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Revue des Marques - numéro 19 - Juillet 1997
 

 

LA PROTECTION DES SIGNES DISTINCTIFS SUR INTERNET


par Olivier Mendras, avocat à la cour de Paris

• La philosophie fondamentale d'Internet, qui tend à une liberté universelle d'échanges de l'information aisément accessible, apparaît très difficilement conciliable avec le principe de territorialité qui régit la protection des signes distinctifs et plus particulièrement des marques. Ainsi le développement d'Internet et notamment l'extension de sites commerciaux sur le Web posent deux problèmes majeurs au regard de la protection des signes distinctifs :
- d'une part le problème de l'emploi du signe distinctif d'un tiers pour identifier un serveur ;
- d'autre part l'utilisation sur un serveur d'un tel signe contrefait ou imité.
 
• Ces problèmes se poseront de manière très différente lorsque le support de l'atteinte portée aux signes distinctifs sera un serveur géré par une entreprise française et lorsqu'il sera géré par une entreprise non implantée sur le territoire national. La première de ces hypothèses a déjà donné lieu à une jurisprudence puisqu'une entreprise française titulaire de la marque "Atlantel" a obtenu du président du tribunal de Grande Instance de Bordeaux une ordonnance de référé condamnant une autre entreprise française à faire retirer le nom de domaine " Atlantel.com " du réseau Internet (ordonnance du 22 juillet 1996 affaire Sapeso-Atlantel contre Icare-Gazette du Palais 13-15 avril 1997). Cette décision pose donc le principe qu'un enregistrement de marque en France prévaut sur le dépôt d'un nom de domaine auprès de l'organisme américain Internic.
 
• Rappelons également qu'il a été jugé en France que l'adoption d'un code d'accès à un kiosque télématique conférait à son titulaire le droit d'interdire sa reprise ou son imitation par une autre entreprise française. (Cour d'Appel de Paris - 20 septembre 1991 - Dalloz 1993 - sommaires - page 153). Il est par ailleurs incontestable que la reproduction d'une marque contrefaite ou imitée sur le serveur d'une entreprise française doit être jugée constitutive de contrefaçon en application des dispositions du livre VII du Code de la Propriété Intellectuelle.
 
Lieu d'émission ou lieu de réception
 
• L'entreprise titulaire de la marque à laquelle il sera porté atteinte pourra donc efficacement réagir en saisissant la juridiction compétente et en obtenant le prononcé des mesures classiques susceptibles de faire cesser les agissements fautifs et le prononcé de condamnations susceptibles de réparer le préjudice subi. Lorsque les atteintes à un signe distinctif protégé en France auront pour support un serveur situé à l'étranger, et plus particulièrement dans un pays où le signe distinctif concerné n'est pas protégé, la situation sera beaucoup plus délicate à tous points de vue. Se posera en premier lieu la question de déterminer si la loi applicable est celle du lieu d'émission ou celle du lieu de réception. Normalement, en application des règles générales de compétence de notre droit, la loi du lieu de réception devrait être jugée applicable. Ainsi il devrait être possible de saisir les juridictions françaises d'une action en contrefaçon ou en concurrence déloyale, à l'encontre d'une entreprise étrangère gérant un serveur, accessible en France, qui serait le support d'agissements de contrefaçon ou d'imitation de signes distinctifs.
 
• Il est toutefois bien évident que lorsque aura été obtenue une décision favorable, de graves difficultés pourront subvenir pour faire procéder à son exécution et pour mettre en œuvre des mesures d'interdiction d'accès au réseau français à l'encontre de l'entreprise étrangère.
 
• La fulgurante expansion du réseau Internet a donc totalement laissé désemparés les juristes. Aucun des dispositifs de protection ou de règlement des conflits élaborés par les organismes assurant la gestion de l'Internic, qui en sont d'ailleurs au stade tout à fait embryonnaire, ne présentent une réelle efficacité. Il serait donc souhaitable que très rapidement interviennent des accords internationaux pour éviter qu'en ce qui concerne la protection des signes distinctifs, comme d'ailleurs dans d'autres domaines, Internet ne devienne une immense zone planétaire de non droit.

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