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Revue des Marques - numéro 55 - Juillet 2006
 

Réconcilier le sain, le naturel et le goût

Research International a réalisé une étude de fond pour mieux cerner la perception et les attentes des consommateurs quant à l'alimentation santé. Trois types de consommateurs apparaissent : les accros, les hédonistes et les contraints.

Propos recueillis par Béatrice MACCARIO*.


Réconcilier le  sain, le naturel et le goût
Nous avons rencontré en tables rondes environ 80 consommateurs français, de 25 à 65 ans, hommes et femmes, impliqués à des degrés divers dans l'alimentation santé : certains assidus de compléments alimentaires et d'alimentation supplémentée ou de produits anti-cholestérol, d'autres plus modérés quant à la consommation de ce type d'alimentation. Tous étaient intéressés par une alimentation saine leur permettant de prendre soin de leur bien être et de leur santé, soit un échantillon assez représentatif des Français d'aujourd'hui. Dans nos interviews experts, nous avons veillé à faire appel à des expertises complémentaires, à savoir : un institutionnel, un avocat expert en réglementation, un médecin nutritionniste, un designer (pour l'aspect étiquetage et communication on-pack), un psychiatre et un sociologue.
Alimentation santé et étiquetage nutritionnel

Étant donné la date du terrain de l'étude (1er semestre 2005), nous avons testé différents systèmes de labellisation nutritionnelle bien avant l'avancée des débats nationaux et européens actuels : notamment “la serrure verte” suédoise, le label “Healthy choice” et les “Traffics lights” (en version simple et détaillée) de la FSA ainsi que les GDA lancés lancés à l'époque par Kellogg's en Angleterre et diverses allégations sur des packagings français. Les réactions des consommateurs ont été très intéressantes : D'une part, une large adhésion au principe d'un label simple de guidage en face avant sur les produits jugés favorables à l'équilibre alimentaire. D'autre part, un rejet relatif des “Traffics lights” anglais, uniquement focalisé sur le rejet du symbole feu rouge trop signifiant d'un danger, d'une interdiction qui n'a pas sa place pour les consommateurs en alimentation santé. Enfin, tout ce qui peut relever d'une démarche trop visiblement “marketing”, sans relever d'une caution officielle, d'une réelle intégrité des composants ou du profil nutritionnel, est également parfaitement décodé. Au final, nous avons recueilli des avis étonnamment en phase avec les recommandations des associations de consommateurs.

Audrey Perardel, Directrice INCORPORESANO, Groupe Protéines

Cap sur la naturalité

Cette étude a permis d'identifier et de confirmer un certain nombre d'éléments fondamentaux. Le consommateur vit dans un stress croissant vis-à-vis de son alimentation (et cela commence dès l'état foetal pour la femme enceinte !) : stress de s'empoisonner (de la vache folle à la grippe aviaire), stress de développer des pathologies à plus ou moins long terme (quand le nocif est caché), stress de manger trop gras, trop sucré, stress de devenir obèse, stress de dérégler son métabolisme, stress de mal nourrir ses enfants, stress de perdre ses racines et le goût des choses… Rien d'étonnant à ce qu'il exige la traçabilité, l'innocuité (c'est-à-dire a minima sans colorant ni conservateur), du non chimique/non trafiqué, du naturel, de l'équilibre avec du plaisir multisensoriel. Deuxième constat : la maturité du consommateur face à son alimentation est un fait acquis à présent. Les grands principes diététiques sont connus et il a intégré la nécessité d'équilibrer et de varier son alimentation : moins de viande, plus de poisson, légumes et féculents sans trop de gras, fruits et laitages. La plupart des “ingrédients” bénéfiques sont connus : calcium et magnésium bien sûr, fer, les différentes vitamines, les Oméga 3 aussi (pas encore les Omega 6…), oligo-éléments, fibres, soja, antioxydant du thé vert, protéines. Est-ce à force d'avoir lu les régimes minceur dans les magazines féminins ? Est-ce l'effet du programme PNNS ? Quoiqu'il en soit, le consommateur est perméable aux promesses d'action possible de son alimentation et de ses choix alimentaires sur sa longévité, sa résistance physique, son apparence, son tonus, la réduction de certains risques…

Troisième constat : la naturalité exerce une véritable fascination auprès du consommateur : elle est synonyme de santé même si “rationnellement” l'ajout de conservateurs est utile pour prévenir tout risque bactériologique, de manière plus émotionnelle, celui-ci pense que ce qui vient de la nature, du terroir, avec le moins de transformation possible est un vrai produit sain, riche en nutriments bénéfiques, assimilable de manière adéquate par l'organisme. Le consommateur a l'impression qu'il y a cinquante ans, on consommait des produits plus naturels et moins sains (excès de gras, de sucre, nourriture trop riche) et qu'à présent, certes, on mange plus sain (dans le sens équilibré et contrôlé) mais moins naturel (trafiqué, avec des ajouts chimiques, avec conservateurs et exhausteurs de goût). Le consommateur est donc dans la quête de la réconciliation du sain et du naturel, et la crainte de perdre le goût des choses vraies/authentiques reste sous-jacente à tout discours sur l'alimentation.

