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Revue des Marques - numéro 50 - Avril 2005
 

Le buzz sur le buzz

Le buzz sur le buzz

Buzz marketing, marketing viral, mais aussi guerrilla marketing, stealth marketing, undercover marketing, street marketing… Les dénominations ne manquent pas pour designer ces nouvelles pratiques marketing en plein expansion. Invitation à comprendre les enjeux et à déjouer les mythes du marketing du bouche à oreille.

par Stéphane ALLARD, Directeur associé de SPHEERIS (*)

Le marketing du bouche à oreille a de quoi séduire. Il s'agit probablement de l'une des méthodes ayant le plus d'impact pour faire la promotion d'un produit ou d'un service. Aucune autre technique marketing ne donnera de meilleurs résultats qu'un message positif émis de manière crédible et ciblée par les consommateurs. Si le buzz (bouche à oreille) sur les produits a toujours existé, de nouvelles techniques fondées sur la science naissante des réseaux sociaux et la psychologie sociale permettent maintenant de stimuler le phénomène, pour le bénéfice d'une marque. S'agit-il d'un simple phénomène de mode qui risque de s'essouffler rapidement ? Ou ces pratiques s'inscrivent-elles plutôt dans une adaptation du marketing à un nouvel environnement socio-économique ? L'accroissement rapide de leur notoriété s'est développé sur un mythe fondateur : notoriété et développement des ventes pour un coût quasi-nul. Comment distinguer ce qui relève du mythe et ce qui est réellement possible, afin de fonder une stratégie pérenne sur des éléments tangibles ?

Le marketing du bouche à oreille

Sous la bannière du marketing du bouche à oreille se retrouvent des pratiques utilisant différents outils pour répondre à des objectifs variés… Et parfois même des pratiques qui n'ont rien en commun avec le bouche à oreille ! Ainsi, les campagnes de guerilla marketing et de street marketing qui visent à rentrer en contact directement avec la cible aux endroits qu'elle fréquente, ne créent que rarement du bouche à oreille, et ce n'est d'ailleurs pas leur objectif. Leur objectif est de faire remarquer la marque par les consommateurs. Dans un autre registre, les campagnes d'undercover marketing (aussi appelées stealth marketing) dans lesquels des "agents" de la marque se font passer pour de vrais consommateurs faisant l'apologie du produit, sur internet ou dans la rue, ne stimulent que rarement la propagation du bouche à oreille. L'information s'arrête bien souvent aux lieux dans lesquels elle a été propagée. Identifier une pratique marketing relevant du bouche à oreille est relativement simple. L'objectif est de stimuler la propagation du message de la marque au sein des réseaux de consommateurs. Le consommateur peut s'associer à ce message, rajoutant ainsi de la crédibilité au message et au produit (influencer marketing et evangelist marketing) ou, dans le cas du buzz marketing et du marketing viral, le consommateur n'est qu'un vecteur de propagation du message, avec un effet moins marqué sur sa crédibilité. Ainsi, en fonction des objectifs marketing, il faut s'orienter vers telle ou telle pratique, ou en combiner plusieurs. Souhaite-t-on développer la notoriété et l'image du produit ("effet pub") à moindre frais ? Dans ce cas le buzz marketing et le marketing viral sont idoines. Ou souhaite-t-on privilégier un support des ventes ("effet promo") via un message positif et crédible délivré par les consommateurs ? Dans ce cas, un programme visant les "influenceurs" du marché est peut-être mieux adapté aux besoins.

Selon une étude Gallup de 2004 réalisée auprès des consommateurs anglais, le marketing est jugé comme la deuxième profession la moins honnête, juste après celle de vendeur de voiture.
Le buzz sur le buzz

Pourquoi intégrer le marketing du bouche à oreille au marketing mix ?

