Bien que virtuel a priori, le monde des jeux vidéos est aujourd'hui devenu un secteur économique bien réel. Il a représenté une activité génératrice de plus de 24 milliards de dollars dans le monde, en 2005. Et sa croissance est constante. Rien qu'aux États-Unis, son chiffre d'affaires est supérieur à celui du cinéma. Or, depuis le cheminement intellectuel précurseur de Ralph Baer au tout début des années 1950, en passant par le célèbre Pong de Nolan Bushnell en 1972, le jeu vidéo n'a cessé d'améliorer ses qualités techniques et graphiques. Une amélioration et un renouvellement de l'offre qui imposent des conditions économiques drastiques. Les coûts de production s'envolent, certains projets pouvant désormais dépasser 20 M$. Et parallèlement, l'espérance de vie d'un jeu est de plus en plus courte pour atteindre le seuil de rentabilité. Si plusieurs dizaines de nouveaux titres sont proposés chaque année, seule une poignée d'entre eux sont de véritables succès. Certains éditeurs de jeux vidéos ont alors eu l'idée de proposer à des annonceurs d'insérer leur logo, leur marque et/ou leurs produits dans leurs jeux vidéos. Les premières bannières publicitaires sont apparues modestement dans les jeux d'arcade au fil des années 1980. Mais désormais, un marketing “technologique” voit de plus en plus le jour, afin de penser stratégie de communication de marque numérique et plus simplement opérations promotionnelles ludiques ponctuelles. On le nomme parfois advergaming, contraction de advertising (publicité) et gaming (jeu). L'advergaming, qui consiste donc à insérer une marque ou un produit dans un jeu vidéo de manière passive ou active, peut aussi parfois conduire à la conception et à l'édition d'un mini jeu vidéo dédié à la marque (proposé sur son site Internet ou en téléchargement adapté le plus souvent au podcasting). L'advergaming est un élément d'une démarche stratégique plus vaste, en matière de communication de marque, et qu'il est désormais convenu d'appeler le branded entertainment, autrement dit la communication de la marque à l'aide de programmes de divertissement. Le placement de produits et de marques se retrouve donc désormais notamment dans les films, les livres, les émissions de télévision, les pièces de théâtre, les chansons et… dans les jeux vidéos.
Le placement numérique de marques source de financement n'est pas la seule motivation des éditeurs. Les marques sont naturellement évocatrices d'un univers de consommation, mais également d'un positionnement. Parce que nous vivons au quotidien dans un monde de marques, elles contribuent à offrir au jeu un complément de réalisme naturel. Lorsqu'un jeu d'action ou de conduite automobile se déroule dans une ville, des rues aseptisées de tout symbole de marque pourrait même paraître étrange. Dans le jeu Gran Turismo 4 (Sony-Polyphony Digital) par exemple, le pilote peut passer devant un cinéma UGC, une publicité Peugeot ou JVC, une boutique Esprit, un panneau publicitaire Virgin, un restaurant TGI Friday's… Le réalisme est un argument de vente pour les éditeurs. Dans Splinter Cell : Pandora Tomorrow (Ubisoft), le héros utilise un téléphone cellulaire P900 ou un T637 Sony Ericsson. Un détail qui est un point de contact réel entre le joueur et son héros et qui contribue à crédibiliser le jeu en l'ancrant dans une réalité qui est celle du joueur. Tous les grands tournois sportifs s'associent à des marques. Que des panneaux publicitaires pour Eden Park soient insérés sur les abords du terrain dans le jeu Rugby 06 (Electronic Arts) ou que des panneaux similaires pour Nike ou Champs Sports apparaissent sur ces mêmes abords pour Arena Football (Electronic Arts) cette fois, semble tout à fait naturel.
Lorsque les personnages du jeu 50 Cent : Bulletproof (VU Games) sont habillés avec des tenues G-Unit, cela paraît logique puisque c'est le nom de la ligne de vêtements du groupe de rap éponyme du chanteur 50 Cent, dont le jeu s'inspire. Par ailleurs, la finesse des graphismes ne cessant de s'améliorer, les avatars de pixels sont parfois conçus à l'image même de leur alter ego dans le monde réel. Les personnages du jeu 24 :The Game (Sony) ressemblent pixel pour pixel aux acteurs de la série 24 Heures Chrono dont il est tiré. On y retrouve des placements de marques automobiles similaires. Cette déclinaison à l'identique est encore plus vraie pour les jeux de sport. Pour Fifa 06 Soccer (Electronic Arts) le joueur a la possibilité de sélectionner de véritables professionnels du football, tels que Ronaldinho, Adu, Zidane, Beckham, Henry, Podolski, Raùl, Kakà… parmi plus de 10.000 avatars. Dans ce cas, il paraît logique de retrouver également les marques sponsors de leurs clubs ou de leurs équipes dans le jeu. Opel, Emirates, E-On, Adidas, Siemens, Gerling, Mazda, Powerade, Mastercard, Gillette, Philips, Vodafone, Fuji Film, Nike, Avaya, Mc Donald's, Hyundai, Carlsberg, Toshiba, Umbro ou Motorola par exemple, sont donc présentes tout au long des matchs, soit sur les abords du terrain, soit directement sur les maillots des joueurs.
Mais tous les jeux vidéos ne se prêtent pas au placement, car tous ne se déroulent pas dans un univers réel. On retrouve alors l'une des limites déjà rencontrées pour les placements dans les films. Certains se déroulent dans des univers parallèles, imaginaires, issus d'un passé lointain ou extra-terrestres, comme par exemple Tales of Phantasia (Namco), Pompéi : La colère du Volcan (Cryo), The Legend of Zelda (Nintendo) ou Star Wars Episode 3 (LucasArts - Activision). Dans ce cas, l'apparition d'une marque à l'écran semblerait vite incongrue, à l'évidence forcée. Elle serait mal acceptée par les joueurs, qui rejetteraient également le jeu. Les forums de discussion spécialisés peuvent alors devenir des armes redoutables à l'encontre de l'éditeur du jeu et contre la marque prestement condamnée. Mais cela ne concerne pas nécessairement pour autant tous les jeux d'anticipation. La science-fiction n'est pas pour déplaire à la marque, bien au contraire. En apparaissant dans un jeu dont l'action se situe dans le futur, la marque envoie un signal au terme duquel elle sera toujours présente dans l'univers de consommation. Dreamweaver et Lexus notamment apparaissent dans Minority Report (Activision). Comme pour un placement dans un film, il importe juste que le produit soit différent de celui que le joueur connaît au quotidien afin d'évoquer le futur, tout en conservant les codes d'expression de la marque pour qu'elle soit identifiée.
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