Minceur et santé

Réconcilier le  sain, le naturel et le goût
La quatrième tendance fait émerger l'approche holistique de l'alimentation santé : le consommateur intègre aussi bien l'alimentation classique que le complément alimentaire ou certains médicaments anti-fatigue par exemple. Les frontières sont de moins en moins étanches, car pour parvenir au bien être et à l'équilibre on peut tour à tour : s'inspirer de la diète méditerranéenne, faire une cure de gélules stimulant le bronzage juste avant l'été, prendre à l'arrivée de l'hiver des compléments alimentaires pour renforcer sa résistance aux affections ORL (cf la propolis), passer par l'homéopathie pour apporter une solution anti-fatigue ou anti-stress… Tous les consommateurs ne sont pas dans ce cas de figure mais la tendance est clairement au mélange des genres avec le même objectif : être bien et si possible beau, durablement, pour “assurer” au quotidien et résister aux attaques du temps, du stress, de la pollution, de la vie moderne en général. Cinquième constat : le besoin d'allier alimentation et santé n'est certes pas récent mais il prend actuellement une tournure particulièrement valorisante socialement : ne pas chercher à se nourrir de façon saine et équilibrée n'est pas politiquement correct, cela sous-tend une mauvaise hygiène de vie, un laisser aller, un manque de prise sur son être et son devenir. Manger en excès, manger gras, sucré, salé est stigmatisé au même titre que boire de l'alcool ou fumer. N'oublions pas que la lutte contre l'obésité vient renforcer la croyance selon laquelle minceur et santé seraient intimement liées.
Le consommateur vit dans un stress croissant vis à vis de son alimentation… Rien d'étonnant à ce qu'il exige la traçabilité, l'innocuité (c'est-à-dire a minima sans colorant ni conservateurs), du non chimique/ non trafiqué, du naturel, de l'équilibre avec du plaisir multisensoriel.

Typologie

Trois types de consommateurs apparaissent en termes de perceptions et d'approches de l'alimentation santé. Les “accros” sont des consommateurs sans réel problème de santé mais qui accordent une importance particulière à la “belle machine” que peut être leur corps. Il est donc nécessaire pour eux d'entretenir, de réguler, d'optimiser le fonctionnement du métabolisme et l'apparence du corps. Ces consommateurs se rapprochent de la vision anglo-saxonne de l'alimentation (on mange avant tout pour donner au corps les nutriments dont il a besoin). On ne met pas de côté le plaisir mais il est conseillé d'associer le plaisir et l'apport nutritif : pas question de se nourrir sans qu'il y ait d'effet induit, le grignotage lui même doit être intelligent.
Les “hédonistes” se rapprochent de la philosophie plus latine de l'alimentation : manger contribue à une santé et un bien être global via le plaisir multi-sensoriel et la dimension sociale que cela représente. Dans cette approche, on écoute son corps, on lui donne ce dont il a envie, on se remet à cuisiner des bons petits plats, on les ritualise, on apprécie la bonne chère et quelques excès sont tolérés s'ils sont faits sans culpabiliser. Ce profil va typiquement compenser : le jambon beurre de midi par des légumes et laitages le soir ou encore “rattraper” durant le week-end une semaine durant laquelle on a consommé trop de gras ou de plats tout prêts. Enfin, les “contraints” sont une population plus senior ou de personnes ayant eu des soucis de santé. Le fait de surveiller son alimentation fait partie de l'hygiène de vie : on veut préserver ses acquis, éviter de dégrader sa santé, avoir la garantie d'innocuité des produits, pouvoir se soigner activement par son alimentation. Cette catégorie de consommateur sera friande de conseils/accompagnement, d'aliments/ingrédients qui aident à résoudre les problèmes de façon simple et naturelle. Des produits comme Danacol ou Pro-activ ont très bien su s'insérer dans le quotidien grâce à une forme produit familière et… chose importante pour cette cible, souvent avec la bénédiction de leur médecin généraliste. Quelles sont les attentes clés dans l'univers de l'alimentation santé ?
Renouer avec la naturalité et l'innocuité des produits, de l'origine des produits, de la préservation de leur intégrité ; repenser le profil nutritionnel des produits afin qu'ils soient intrinsèquement à teneur limitée en sucre, gras, sel, riches en ingrédients bénéfiques, des produits complets, des associations fibres et sucres lents, vitamines et oméga 3 ; avoir accès à une offre diversifiée et démocratisée en santé active : au service des pathologies les plus courantes, de l'amélioration de l'apparence, des performances mentales et physiques, de la lutte contre le vieillissement, contre le stress.

Ne pas chercher à se nourrir de façon saine et équilibrée n'est pas politiquement correct, cela sous-tend une mauvaise hygiène de vie, un laisser aller, un manque de prise sur son être et son devenir.

Quel(s) rôle(s) pour les marques ?

La marque reste référente dès lors qu'une innovation technologique ou scientifique est en jeu. Elle est une caution légitime si elle garantit la présence ou l'absence de certains ingrédients, le process de récolte ou de production. Néanmoins, les MDD étant de plus en plus crédibles (et légitimes si on parle de filière), il est important, si les marques souhaitent se différencier durablement, de revendiquer une philosophie et une approche nutritionnelle solide et concrète. En effet, dans ce domaine comme dans d'autres, à force de lancements de produits tous azimuts les offres se diluent, les déclinaisons s'accumulent et on a parfois le sentiment d'une santé fragmentée dans laquelle le consommateur doit faire son marché tant bien que mal.
Deux tendances semblent dignes d'intérêt :
l'accroissement de l'exigence consommateur en termes de composition et de santé-innocuité des produits doit inciter les marques à intégrer encore davantage des dimensions aptes à redonner du sens tels que l'éthique de production/commercialisation, le respect de l'environnement/développement durable, le commerce équitable, l'intégration de formes de production plus artisanales ou plus proches de la nature.
Deuxième tendance : compte tenu du potentiel de développement de l'alimentation “problem solving” ou fonctionnelle et de l'ancrage épicurien français, les marques devront savoir mettre au point des cocktails subtils capables d'afficher une efficacité à toute épreuve et de revendiquer une expérience sensorielle et gustative unique.

Notes

(*) Directrice du Département Qualitatif, Research International
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