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Revue des Marques - numéro 58 - Avril 2007
 

La Grande-Bretagne donne le La

En matière d'enquêtes et de marketing ethnique, la Grande-Bretagne se distingue par l'absence d'interdiction légale et de préjugés. Un modèle à suivre ?

Propos recueillis par Anjul SHARMA, SYNOVATE*.



La Grande-Bretagne donne le La
L'Europe est désormais une région du monde,multiculturelle, habitée par de nombreuses communautés ethniques distinctes. Mais tous les pays européens ne réagissent pas de la même façon à ce phénomène. En France, par exemple, l'identité républicaine transcende toutes les autres identités et aucune donnée d'ordre ethnique n'est compilée. Ce n'est pas le cas de la Grande-Bretagne où il n'existe pas de préjugé ou d'interdiction légale sur les études faisant intervenir les différences ethniques. Nous nous autorisons à interroger les gens sur leur pays d'origine (et celui de leurs parents), sur la province dont ils sont issus, sur leur religion, leur maîtrise de l'anglais, leur degré d'intégration dans la société britannique et sur leur origine ethnique. Cela ne choque personne. Et grâce à cela, nous pouvons créer des produits, des services et des types de communication précisément ciblés en direction de telle ou telle population ethnique différenciée.

Connaître pour comprendre

A quoi tient cette différence britannique ? Plusieurs raisons peuvent l'expliquer. Sur le plan historique, il y a toujours eu un lien fort entre le Royaume-Uni et l'ensemble de ses anciennes colonies regroupées au sein d'une entité au nom évocateur, le Commonwealth (la “richesse commune”). Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement britannique a beaucoup encouragé les citoyens de ses colonies à venir travailler en Grande-Bretagne. Arrivés en métropole, ils ont toutefois été victimes de discriminations raciales importantes. C'est dans les années 1970 que les tensions ont été les plus fortes, avec des émeutes dans les quartiers abritant les communautés ethniques et la montée du National Front (parti nationaliste d'extrême droite). Comprenant qu'il était urgent de surveiller et de gérer les relations entre communautés pour éviter les tensions, le gouvernement décida alors de limiter l'immigration. Il fallait également mieux analyser les besoins respectifs des communautés puis les accompagner en matière de logement, d'éducation, d'emploi,de santé et d'organisation politique.C'est ainsi qu'en Grande-Bretagne la problématique de l'harmonie de la société civile, assise sur la gestion des migrations et des communautés, impliquait de connaître les différentes populations, de reconnaître leurs identités distinctes et de communiquer et de travailler avec elles de façon pertinente et attractive.

En France, par exemple, l'identité républicaine transcende toutes les autres identités et aucune donnée d'ordre ethnique n'est compilée.

La maîtrise de la langue

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Comment ces principes sont-ils mis en oeuvre ? Depuis un siècle, le questionnaire de recensement national officiel du Royaume-Uni comporte une question sur le pays d'origine, mais en raison des tensions entre communautés ethniques, il sembla clair qu'il fallait aller plus loin et poser plus de questions de cet ordre. C'est en 1991 que les questions complémentaires sur l'ethnicité furent ajoutées au questionnaire. En outre, au niveau du terrain, le gouvernement a voulu faciliter l'installation des communautés d'immigrants au Royaume-Uni, les encourager à apprendre l'anglais et à utiliser leurs compétences propres, et les aider à s'intégrer à la société britannique. C'est dans ce contexte que s'inscrit l'organisme semi-public Learndirect Advice. Sa mission est de fournir des informations et conseils gratuits et impartiaux sur les opportunités de formation dans les langues suivantes : hindi, punjabi, ourdou, sylheti, gujarâtî, polonais, farsi et français (à l'intention des locuteurs arabes et africains). Ce faisant, il contribue à lever un obstacle majeur à l'aide et à la formation, à savoir la non-maîtrise de la langue anglaise.

Les études de Synovate ont montré que les membres de ces communautés sont très demandeurs de services de ce type qui leurs ouvrent des possibilités ; ils en retirent aussi le sentiment que les autorités font un réel effort pour les aider à s'intégrer dans la société britannique. C'est d'autant plus important qu'un certain nombre d'entre eux viennent de régions du monde qui sont en guerre ou plongées dans la détresse. En Grande-Bretagne, nous disposons aussi d'une administration spécialisée, le Central Office of Information, qui effectue des enquêtes pour le compte de différents organes gouvernementaux afin de les aider à développer des campagnes de communication et à choisir les bons supports, afin de les faire bénéficier de conseil stratégique en la matière. Sa connaissance et sa compréhension des différentes communautés ethniques sont très poussées et cette administration est aussi un des principaux clients d'études externes sur les questions ethniques.

Implication des entreprises

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Quel bilan peut-on tirer de l'action gouvernementale sur ce plan ? Cette action a largement conditionné notre regard et notre attitude vis-à-vis de la question des différences ethniques. D'ailleurs, ce n'est plus seulement l'administration publique qui recueille des données ethniques et lance enquêtes et études sur le sujet. Des entreprises, notamment dans le secteur de la bancassurance et du service financier ou encore du côté de la grande distribution, cherchent à savoir comment mieux faire passer leur message et vendre leurs produits et services auprès de populations ethniques différenciées. Ainsi, l'un de ces acteurs, la Banque Islamique de Grande-Bretagne, a lancé récemment la première gamme de services financiers intégralement conforme à la Charia. En d'autres termes, leurs produits respectent la loi islamique et ils n'investissent dans aucun domaine prohibé par elle, par exemple les jeux et paris. Dans ce contexte, il a été demandé à Synovate d'enquêter auprès des principales communautés musulmanes de Grande-Bretagne (Pakistanais, Bangladais et Arabes) pour mieux juger de leur intérêt pour une telle offre de services financiers conformes à la Charia.

Que pouvons-nous en conclure ? Il est évident que le recueil de données ethniques ne pose pas de problème et est bienvenu en Grande-Bretagne. Différentes raisons historiques, sociales et politiques expliquent cet état de fait, mais ce qui est le plus marquant, c'est que nous jugeons que l'égalité réclame un suivi, des enquêtes, des analyses et qu'il ne faut pas la considérer comme un acquis indiscutable et immanent. Les autorités ont joué dans cette affaire un double rôle crucial :d'abord au niveau macro-social et ès qualité, au travers du recensement, et deuxièmement à un niveau plus proche des gens, grâce aux conséquences de diverses initiatives allant dans le même sens sur leur vie quotidienne. Les entreprises privées ont également pris leur part dans ce mouvement. Et à chaque fois qu'elles ont essayé de mieux comprendre les diverses communautés ethniques, elles en ont récolté des bénéfices tangibles. Quand on mesure les tensions actuelles qui animent les différentes communautés en Europe,on peut penser que cette politique est celle qui est le mieux à même de nous permettre d'aller de l'avant.

Notes

(*) Synovate, filiale du groupe Aegis, opère dans cinquante pays et publie tous les ans, depuis douze ans,“The U.S. Diversity Markets Report”.
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