c'est le consommateur qui vient vers la marque.Ce contact ne peut dès lors plus simplement se valoriser en termes de nombre ou de quantité mais doit également et surtout s'évaluer en termes de “qualité”. Il n'est alors pas surprenant de constater que les sites de marque sont des points de contact à forte valeur puisqu'en moyenne 85 % des visiteurs sont des clients ou prospects en forte affinité avec la marque ou les catégories de produits dans lesquelles la marque est présente(2). Le site est donc un point de convergence exceptionnel qui attire les clients les plus intéressants d'une marque à savoir ceux qui dépensent le plus (loi du 20/80) mais aussi les plus leaders d'opinion, puisque les sites de marque ont tendance à sur-représenter (3 à 4 fois plus) leur présence. Il devient dès lors possible d'imaginer que le seul marketing de la quantité doit laisser place un marketing de la qualité de contacts qui visera à mieux cibler les clients et prospects à forte valeur en leur proposant de développer une relation durable et plus personnalisée dans le temps autour d'un thème fort.C'est le cas, par exemple, de la stratégie déployée par Danone et son site relationnel “Danone etVous”(3) qui,selon Franck Riboud, offre une alternative de plus en plus intéressante à la seule publicité TV “car plus le coût du GRP augmentera, plus se développeront de nouvelles formes de communication”. C'est alors clairement la qualité du contact que l'on cherche à développer et à valoriser. Notre expérience en ce début d'année 2007 confirme cette tendance auprès des sociétés de la grande consommation, qui, plus que jamais challengées par les marques de distributeurs, sont en recherche de contacts plus intimes avec leurs meilleurs clients. Un excellent point de départ nous semble leurs sites de marque qui jusqu'ici étaient trop mis de côté pour leur soit disant manque de “couverture”ou de quantité de contacts générés… Les temps changent… pour le meilleur des marques et de leurs consom'acteurs !

Le site de marque, point central d'un marketing du push et du pull

Le point de contact“naturel”que représente le site de marque (les gens y viennent librement, au contraire de l'exposition forcée que leur imposent les médias traditionnels) en fait un véritable point de convergence incontournable, où, à tout moment, le consommateur intéressé ou curieux peut venir se renseigner, en savoir plus, échanger, voire s'engager plus encore dans sa relation à la marque. Qu'il vienne naturellement ou qu'il soit poussé par une publicité TV, un packaging, une opération promotionnelle online ou offline, la recommandation d'un ami, le site de marque semble de loin le point de contact qui offre le meilleur ROI. Il est pour certains annonceurs un maillon-clef dans l'intégration d'un marketing du pull plutôt que du push : “Consumers are more participative and selective and the trend from push to pull is accelerating” (A.G. Lafley, P&G). La réalité est plutôt faite d'une juste combinaison de push & pull. Le site de marque est le relais de l'ensemble de la stratégie médias “pousse” les consommateurs vers la marque et qui les invite ensuite à devenir consom'acteurs. Le consom'acteur peut alors aider la marque soit en diffusant autour de lui et alors enclencher un bouche à oreille positif, soit en donnant son avis sur le récent lancement d'un produit par exemple,soit en allant plus loin encore en mettant à disposition son temps et ses idées pour inventer, co-créer avec la marque et ainsi donner libre cours à son imagination. Dans chacun de ces rôles, le consom'acteur n'est pas forcément le même type d'individu. Le site a le grand mérite d'attirer des individus aux profils complémentaires puisqu'il séduit des consommateurs leaders d'opinion, innovateurs et créatifs. Il est aujourd'hui possible de les identifier (voir par exemple les travaux de Rogers (1983)(4) remis au goût du jour par le best seller de Malcom Gladwell,The Tipping- Point) et donc d'envisager le marketing en impliquant ces individus à chacune des étapes clefs du développement d'un produit ou plus simplement d'une communication ou d'une opération promotionnelle. Chacun de ces consom'- acteurs pouvant intervenir tour à tour dans la conception (pour les créatifs et innovateurs) ou dans la diffusion (pour les leaders d'opinion). Dans tous les cas, le site de marque aura joué ou jouera un rôle-clef pour recruter ces individus, diffuser du contenu à caractère viral ou encore servir de tête de pont pour permettre à la marque de “marketer”avec le consommateur plutôt que vers le consommateur seulement.

Le site de marque est le relais de l'ensemble de la stratégie médias qui “pousse” les consommateurs vers la marque et qui les invite ensuite à devenir consom'- acteurs.