Le développement de ces nouvelles techniques marketing est née d'un constat simple : le monde a beaucoup changé depuis les années 1950-1960, et pourtant nous continuons d'utiliser principalement des méthodes datant de cette période. L'environnement consumériste a notamment évolué sur les éléments suivants : • Saturation des offres et des messages publicitaires. 525 000 nouveaux produits ont été lancés en Europe en 1997, 3 973 produits promotionnés à la télévision en 2002 ; 3000, c'est le nombre moyen estimé de messages commerciaux reçus ou perçus par un consommateur chaque jour. Si l'on peut contester la véracité de ce dernier chiffre, un constat s'impose néanmoins : les consommateurs sont toujours plus sollicités. Face à une telle déferlante de messages publicitaires, la réaction presque innée du consommateur est de "zapper". Aussi bien physiquement (télécommande du téléviseur) que mentalement, le consommateur ignore de plus en plus les messages marketing qui l'entourent. Conséquence directe : la nécessité d'investir toujours plus pour être présent dans un maximum d'endroits, le plus longtemps possible. Cette surenchère accentue le phénomène de saturation et impose d'investir encore plus pour rester visible… Mais si le consommateur ignore les messages publicitaires, il continue d'écouter ses amis. • Discrédit des messages marketing. Sommes nous en train de payer pour le manque de transparence de certains acteurs du marché ? Qui accuser lorsque les performances "exceptionnelles" d'un produit se révèlent, en pratique, tout juste suffisantes ? Le consommateur, lui, a désigné le coupable : c'est le marketing. Selon une étude Gallup de 2004 réalisée auprès des consommateurs anglais, le marketing est jugé comme la deuxième profession la moins honnête, juste après celle de vendeur de voiture. Voilà le problème : les consommateurs ne croient plus les marketeurs. • Les consommateurs ont pris le pouvoir. Dans les années 1960, la problématique était simple : celui qui contrôlait les moyens de diffusion s'assurait le contrôle des messages. Quelques campagnes marketing bien ficelées vous assuraient de contrôler l'essentiel des messages concernant votre marque. Que s'est-il passé depuis ? L'avènement de l'Internet, de ses emails, de ses forums de discussions, de ses sites web, de ses blogs… mais aussi du téléphone portable et de ses SMS. Les consommateurs ont maintenant à leur disposition un arsenal puissant et redoutable pour propager massivement et quasiment gratuitement leurs propres messages… y compris sur les marques. Et ils ne se gênent pas pour le faire… Le film "Hulk" a ainsi perdu 70% de son audience dès les tous premiers jours de sa sortie. Idem pour "2fast2furious" ou encore "Charlie's Angels" qui ont vu leur audience chuter de 63% dès leur sortie. Jamais un tel phénomène n'était apparu aussi subitement dans l'histoire de l'industrie cinématographique. A l'origine de cette révolution : une poignée de consommateurs mécontents propageant la nouvelle par SMS, email et sur Internet. • Conséquence : la puissance du bouche à oreille. Considérez les résultats éclairants de ces études, reflets d'une tendance générale sur la prédominance du bouche à oreille dans les décisions d'achat : première source d'influence pour l'achat d'un véhicule (71 % contre 18 % pour la publicité TV, Cap Gemini Ernst and Young "Cars Online", octobre 2003) ; première source d'influence pour l'essai d'un nouveau produit de beauté (56 % contre 13 % pour la publicité TV, Flare "Beauty Survey", avril 2002) ; première source d'influence pour l'adoption d'un nouveau produit high-tech (40 % contre 4 % pour la publicité TV, Euro RSCG "Wired & Wireless : High-Tech Capitals Now and Next," juin 2001). Le modèle issu des années 1950-1960 est-il mort ? Non. Les campagnes de publicité et de marketing direct continuent d'être efficaces, mais elles ne suffisent plus. Plus que jamais, il devient indispensable pour la marque d'investir des canaux non-saturés et de rajouter de la crédibilité à son marketing-mix. Ce que permet le marketing du bouche à oreille.

Nul besoin de réaliser d'investir massivement en achat d'espace publicitaire, c'est le consommateur qui propage le message à la place de la marque.

Cinq bonnes raisons d'utiliser le marketing du bouche à oreille

1. Le buzz joue un rôle prépondérant dans les décisions d'achat des consommateurs ;
2. Le buzz permet d'émerger de la masse croissante de messages commerciaux ;
3. Le buzz est crédible alors que les consommateurs ne croient plus les marketeurs et leur communication ;
4. Le buzz peut se propager de manière exponentielle, le rendant très rentable, surtout dans un monde de plus en plus interconnecté ;
5. Le buzz place le consommateur, pas le marketeur, au centre du marketing mix.

Le buzz sur le buzz

Qu'attendre du marketing du bouche à oreille ?

