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Revue des Marques - numéro 53 - Janvier 2006
 

La Chine(1), poids lourd du luxe mondial ?

Il y a vingt ans, Deng Xiaoping libéralisait l'économie chinoise. Aujourd'hui, la Chine est considérée comme le futur plus grand marché du monde. La banque Merril Lynch vient de consacrer une étude "le tour d'horizon du luxe : entrez chez le dragon" 1.

Propos recueillis par Charlotte GUIBERT.



Comme le dit un vieil adage chinois : "Les trente premières années se passent à ne pas pouvoir se réveiller, les trente suivantes à ne pas pouvoir s'endormir". Il semblerait que la Chine soit aujourd'hui entrée dans la deuxième phase. Selon une étude de Merrill Lynch parue en septembre 2005, le nombre de Chinois disposant d'un revenu supérieur à 30 000 dollars (24 700 euros) par an serait de 5 à 10 millions, soit 0,3 % de la population chinoise. Sachant que le prix des biens et des services étant plus faible en Chine, ces consommateurs chinois ont le niveau de vie d'un Américain disposant d'un revenu de 140 000 dollars par an.
Si l'on prend en compte une population chinoise comptant près de 236 000 millionnaires en dollars et une croissance économique de 9,5 % loin des chiffres moroses de l'Europe, on obtient un nombre de riches chinois qui ne cesse d'augmenter et un territoire économique en pleine expansion. Un effet "boule de neige" que certains ont compris il y a quelques années déjà. En témoigne l'estimation de la banque d'affaires : "Nous croyons que les Chinois pourraient devenir les clients numéro un pour les biens du luxe dès 2009, en générant 24 % des ventes du secteur, par rapport aux 11 % d'aujourd'hui". Bien que le marché du luxe soit en grande partie lié aux marchés américain et japonais, la Chine et les marchés émergents (Russie et Inde) deviennent extrêmement significatifs pour le secteur des produits du luxe.
Certes, le pouvoir d'achat des Chinois est plus faible que celui des Japonais, mais le marché est moins occupé dans certaines catégories de produits. Comme le Japon il y a une vingtaine d'années, la Chine grandit, à mesure que s'accroît sa fascination pour les marques de luxe occidentales.

Nous croyons que les Chinois pourraient devenir les clients numéro un pour les biens du luxe dès 2009, en générant 24 % des ventes du secteur, par rapport aux 11 % d'aujourd'hui.

"Parce que je le vaux bien"

Le continent de Confucius et de Mao Zedong attire les marques de prestige. L'objet de luxe, symbole du statut social, est de plus en plus demandé. La Chine ne détenant, à ce jour, pas de marques de luxe, les marques étrangères trouvent en cet eldorado un puissant territoire à conquérir. L'achat de ces produits est synonyme de plaisir, de récompense et d'individualité. Autrefois qualifié de "masculin", le marché du luxe chinois compte sur de nouveaux consommateurs : les femmes et les jeunes. "Au début des années 1990, les hommes ont pu représenter pour à peu près 90 % des ventes de biens de luxe. Aujourd'hui, Vuitton annonce que plus de la moitié de ses ventes en Chine sont faites par des femmes", souligne l'étude Merrill Lynch.
Le consommateur chinois est urbain et jeune (entre 25 et 40 ans). Sur le milliard 300 millions de Chinois, 65 % ont moins de 40 ans, et 39 % moins de 24 ans. Alors qu'en Europe, les principaux consommateurs des biens de luxe ont entre 40 et 70 ans, les consommateurs chinois ne dépassent pas la quarantaine et constituent une large cible. Autre avantage : la tranche d'âge des 20-34 ans. Alors que "seulement" 27 millions de Japonais entrent dans cette classe d'âge, ils sont 320 millions de Chinois à constituer une cible potentielle pour le luxe. Cette population jeune séduit les grandes marques occidentales qui voient en elle l'assurance d'une pérennité certaine du luxe en Chine. Plus encore qu'en Europe, les jeunes de moins de dix ans constituent une cible de choix pour le luxe. La hausse du pouvoir d'achat favorise l'accroissement du nombre des consommateurs du luxe et attire les conglomérats multimarques, signes distinctifs de richesse et de réussite sociale.



La Chine(1), poids lourd du luxe mondial ?
Sources : Company Data & Merrill Lynch Luxury Goods Team - fiscal 2004 Data.

Premier arrivé, premier servi

Les accessoires, les spiritueux, les cosmétiques et les bijoux… Autant de produits de luxe qui font la richesse de marques occidentales venues s'implanter en Chine. A l'inverse de l'évangile selon Saint Matthieu (20-16), qui annonçait "les derniers seront premiers et les premiers seront derniers", il n'en est rien pour le marché du luxe en Chine. Au contraire ! Présent à Hong Kong depuis 1978 et à Pékin depuis 1992, LVMH est dans le peloton de tête du marché des accessoires, avec sa marque Louis Vuitton, LA marque star du luxe en Chine. Présent à travers 100 points de vente et près de 600 comptoirs, le groupe enregistre aussi de très belles performances grâce au cognac, avec Hennessy. LVMH réalise 15 % de ses ventes en Asie, en y excluant le Japon. Citons aussi Richemont, Burberry, Cartier, Omega et Gucci qui, grâce à leur présence historique sur le marché, sont les mieux placées en Chine. Elles sont en effet les plus à même de tirer profit des tendances d'une demande globale de plus en plus homogène. De plus, elles séduisent par leur forte discipline financière et leur solide infrastructure, caractéristiques essentielles aux yeux des consommateurs chinois et clés du succès, selon Merrill Lynch.
Si l'étude de la banque d'affaires identifie des gagnants, elle n'en annonce pas moins la situation perdue d'avance pour certaines marques. On y retrouve des marques européennes qui ont déjà abordé le marché chinois dit "masculin" sans renforcer leurs positions sur les autres marchés, les marques "made in Europe" souffrant de la concurrence asiatique, ainsi que les marques locales qui se battent contre les conglomérats, dont les marques jouissent d'une plus forte notoriété. A éviter également : le recyclage des produits invendus venant d'autres pays ou se désintéresser des modèles de la demande locale. Si le luxe envahit Shanghai, Pékin, la contrefaçon reste la menace la plus importante pour l'industrie. Selon Merrill Lynch, "la meilleure façon de traiter le problème des faux est de rafraîchir les designs rapidement, de sorte que les contrefacteurs ne puissent pas continuer". Du géant endormi, la Chine est définitivement passée au stade de la puissance économique. "Avec le temps et la patience, la feuille du murier devient de la soie" : la preuve en est faite.


Notes

(1) Merrill Lynch,Global Team ; "Lap of Luxury. Enter the Dragon", 2 septembre 2005 ; Global Securities Research & Economics Group Global Fundamental Equity Research Department.
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