Trois cas d'école

Quand le consommateur vient à la marque
La première initiative fait référence à la société Dell qui,avec son site www.dellideastorm, offre à ses utilisateurs la possibilité de partager des idées, des avis (positifs ou négatifs). Lancé le 16 février 2007, le site a suscité plus de 2 000 idées, et près de 4 500 commentaires(5) en une dizaine de jours. Certaines de ces idées sont vraiment intéressantes et capables de faire progresser la marque tout en fortifiant la communauté des utilisateurs Dell. L'ouverture de la société est à méditer et à encourager : c'est moins la nature du feedback qui est à retenir que le courage de Dell “pour s'ouvrir”. Trop souvent en effet, il nous semble que les responsables de marque “ont peur”. Notre expérience montre à l'inverse que “fermer la porte” ne fait qu'accentuer le sentiment de frustration des individus qui, dès lors, diffuseront leur mécontentement ailleurs. Il est, dans ce cas, préférable de localiser cette insatisfaction sur un site dédié que de laisser la blogosphère s'en emparer, la marque n'ayant dès lors plus aucun contrôle de la conversation. Les marques doivent laisser libre cours aux conversations d'abord chez elle (sur leurs sites ou plateformes dédiées) pour maximiser leurs chances d'être dans la conversation et de pouvoir en bénéficier…

La deuxième initiative est celle de la société américaine Intuit. Cette société développe depuis plus de vingt ans des logiciels de comptabilité et finance pour les PME mais aussi les particuliers avec des produits phares tels QuickBooks ou TurboTax. La démarche communautaire mise en place depuis déjà deux ans par Scott Wilder, initiateur et responsable de la communauté online des utilisateurs de QuickBooks(6),compte plusieurs dizaines de milliers de membres, et leur permet de partager avis et astuces pour résoudre leurs problèmes et questions. Selon Scott Wilder, c'est le seul objectif de la communauté QuicBooks Group. Aujourd'hui plus de 75 % des questions et problèmes sont résolus par les utilisateurs eux-mêmes, et cet échange est une source d'idées riche pour la société. Le ROI occasionné par les idées mises à jour pour améliorer les produits, le bouche à oreille généré mais surtout la démarche facilitatrice et d'ouverture d'Intuit pour faire participer et fidéliser ses clients font de la société un exemple et contribuent fortement à sa croissance. Le troisième exemple est tout aussi intéressant puisqu'il fait référence à un produit à priori moins impliquant que ceux cités précédemment :la marque Nutella et sa communauté MyNutella (my nutella The community ; www.mynutella.com). Cette initiative est doublement instructive car elle concerne un produit de consommation courante mais illustre bien également la montée en puissance du “marketing tribal”(7). Partant du principe que Nutella est un produit convivial par excellence la société Ferrero a décidé, en 2004, de favoriser l'émergence d'une communauté - au niveau italien au départ, plus récemment en France - de passionnés de Nutella. Le projet était bien sûr ambitieux puisqu'il renversait la relation entre la marque et le consommateur, un signe clair d'ouverture (au sens des propos de A.G Lafley), car dans ce cas c'est le consommateur qui devient le protagoniste et l'artisan de la relation. En effet, pour Ferrero(8), cette initiative doit permettre à terme : l'alimentation du mythe Nutella (l'existence de la tribu témoigne et certifie des valeurs symboliques de la marque) ; la captation des signaux faibles, mais spontanés,émis par la frange la plus proactive des fidèles à la marque ; le dialogue avec la tribu permettant l'activation instantanée de feedback de la part du marketing (réactions et réponses) ; le développement d'un point d'appui de plus en plus opérationnel pour initier des actions offline comme des évènements et initiatives locaux ; le développement de nouvelles formes de business.
Nous ne disposons à ce jour pas de retour d'expérience précis sur l'impact de cette initiative, mais le lancement récent du même type de démarche en France laisse supposer un retour sur investissement encourageant. Ces trois exemples complémentaires mettent en avant l'importance et l'opportunité du développement d'un “marketing du lien”où le site Internet de marque joue un rôle-clef, car il est et devient un point naturel de convergence et de ralliement de consommateurs en recherche d'échange.

Notes

(*) Spécialiste de l'écoute client sur Internet. Docteur en Sciences de gestion, Laurent Florès (lflores@crmmetrix.com) enseigne dans différentes écoles de commerce en France et aux Etats Unis.
(1) Baromètre de l'écoute et de la participation, Crmmetrix et Thierry Maillet, mars 2007 (www.customerlistening.typepad.com).
(2) Ces résultats sont fournis par la banque de données SiteCRM (www.crmmetrix ) qui regroupe à ce jour plus de 6 millions de cas observés.
(3) Benoit Julien, Danone et Vous, la marque relationnelle à l'ère Internet, La revue des marques, n°54, avril 2006.
(4) Rogers (1983), Diffusion of Innovations, The Free Press (3rd Edition).
(5) http://www.prweek.com/us/sectors/technology/article/636229/Dell-provides-itsusers- forum-share-ideas/
(6) Voir : http://www.quickbooksgroup.com/
(7) Cova, B. et Cova, V. (2002), “Tribal Marketing : The Tribalisation of Society and its Impact on the Conduct of Marketing”, European Journal of Marketing,Vol. 36, N°5/6, pp. 595-620.
(8) Nous invitons les intéressés à consulter l'excellent article de B. Cova et S. Pace, “Tribal Branding sur le Net : le cas my nutella The Community”.
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