Le buzz sur le buzz s'est créé autour de l'idée qu'avec un investissement quasi-nul il était possible d'attirer des millions de consommateurs. La réalité est un peu différente : le buzz permet d'investir moins. Nous avons tous à l'esprit les succès phénoménaux de Harry Potter, du film BlairWitch ou encore de la boisson RedBull. Trois produits qui doivent une grande partie de leur succès au buzz qu'ils ont su générer. Mais, contrairement au mythe, pour percer, ces trois produits ont su conserver un budget marketing conséquent, utilisé souvent de manière non traditionnelle, donc moins coûteux et moins visible qu'une importante campagne media. Il serait illusoire de penser qu'un investissement de quelques milliers d'euros pourra remplacer un achat d'espace en pub TV. Le marketing du bouche à oreille nécessite un investissement minimum pour générer des résultats… même si cet investissement est bien inférieur à celui d'une campagne media nationale. C'est l'un des principaux bénéfices qui attire les marques vers le marketing du bouche à oreille. Nul besoin de réaliser d'investir massivement en achat d'espace publicitaire, c'est le consommateur qui propage le message à la place de la marque. L'intérêt est d'autant plus fort pour les marques dont les budgets marketing ne peuvent rivaliser avec ceux de leurs concurrents. Investir un budget dix fois inférieur sur les mêmes médias ne peut que générer des résultats décevants. Il est préférable de se tourner vers des canaux de promotion alternatifs, en investissant dans le planning et l'exécution plutôt que dans de l'achat d'espace. La boisson Redbull, par exemple, aurait-elle eu la moindre chance de réussir si elle avait essayé de lutter avec les mêmes armes que Coca-Cola ou Pepsi ? La stratégie alternative utilisée par la marque lui a permis de devenir la première marque d'energy drinks dans le monde, passant de un million à un milliard de cannettes vendues en seulement quatre ans… distanciant très largement tous ses concurrents. Cela veut-il dire que le marketing du bouche à oreille est réservé aux marques de moindre envergure ? Pas du tout. Les marques leaders, également soucieuses de leur ROI, trouvent aussi dans cette pratique un moyen efficace de combler la principale lacune de leurs campagnes de communication traditionnelles : le manque de crédibilité. Nombre de ces marques n'ont pas de réel problème de notoriété : leurs budgets leur permettent (assez) aisément d'être connues par leur marché cible. Mais leur message manque souvent de crédibilité. Le marketing du bouche à oreille intervient alors pour dynamiser les ventes, en rassurant le prospect sur la pertinence de leur choix. Ford, pour le lancement de sa Focus aux Etats-Unis, a ainsi animé un réseau de consommateurs influenceurs qui se sont vu prêter le véhicule pendant un mois, propageant ainsi la bonne parole sur la fiabilité du modèle et propulsant la Focus en tête des ventes de sa catégorie. En France, Siemens a disséminé en phase de pré-lancement une centaine de téléphones mobiles auprès de consommateurs influents, provoquant une rupture de stock dès la sortie de ce modèle. Face à des consommateurs de plus en plus sceptiques et immunisés face aux messages publicitaires, le marketing du bouche à oreille s'impose peu à peu comme un complément indispensable à toute campagne marketing. Une étude récente du cabinet McKinsey, estimant que 67 % de toute l'économie est influencée par le bouche à oreille, rejoint les conclusions de Jean-Noël Kapferer qui plaide pour l'intégration du bouche à oreille dans le marketing mix : "toutes les entreprises doivent, à côté de leur plan de publicité ou de CRM ou de fidélisation, avoir un plan de bouche-à-oreille". C'est donc sans surprise que de plus en plus de marques s'intéressent à cette pratique, Procter & Gamble en tête. En 2001, la société a créé son propre réseau d'influenceurs pour générer du bouche à oreille positif sur ses produits. Les premiers résultats de ce programme précurseur ont amené Jim Stengel, le patron du marketing de Procter & Gamble, à déclarer : " Le bouche à oreille est la pratique ultime du marketing".

Toutes les entreprises doivent, à côté de leur plan de publicité ou de CRM ou de fidélisation, avoir un plan de bouche-à-oreille.

Notes

(*) Agence spécialisée dans le marketing du bouche à oreille, membre co-fondateur de la Viral & Buzz Marketing Association (www.vbma.net)

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