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Revue des Marques - numéro 54 - Avril 2006
 

Blogosphère, un vent de renouveau sur le web

La communication institutionnelle et le marketing de masse doivent dorénavant compter avec un nouveau mode de communication : la blogosphère.

Entretien avec François Nonnenmacher, auteur de Blogueur d'entreprise*. Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.



Comment expliquer l'ampleur du phénomène blog ?

François Nonnenmacher : Le désir de s'exprimer est le facteur moteur. En abaissant les barrières techniques et financières de la publication sur Internet, les blogs ont offert un moyen facile à des millions de gens de publier des textes, des sons, des images, des vidéos… et à un nombre encore plus grand d'internautes d'en discuter, d'échanger entre eux. Les blogs marquent l'entrée dans l'ère de la publication personnelle sur Internet. Selon le moteur de recherche Technocrati, un nouveau blog est créé dans leur index chaque seconde environ, soit 70 000 blogs par jour. Si Internet est devenu un vaste café du commerce planétaire, les blogs en sont le zinc. Le blogging peut être analysé comme un aboutissement de la civilisation de la personne. L'individu ne veut plus être simplement “représenté”, que ce soit par un média, un parti politique, un syndicat ou par sa direction de la communication. Il veut se faire entendre en tant que tel, pour lui-même et par lui-même.

De log à blog

Log : carnet de route, journal. Jorn Barger invente le mot weblog en décembre 1997 et Peter Merholz le transforme en “we blog” en avril 1999, lui donnant en anglais le statut de verbe (to blog) et de nom commun (blog).

Quelles sont ses spécificités par rapport au site web ?

F.N. : Les blogs sont des sites web, avec, en général, un format de type journal où les articles les plus récents apparaissent en premier et sont accompagnés des commentaires des lecteurs et de liens vers d'autres sites. Dans la majorité des cas, un blog est tenu par un ou plusieurs auteurs clairement identifiés (il y a une voix). La vague des blogs a fortement contribué à populariser et à démocratiser RSS (Really Simple Syndication), méthode qui permet d'être alerté en temps quasi réel qu'un site vient d'être mis à jour.

Avec son blog, le consommateur peut-il exercer un nouveau pouvoir ?

F.N. : Le consommateur-internaute peut exercer une influence certaine comme l'illustre le cas de la société Kryptonite, fabricant d'antivols pour deux roues. Le 12 septembre 2004, un internaute indique dans un forum de discussion qu'il est possible d'ouvrir un modèle de la société avec un simple stylo-bille et une vidéo montre comment le faire. Après avoir éluder le problème en proclamant que ses produits étaient efficaces, la société Kryptonite finit par annoncer un programme de rappel avec échange gratuit de tous les antivols défectueux, soit 100 000 pièces. La société estimera à dix millions de dollars la perte financière d'un fiasco médiatique qui aura duré dix jours(1). Un sport national aux Etats-Unis consiste à viser les premières places dans une recherche de type “Untel sucks” (Untel craint) pour exprimer son avis, parfois de manière virulente, sur telle ou telle marque. Citons le cas de Dell qui décida en 2005 de fermer ses forums de discussion, jugés souvent trop critiques sur la qualité des produits et du service après-vente. En ces temps où les clients veulent de plus en plus de transparence, mal lui en a pris car les blogs “Dell sucks” se sont multipliés obligeant le constructeur à revenir très vite sur ses positions.

Le blogging peut être analysé comme un aboutissement de la civilisation de la personne. L'individu ne veut plus être simplement “représenté”, que ce soit par un média, un parti politique, un syndicat ou par sa direction de la communication. Il veut se faire entendre en tant que tel, pour lui-même et par lui-même.

Comment la marque doit-elle réagir en cas de rumeurs ou d'appel au boycott ?

F.N. : Je ne pense pas que les blogs bouleversent complètement la communication de crise. Cependant, ils sont un nouvel espace qu'il faut suivre et dans lequel il vaut mieux aussi agir, avec sa dynamique propre, souvent très, voire trop rapide qui exige un exercice délicat à la fois de réactivité, de transparence et de prudence. Il me semble que le boycott est toujours interdit en France. Cependant je mettrais en garde une entreprise qui voudrait sortir de suite des arguments juridiques pour intimider un blogueur, sauf cas flagrant et indéfendable (diffamation). La blogosphère peut générer très rapidement une énorme contre-publicité.

Quelles sont les règles qu'une entreprise doit respecter pour avoir un blog efficace ?

