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Revue des Marques - numéro 47 - Juillet 2004
 

 

Les Nouveaux Instruments Promotionnels ou « NIP »
Brève approche juridique

par Jean-Christophe Grall, avocat à la cour de Paris

Il ne s'agit pas, dans le cadre du présent article, d'entrer dans une querelle plus ou moins polémique sur le bien ou le mal fondé des « NIP » et d'en faire le procès. Bien au contraire, nous nous cantonnerons à en faire une analyse juridique, sur un double terrain, à savoir celui de leur qualification au regard de la promotion des ventes, d'une part, avant d'envisager la qualification du lien contractuel pouvant exister entre l'industriel et le distributeur, d'autre part.
 
Attention !
Nouveaux Instruments Promotionnels
ou
Nouvelles Techniques Promotionnelles ?

 
Il ne s'agit pas, sur un plan strictement juridique, de Nouvelles Techniques Promotionnelles !
 
Pourquoi ?
 
Les avantages dont un consommateur peut bénéficier sont de trois sortes, soit il s'agit d'une réduction de prix, soit il s'agit d'une prime en espèces ou en nature, soit il s'agit d'un bon d'achat.
S'il s'agit d'un bon d'achat, nous nous inscrivons alors dans une logique de prime en espèces, le bon d'achat étant à valoir sur un futur achat dans le magasin ou dans les magasins de l'enseigne. L'offre d'un bon d'achat est donc licite, puisque ne contrevenant pas aux dispositions impératives de l'article L.121-35 du Code de la consommation, qui ne vise que l'offre d'une prime constituée par un produit ou un service et ce, à titre gratuit.
 
Aussi bien, le bon d'achat, qui ne constitue donc pas un bien ou un service en tant que tel, mais qui va donner doit à un tel bien ou service, peut tout aussi bien porter sur un produit indéterminé, donc sur l'ensemble des produits offerts à la vente dans le magasin, que sur un produit déterminé.
 
Cependant, rien n'étant simple, en droit notamment, deux hypothèses doivent alors et immédiatement être envisagées :
 
• Soit le bon d'achat se caractérise par une totale liberté d'utilisation et ne posera alors aucune difficulté (bien que l'intérêt de l'opération pour l'industriel dont le produit a déclenché le bon d'achat peut s'avérer être limité) ;
 
­• Soit il s'agit d'un bon d'achat qui porte sur un produit déterminé et deux solutions doivent alors être envisagées :
- si la valeur est inférieure au prix d'achat du produit, il s'agira d'une simple réduction de prix avec, le cas échéant, une requalification en prime auto-payante pour le produit ainsi acheté,
- si sa valeur est supérieure ou égale au prix d'achat du produit, il y a alors un risque éventuel de requalification de l'opération en prime en nature pour le produit acheté, sans débours du consommateur et donc risque d'illicéité et de sanctions pénales et/ou civiles.
 
Ces deux hypothèses ont pu être envisagées dans le cadre de litiges portés à la connaissance des juges, et notamment de la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 mars 1992 et de la Cour de cassation, dans un arrêt du 24 octobre 2000 qui, pour entrer en voie de condamnation, s'agissant notamment de la Cour d'appel de Paris, se sont d'abord efforcés de qualifier l'opération soumise à leur examen.
 
Et les juges de distinguer alors la situation dans laquelle le consommateur doit verser, ne serait-ce qu'une somme très modique en plus de la remise du bon d'achat, et l'opération est dès lors licite, de la situation dans laquelle, en contrepartie de la remise du bon d'achat, un produit lui sera remis, à titre totalement gratuit, faisant dès lors basculer cette opération dans le champ d'application des ventes avec primes, dont on sait qu'elles sont sanctionnées pénalement, si certains seuils sont franchis(1); on doit aussi rappeler que la mise en cause de l'industriel et/ou du distributeur est susceptible d'être recherchée au titre de la concurrence déloyale.
 

Quelle qualification retenir pour le lien contractuel qui s'établit entre l'industriel et le distributeur, permettant de faire bénéficier le consommateur de différents avantages ?

L'analyse des contrats proposés par les enseignes nationales démontre que deux qualifications sont susceptibles d'être retenues, soit le contrat de coopération commerciale, soit le contrat de mandat, qui procèdent de deux logiques radicalement différentes puisque, dans le premier cas, il s'agit de rémunérer une prestation de services spécifiques(2), rendue par le distributeur au profit du fournisseur, alors que dans le second cas, le fournisseur va mandater le distributeur pour que ce dernier agisse en son nom et pour son compte, en consentant aux consommateurs des réductions de prix sur tel ou tel produit ou en leur accordant des points qui viendront créditer une carte dite d'enseigne, leur permettant ainsi de cumuler des points qui seront convertis en euros et qui pourront, par ailleurs, leur donner droit à différentes offres promotionnelles ; il est également fréquemment possible de cumuler des bons d'achat générés lors de l'acquisition de certains produits paramétrés en caisse et d'utiliser la somme totale ainsi réunie lors de l'achat d'un produit ou d'un service [cf. la carte Carrefour notamment avec les « réductions libres »].
 

S'agit-il réellement de coopération commerciale ?

Rien n'est moins sûr, compte tenu de la définition très restrictive donnée à cette notion par la circulaire Dutreil du 16 mai 2003 relative aux négociations entre fournisseurs et distributeurs et, surtout, par la jurisprudence qui s'est développée depuis une quinzaine d'années à présent, et sans même envisager le contenu de l'accord signé le 17 juin 2004, sous l'égide du Ministre de l'économie, entre industriels, agriculteurs et distributeurs. Certes, ces « NIP » sont destinés à stimuler la revente des produits et pourraient dès lors rentrer dans le cadre de la coopération commerciale mais, et sans entrer dans un débat, fort intéressant par ailleurs qui nécessiterait un nouvel article à lui seul, serait-il encore nécessaire que les produits en cause fassent l'objet d'une mise en avant, de stop rayon, de publicités sur les catalogues des enseignes concernées, etc., bref de services réels et prouvés.
 

S'agit-il alors d'un mandat ?

L'intérêt du mandat est double : d'une part, il s'agit là d'une technique juridique bien rôdée, alors que nous venons de fêter le bicentenaire du Code civil, et, d'autre part, le mandat permet en outre d'éviter pour le distributeur de se situer en dessous du prix net facturé, constituant le seuil de revente à perte(3), en ce que ce n'est plus alors juridiquement parlant le distributeur qui octroie le bon d'achat constitutif de la réduction de prix, mais l'industriel qui ne fait que mandater ce dernier pour remettre aux consommateurs l'avantage dont il s'agit. La première enseigne a avoir compris l'enjeu d'un tel mécanisme était notamment « Leclerc », avec le lancement de l'opération « boomerang » en 1997 et ce, même si ce n'était que les prémices de ce qui allait être dénommé plus tard les « NIP » !
 
1) 7 % du prix net TTC si celui-ci est inférieure ou égale à 80 euros et 5 euros + 1 % du prix net TTC si celui-ci est supérieur à 80 euros avec une valeur maximale de la prime plafonné à 60 euros [voir à ce titre la jurisprudence Teisseire / Berger].
2) Au sens de l'article L.441-6-5° du Code de commerce
3) Au sens de l'article L.442-2 du Code de commerce
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