F.N. : L'entreprise ne doit surtout pas créer son blog uniquement parce que c'est “à la mode” ! Elle ne doit pas se lancer sans connaître le terrain, les pratiques et surtout sans avoir une bonne raison de le faire, à commencer par des objectifs clairs pour lesquels le blog est l'outil et/ou le canal adapté. On peut parfaitement utiliser un système de blog comme un simple outil de publication dans un site web. Créer un blog grand public avec commentaires en espérant engager un dialogue avec ses clients est une autre affaire. L'entreprise doit respecter les règles de transparence, d'honnêteté, d'authenticité, de spontanéité et d'ouverture dans la communication et le dialogue. Elle doit éviter de plaquer les vieilles recettes publicitaires et marketing

Blogosphère, un vent de renouveau sur le web

Comment la marque peut-elle utiliser le blog pour communiquer différemment et mieux toucher sa cible ?

F.N. : Personnellement, je ne crois pas qu'une “marque” communique. Une marque c'est l'idée que se font les gens d'une entreprise, d'un produit, d'un service. Je ne crois pas au succès des “blogs de marque”, aussi creux et désincarnés que les publi-reportages. Le Journal de ma peau (Vichy) a commencé avec cette croyance : on plaque un publi-reportage sur un blog avec une consommatrice fictive, elle même étant sensée représenter la consommatrice “moyenne” du produit, soit une double fiction ! Je crois en revanche aux blogs tenus par des professionnels identifiés qui s'expriment naturellement, engagent leur réputation, s'ouvrent au dialogue et réagissent au feedback qu'ils reçoivent. Lorsque Vichy a compris son erreur et clairement joué la transparence sur qui écrit quoi, chef de produit ou consultant ou utilisatrice, les conflits d'intérêts étant clairement dévoilés, l'essai a pu être transformé sur quelque chose de concret et de vrai. Au nombre des bons exemples, citons La Fraise ou Photoways avec leur blog respectif : tout leur marketing passe par ce canal. Ils n'ont absolument pas besoin de moyens artificiels comme des panels clients, ils communiquent directement avec leurs clients, et surtout font concrètement quelque chose avec le feedback qu'ils reçoivent ! Montrer à ses clients qu'on les écoute et qu'ils participent réellement à faire évoluer les choses, c'est infiniment mieux que de leur vendre le fruit d'une étude sur panel fermé en leur disant “c'est ça qu'il vous faut”. Les blogs peuvent s'avérer un outil très efficace pour cela(2).

Montrer à ses clients qu'on les écoute et qu'ils participent réellement à faire évoluer les choses, c'est infiniment mieux que de leur vendre le fruit d'une étude sur panel fermé en leur disant “c'est ça qu'il vous faut”. Les blogs peuvent s'avérer être un outil très efficace pour cela(2).

Faut-il une charte des blogs d'entreprise ?

F.N. : Oui, absolument ! Dans le cas général, en France, une entreprise ne peut pas interdire à ses employés de bloguer, elle a donc tout intérêt à expliquer les règles du jeu, ce qu'il ne faut pas faire (par exemple publier des informations confidentielles, se moquer bêtement des concurrents, les règles de communication financières dans le cas d'une entreprise côtée en bourse, etc.) et les conséquences en cas de problème. Mais surtout elle doit en profiter pour expliquer l'utilité du blog, être pédagogue et proactive quant aux bénéfices qu'elle peut en tirer. Les chartes de Sun et IBM disent clairement à leurs salariés qu'elles attendent d'eux qu'ils portent fièrement le flambeau de leur marque au profit du business !

Le blog expert, un nouveau métier dans l'entreprise ?

F.N. : Intuitivement je pense que ce serait une erreur. Cette idée me fait penser aux Knowledge Managers et à la gestion uniformisée et centralisée des connaissances, où les vrais acteurs ont peu ou prou démissionné au profit de quelques gardiens du temple. Le blog est un nouvel outil pour l'expert dans l'entreprise ! C'est un outil tellement simple et peu cher qu'il devrait être disponible pour quiconque peut en avoir besoin au même titre que l'email. Il n'y a pas d'email expert au sein des entreprises !

Notes

(*) Blogueur d'entreprise, Editions d'Organisation, 2006. François Nonnenmacher dirige la communication en ligne du groupe Capgemini.
(1) http://www.intuitive.com/blog/debunking_the_myth_of_kryptonite_locks_and_ the_blogosphere.html
(2) Sir Francis Mackay Chairman of Compass Group
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